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Ce blog et les écrits qu'il contient sont mis à disposition par Michel Bosseaux (l'auteur) selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
 
 

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19 août 2023 6 19 /08 /août /2023 07:51

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


J’ai croisé Matt par hasard à la fête d’anniversaire d’un ami. Il n’était pas comme les autres, qui ne pensaient qu’à boire, danser, et bien sûr ne pas finir la soirée seuls. Il semblait tout entier dans l’instant présent et, pour peu que vous croisiez son regard, il vous y plongeait également corps et âme rien que par son sourire.

Tout chez lui n’était que douceur, de ses yeux un peu triste derrière la joie de façade, au moindre de ses gestes qu’on aurait dit savamment calculé, comme une danse hypnotique. Et son timbre légèrement rauque, l’intelligence de ses mots … Il faisait tache dans cette soirée, mais pas dans le sens habituel. Elle n’était pas à sa hauteur.

Nous avons beaucoup parlé ce soir-là, dansé aussi. Au premier slow, il m’enlaça et je me laissai porter par le rythme lent et la chaleur de ses bras. A la fin, Il déposa un baiser sur mon front, et s’excusa de devoir partir : il se levait tôt le lendemain, il allait au mariage de sa sœur.

Sur l’impulsion du moment, je le suivis à l’extérieur de la maison, puis jusque chez lui dans sa voiture. Je n’avais jamais fait cela auparavant, ayant toujours été d’un naturel méfiant avec les garçons. Mais je sentais déjà que lui ne me ferait pas le moindre mal.

 

Je ne vous parlerai pas de la douceur extrême de sa peau, de la chaleur et de l’intensité de cette nuit, de l’accord parfait entre nous. Nous ne dormîmes pas.

Sur l’impulsion du moment, il m’invita à être sa cavalière au mariage. Nous passâmes rapidement par chez moi, au petit matin, et je trouvai heureusement quelque chose à me mettre.

Et c’est ainsi que je rencontrai sa grande famille, chaleureuse, exubérante, et tellement accueillante. A laquelle il me présenta, avec tellement de tendresse dans la voix que j’en fus bouleversée.

 

Ce jour fut un rêve éveillé, une pure magie que les suivants ne dissipèrent pas. Je passais tellement de temps chez lui qu’il fut évident que nous n’avions plus besoin de deux appartements. Tout alla très vite, et en moins de deux mois nous étions installés ensemble, et fiancés.

Et je ne sus jamais si c’était un oubli ou un accident, mais malgré la pilule, je tombai enceinte.

 

Aujourd’hui, cela fait 40 ans depuis ce jour-là, à Bristol, où j’épousai cet homme - qui ne cessa pas un seul jour depuis de m’hypnotiser d’un seul regard. Il y a des rencontres qui semblent écrites d’avance, la nôtre était de celles-là.

Bien du temps a passé, de l’eau a coulé sous les ponts. Nous avons eu 3 enfants, qui a leur tour ont eu des enfants. Ils sont tous là ce soir, pour notre anniversaire de mariage, occupés à piétiner  notre pelouse et à sauter partout en appelant ça danser, à boire (pour ceux qui ont l’âge), à rire, et à célébrer cette vie qui a su nous combler par ses bienfaits.

Matt et moi, enlacés dans un fauteuil, les regardons avec des larmes dans les yeux. Du bonheur qui déborde.

Je n’ai pas eu assez de cette vie, j’en veux plus, avec lui, avec eux tous. Je veux voir mes arrières petits- enfants, et puis les voir grandir et tomber amoureux à leur tour. Je veux voir le cycle se répéter, encore.

Tant que je peux voir tout ça depuis ce fauteuil, dans la douce étreinte de mon âme sœur…

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18 août 2023 5 18 /08 /août /2023 17:16

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023. Il répond également à la proposition 9 de Ecriture Créative, atelier d'écriture en ligne.


Je n’étais plus montée dans ce grenier depuis mon enfance. Et même à l’époque, je n’avais pas dû y pénétrer plus de 3 fois, qui s’étaient toutes terminées par une engueulade.

Je n’étais pas chez moi, ce n’était pas mes affaires, je n’avais pas le droit d’être là ni de toucher à tout comme ça…

Je me l’étais tenu pour dit, et même maintenant qu’Ethel était décédée, me léguant de façon incompréhensible la maison et tout ce qu’elle contenait, je n’osais pas passer la porte et monter la rampe. J’étais sûre que sa grande main d’ancienne boulangère allait m’agripper par derrière pour me faire redescendre, avant de me gratifier d’une fessée bien sentie.

J’en avais souvent reçu, dans mon enfance, de sa main ou de celle de ma grand-mère, qui m’avait élevée courageusement après le suicide de ma mère (alors que je n’avais que 2 mois). Mon père, je ne savais rien sur lui, sinon qu’il l’avait quittée avant de savoir qu’elle était enceinte. Elle avait voulu croire qu’il reviendrait, et qu’en l’apprenant il ne la quitterait plus. Mais elle avait fini par perdre espoir.

J’avais donc été élevée par une grand-mère pour qui je n’étais que le produit d’une relation « pas convenable », et une tante qui semblait me détester quoi que je fasse, et ne ratait pas la moindre occasion de me le faire sentir. Peut être me reprochait-elle la mort de sa sœur ?

Mais alors, pourquoi faire de moi son héritière ? Après tout, j’avais encore un oncle – que je ne voyais quasi jamais, même dans mon enfance - qu’elle adorait, et il avait trois enfants. Mais eux n’avaient rien reçu.

 

J’avais pensé que peut être la visite de la maison m’éclairerait un peu sur ce qu’Ethel pouvait bien avoir eu en tête dans les derniers temps. Mais tout était exactement comme je m’en rappelais, la dernière fois que j’étais venue ici, 15 ans auparavant. C’était le jour du décès de ma grand-mère, et j’avais tenté de faire la paix et d’établir une relation avec elle.

Elle m’avait reproché d’avoir toujours été une enfant trop turbulente, insupportable, d’avoir épuisé ma grand-mère avant l’heure. J’étais partie en claquant la porte.

Quelque chose m’échappait.

 

Je pris ma respiration et commençai à monter les marches, en les comptant dans ma tête, un, deux, trois, comme quand je montais un escalier étant enfant … Il y en avait exactement 9, je m’en souvenais. Et je débouchai dans cette grande pièce aux poutres apparentes, dans la pénombre et la poussière.

Elle était beaucoup plus dégagée que dans mes souvenirs. J’avais su par mon oncle que, quelques années auparavant, se croyant malade, elle avait entrepris de « mettre de l’ordre » pour ne pas laisser trop de travail le jour venu. Elle ne s’était trompée que de peu, ce qui n’était alors qu’un trouble mineur ayant évolué peu à peu pour finir par venir à bout de cette femme déterminée, qu’à l’époque je croyais indestructible.

 

Je déambulai sans buts quelques minutes dans les allées. Je ne savais pas bien ce que je faisais là. Mon oncle passerait le lendemain pour reprendre quelques souvenirs. Il m’avait demandé mon accord, timidement, comme si je risquais de refuser. Après, le reste partirait au vide grenier, et le contenu des autres étages suivrait. Je ne voulais rien récupérer ici, rien n’était à moi ni ne me rappelait quoi que ce soit.

J’étais définitivement une étrangère dans cette maison.

 

Soudain, mes yeux se posèrent sur un vieux coffre, dont la serrure semblait avoir été forcée. Ce qui m’intrigua le plus est que cet objet était le moins poussiéreux de la pièce, comme s’il avait encore été ouvert récemment.

Curieuse, je soulevai le couvercle, qui bascula dans un grincement réprobateur.

A l’intérieur, une photo. Je reconnus instantanément ma tante, ma mère, et son fiancé d’alors, qui l’enlaçait tendrement.

Mon père.

Je n’avais jamais été curieuse de cet homme qui avais choisi de quitter ma mère à un mois du mariage prévu. Et si je savais à quoi il ressemblait, c’est que j’avais déjà vu cette photo, en venant rendre visite à ma tante quand j’avais 8 ans. Elle avait rassemblé bien vite les papiers qui jonchaient la table de la salle à manger, mais j’avais eu le temps de la voir, de reconnaître maman, et de poser la question.

Ma grand-mère m’avait confirmé, la bouche pincée, qu’il s’agissait bien de mon père. Qu’il avait fait beaucoup de mal à ma mère avant de partir, et bon débarras !

Etonnant que Ethel ait conservé cette photo …

Je vidai peu à peu le coffre. Il y avait d’autres photos des deux sœurs, avec des personnes que je ne connaissais pas. Une photo avec mon oncle. Des copies de diplômes, des coupures de journal pour des remises de prix, des billets de concert. Quelques enveloppes sans nom d’expéditeur, toutes adressées à ma tante… et toutes vides.

Et puis, tout au fond du coffre, une enveloppe qui n’avait pas été ouverte. Et la mention du destinataire me figea sur place.

Aux bons soins de Ethel Coën … à l’intention de Marie.

 

J’étais confuse. Je ne connaissais pas suffisamment la vie de ma tante pour être sûre que j’étais la seule Marie qu’elle connaissait. Mais pour quelle autre personne aurait-elle reçu une lettre ? Quelque chose au fond de moi était convaincu que cette enveloppe était pour moi, et avait volontairement été laissée fermée, enterrée au fond de ce coffre.

Cela semblait irrationnel, jusqu’à ce que je retourne l’enveloppe et que je reconnaisse, de l’écriture de ma tante, ces quelques mots : « Je te demande pardon, Marie. »

 

Je déchirai l’enveloppe, la tête tournant et les larmes me montant aux yeux sans pouvoir expliquer pourquoi, et dépliai la lettre.

 

A l’intention de Marie Coën, de la part de Marc Toledano.

Ma chère fille,

Si un jour tu lis cette lettre, je suppose que tu seras adulte, et peut être même Ethel ne sera plus là pour t’expliquer. Jacqueline, ta grand-mère, ne voulant plus entendre parler de moi, ni que je sois présent pour toi d’aucune façon, je ne peux qu’espérer qu’un jour, mes mots te parviendront et que tu sauras ainsi enfin la vérité.

J’aurais tellement aimé faire partie de ta vie, que j’ai suivi de loin, du mieux qu’il m’a été possible, par le peu qu’Ethel a bien voulu m’en écrire. Mais j’ai dû me contenter d’être cet homme qui avait quitté ta mère sans même savoir que tu existais, la poussant au suicide.

Il ne se passe pas un jour sans que je regrette la façon dont les choses se sont déroulées.

Mais la vérité était que nous n’étions pas heureux elle et moi, que nous attendions de la vie des choses bien différentes. Je n’étais pas non plus le seul homme auquel elle s’intéressait à l’époque, et si l’on t’a dit que nous étions fiancés, sache que c’était surtout elle qui m’appelait ainsi pour parader devant ses amies. Le jour où je l’ai quittée, après une dispute très violente, elle partait retrouver un autre homme.

J’ai croisé Ethel, et je lui ai tout raconté. Nous avons beaucoup parlé, cette nuit-là, puis dans les semaines qui ont suivi, devenant peu à peu … plus proches. Autant qu’il est possible pour un homme et une femme.

Laura, de son coté, était jalouse. Elle avait quitté son nouveau « fiancé » et ne supportait pas de me voir tourner autour d’Ethel. Elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour nous séparer, racontant des mensonges à leur mère.

Quand je demandai Ethel en mariage, sa mère refusa et m’ordonna de partir, me menaçant du pire si j’osais revenir un jour.

Mais ne lui en déplaise, je ne perdis pas contact, tentant de convaincre l’amour de ma vie de partir avec moi. Mais elle tenait trop à sa famille pour s’enfuir. Et les choses restèrent ainsi.

Jusqu’à ce qu’elle découvre qu’elle était enceinte de toi.

J’imagine le choc que ces mots doivent provoquer en toi. L’ampleur du mensonge est immense, et crois bien que j’aurais tout fait pour que tu n’aies pas à le vivre. Mais la vérité est là : Ethel est ta mère. Et comme elle n’était pas mariée, Jacqueline refusa qu’elle élève cet enfant « impur » dans sa morale décadente, et décida de l’élever elle-même. Ethel plia devant la volonté de ta grand-mère (tu sais qu’on ne pouvait pas facilement lui dire non).

Peu de temps après, Laura, rendue folle par l’annonce de la grossesse, et qui avait du séjourner quelques temps chez une lointaine cousine pour « se reposer », revint à la maison, dans les jours qui précédèrent ta naissance.

Ce fut plus qu’elle ne pu en supporter. Tu connais cette part de l’histoire, sauf que cela ne se passa pas « des mois après ».

Tu naquis discrètement à la maison, Ethel aidée d’une sage-femme. Sur les papiers, on déclara que tu étais la fille de Laura, décédée deux jours avant, et que son suicide avait retardé les formalités.

Aux yeux de ta grand-mère, le suicide de Laura était maintenant ma faute (parce que je l’avais quittée après l’avoir mise enceinte), et Ethel pouvait vivre sa vie sans honte.

Elle m’écrivit pour me mettre en garde : si Jacqueline me voyait, elle m’accueillerait le fusil à la main.

On te fit école à la maison, tu ne t’en éloignais jamais sans être surveillée par ta grand-mère … je ne pouvais pas approcher.

C’est donc pour cela que je me décide à écrire cette lettre.

Tu pourrais, bien sûr, ne pas en croire un seul mot.

C’est pourquoi j’y joins celle d’Ethel, m’annonçant ta naissance dans des termes très clairs. Tu reconnaitras sans doute son écriture.

 

 

Les yeux noyés de larmes, Je ne pus continuer la lecture, mon père se perdant en excuses pour ne pas avoir osé malgré tout … je ne voulais pas connaître ses sentiments, c’était au-dessus de mes forces.

Cette lettre était sans tact, violente de toutes les façons.

Après un long moment à tenter de reprendre mes esprits, une pensée me vint, et je repris le contenu du coffre, un papier à la fois, jusqu’à la notice nécrologique que je croyais avoir vu passer.

Marc Toledano, mon père. Mort 3 ans plus tôt. Laissant derrière lui 4 enfants et 9 petits enfants.

Une belle grande famille que je découvrais sur papier et dont j’ignorais tout, je n’avais même pas la moindre adresse. Et puis, aurais-je vraiment envie de prendre contact ?

J’étais complètement perdue.

 

Ce qui était sûr, par contre, c’est qu’il allait me falloir plus de temps pour décider quoi faire de la maison et de ce qu’elle contenait.

Je descendis l’escalier et tout ce sur quoi mon regard se posait était nouveau, comme si j’étais passée du noir et blanc à la couleur.

Je passai beaucoup de temps dans la maison, les semaines qui suivirent, seule ou avec mon oncle.

Il savait tout, mais ma grand-mère l’avait menacé s’il disait quoi que ce soit. Alors il avait pris ses distances. Et même après sa mort, il avait gardé le silence, pensant qu’Ethel finirait par tout me dire.

Nous nous rapprochâmes beaucoup.

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18 août 2023 5 18 /08 /août /2023 10:32

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


« Contrôle sanitaire ! Veuillez déposer ce que vous tenez et garder vos mains bien en évidence ! »

Le commando, armé jusqu’au dent, venait de faire irruption dans la petite boulangerie que monsieur Robert avait ouvert dans son garage, dont l’accès n’était pourtant connu que des habitués. Le boulanger ne pouvait croire que l’un d’entre eux l’aurait dénoncé, mais vu comment les choses tournaient, tout était possible.

Le responsable analyse contourna le comptoir improvisé, scanner à la main, et entreprit d’inspecter méthodiquement tout ce qui s’y trouvait. Eclairs au chocolat, Merveilleux, tartes, gâteaux et pâtisseries diverses, rien n’y échappa, et le verdict tomba bien vite.

- Du beurre, du lait, de la crème, du sucre à haute dose, du chocolat à moins de 80%. Du poison, dans tous les produits chef !

- Bien. Filmez moi tout ça, archivez avec les scans, et puis détruisez tout.

 

Le boulanger voulut protester, et toutes les armes furent soudain braquées sur lui.

« Vous n’avez rien à dire ! Vous connaissez les lois ! d’ailleurs cette boulangerie est clandestine, vous savez que vous n’avez pas le droit de vendre ces produits ! Vous êtes un empoisonneur et vous allez nous suivre ! Vous allez droit en prison »

 

Dans un coin, l’unique cliente qui se trouvait dans la boulangerie au moment de l’irruption des contrôleurs se faisait toute petite, espérant contre toute logique passer entre les gouttes.

Mais ce ne fut pas le cas.

« N’oubliez pas de contrôler son sac, elle a fait des achats. »

Elle était au bord de s’évanouir maintenant, tandis que le responsable analyse déballait la boîte contenant le gâteau d’anniversaire « crème au beurre », avec comme décoration des roses en sucre et un glaçage des plus appétissants, mais absolument interdit.

- Je viens de scanner sa puce d’identité chef. Ce n’est pas son anniversaire.

- Achat de produits prohibés dans le but d’en faire consommer à d’autres. Empoisonnement volontaire d’autrui. Vous allez nous suivre également madame !
Mettez ce gâteau avec les autres et achevez de tout détruire !

Le commando ressortit de la boutique avec ses deux prisonniers, ne laissant derrière que le technicien, qui terminerait seul d’assainir les lieux.

 

Les quelques passants qui croisèrent le groupe, en direction de leur fourgon, s’écartèrent précipitamment, l’air apeuré, ne voulant donner aucun prétexte à une analyse organique complète pour déterminer leur alimentation. Depuis le vote des nouvelles lois, un an avant, à peu près tous les produits « non équilibrés » étaient strictement interdits à la vente, et si l’on pouvait bien sûr toujours préparer des sauces ou des plats trop riches à partir d’ingrédients sains, dans le secret de son domicile, il valait mieux éviter que cela se sache, à moins de vouloir subir un signalement à sa compagnie d’assurance et un refus de soin à la prochaine visite chez le médecin ou à l’hôpital, quelle qu’en soit la cause.

Et en cas de contrôle domiciliaire – toujours possible, sur dénonciation – si l’on vous prenait avec des restes de produits prohibés dans votre frigo, ou si l’analyse révélait que vous en aviez consommé et que vous n’étiez pas seul pour le faire, les charges devenaient alors criminelles et vous étiez mis en prison, simplement.

C’est à ce prix que les législateurs avaient pensé résoudre l’effroyable crise de santé publique, et le trou abyssal de la sécurité sociale : une tolérance zéro sur tous les produits alimentaires « non sains ».

 

Il y avait bien eu des protestations et de la résistance les premiers temps. C’est pour cette raison que les équipes de contrôle étaient maintenant indifférenciables à première vue d’un commando des forces spéciales, armement compris.

Et que tout le monde se soumettait. En tout cas en apparence.

 

Car bien sûr, et cela les contrôleurs le savaient bien … il ne serait jamais possible de contrôler tout le monde, tout le temps.

Mais même s’il faudrait longtemps pour mesurer tout le bénéfice des nouvelles mesures sur la santé publique, les chiffres de l’année écoulée pointaient déjà vers une réduction significative des crises cardiaques, des patients traités pour cholestérol trop élevé, et des nouveaux cas de diabète.

Cela semblait fonctionner. Alors le gouvernement s’acharnait, et durcissait encore quand il le fallait, quand la résistance se faisait trop vive.

 

En espérant qu’avec le temps, l’habitude aidant, elle s’atténue …

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17 août 2023 4 17 /08 /août /2023 09:53

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


J’ouvre les yeux, épuisé. La nuit a été compliquée, trop chaude, trop agitée …

Trop seul.

Je me tourne vers ton côté du lit, et tu n’y es pas. Ce n’était donc pas un cauchemar, tu es partie.

« Pour respirer, quelques jours, le temps de me retrouver ». Pourquoi dit-on tous ça à l’autre quand on part, pourquoi ne peut-on pas s’avouer franchement que c’est fini ?

 

Je me lève sans entrain. J’ai des courses à faire ce matin, il faut que je m’active. Mais à la seconde où mon pied touche le sol, je sais que je vais passer la journée à mesurer le temps qui me sépare du moment de me recoucher.

J’avance comme un zombie, passant plus de temps qu’il ne le faudrait dans la salle de bain (qui a dit qu’on ne pouvait pas dormir debout ? Sous une bonne douche, adossé au revêtement carrelé, c’est parfaitement réalisable), moins qu’il ne le faudrait devant mon frigo (pas faim, un verre d’eau suffira pour l’instant). Puis commence la lecture des mails, et la réponse à certains. Et il est bientôt l’heure de me mettre en route.

La routine matinale aide un peu, je fonctionne.

 

Mais je découvrirai plus tard que j’ai écrit à mon patron en l’appelant par ton prénom, en lui demandant quand il comptait revenir, que ce soit pour de bon ou pour reprendre ses affaires. Heureusement, fort de l’expérience de 5 divorces, il ne m’en tiendra pas rigueur.

 

Plus gênant, le fait est que d’habitude quand nous sortons de la maison le matin (ensemble), c’est toi qui récupères la clé sur la porte coté intérieur avant de sortir et la fermer. Machinalement, j’ai claqué la porte … et la clé est restée à l’intérieur. Je suis bon pour appeler un serrurier. Plus tard ?

Mais je découvre que j’ai également laissé mes papiers, mon téléphone, et mes clés de voiture, à l’intérieur. Heureusement que j’ai un voisin compréhensif (et présent !) qui me laisse téléphoner immédiatement. J’attend quand même deux bonnes heures avant que le problème ne se règle (ça fera 120 euros monsieur ! ah vous payez sur facture ? Alors ça sera plus cher !) puis je me remet en route, hésitant néanmoins : la liste des problèmes va-t-elle encore s’allonger ?

Mais le matin se poursuit plus calmement, entre les courses, puis le télétravail (avec en premier lieu une longue explication en vidéoconférence avec mon patron, pour le mail). Je boucle mon travail de la journée avant même l’heure du déjeuner, et en accord avec le patron, je me déconnecte donc.


Je retourne me coucher, comme un zombie.

Les cauchemars reviennent, et tu es partout.

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16 août 2023 3 16 /08 /août /2023 09:41

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


« Vous êtes tout à fait charmant, jeune homme, et vous avez de bonnes idées ! Il faudrait que nous trouvions le temps de discuter plus en détails de vos projets d’avenir. Je vous recontacte, d’accord ? »

Encore une fin de non-recevoir. Cette charmante dame l’avait appelé « Patrick » pendant toute la conversation, sourde à ce qu’il disait. Et elle n’avait même pas pris sa carte. Par contre, le passage obligé ne manqua pas de se présenter quand elle ajouta

« Mais que vois-je ? Vous n’avez plus rien à boire ! Garçon, un verre de bulles !!! »

Ayant passé la soirée à refuser poliment tous les verres que l’on me proposait, vu que je ne touche pas à l’alcool, j’en avais retenu une leçon, forgée sous les regards d’incrédulité et l’insistance souriante (« Allons allons, ce n’est pas un verre qui va vous tuer ! » : il valait encore mieux que je m’esquive discrètement pendant que la personne avait la tête tournée vers le serveur.
 

Evidemment, ce n’était pas l’idéal pour laisser une bonne impression, alors que j’étais là pour nouer des contacts professionnels. Mais de toute façon, personne ne m’écoutait vraiment. Et l’homme pour lequel nous étions tous là, le mystérieux PDG de la société, M. J. Randall, seul capable de décider de l’avenir des gens présents, ne se montrerait pas plus cette fois que chaque année. Il aimait cultiver le mystère, cela avait contribué à sa légende. On ne connaissait de lui que son succès dans les affaires et cela semblait lui suffire.

Mais ce n’était pas pratique quand on avait un projet à lui soumettre.

 

Les serveurs semblaient s’être lancés dans une traque pour me mettre de force un verre en main, et je commençais à avoir très chaud, et la tête qui tournait, à force de voir tous ces gens en train de boire, les bulles crevant la surface des coupes qu’ils portaient à leur lèvre, le goût fantastique que devait avoir ce champagne hors de prix qui était servi …

C’est donc presque en m’enfuyant que j’arrivai sur la terrasse. Enfin un peu d’air.

 

« Alors, on s’évade ? »

Je me retournai, surpris, pour découvrir le regard perçant et la moue amusée d’une jeune femme d’environ 22 ans.

- J’avais besoin d’air. Et vous ? 

- Je préfère encore le silence et l’obscurité à toutes ces personnes et ces conversations creuses.

« Au fait, je m’appelle Maxine » ajouta-t-elle dans un sourire, avant de finir son verre, et de m’en proposer un, avant que je ne puisse me présenter à mon tour. Je soupirai, et elle éclata de rire. « Pas de panique, ce n’est que de l’eau ! » précisa-t-elle finalement, savourant manifestement mon embarras.

- Ce n’est pas bien, je ne devrais pas vous taquiner ainsi. Vous faites de gros efforts depuis le début de la soirée, et j’imagine comme cela doit être inconfortable.

- Vous m’avez observé ?

- J’aime bien savoir qui est qui. Déformation professionnelle.

- Et si je puis me permettre, Maxine … à quoi occupez-vous donc votre temps, quand vous n’observez pas les gens en soirée ?

- Oh croyez-le ou non, c’est la part la plus importante de mon travail, dit-elle, son sourire taquin s’élargissant. Le reste du temps, ce ne sont que des chiffres et des graphiques à n’en plus finir. Je préfère de beaucoup être ici. Cela me permet de rencontrer des gens intéressants.

D’ailleurs, j’aimerais en apprendre plus sur vous. Venez, nous seront plus à l’aise par ici.

Elle avait sorti de sa poche un passe magnétique et ouvert la porte du bureau d’angle, qui donnait lui aussi sur le balcon. J’étais désorienté. Qui était cette femme qui ne m’avait même pas laissé me présenter, et que faisait-elle ici ? Et à quoi rimait cette invitation plutôt… rapide ?

Devinant mon trouble, elle ajouta, mystérieuse 

« Vous me suivez, Tom ? Peut-être pourrais-je prêter une oreille plus attentive que les autres convives à vos idées pour l’entreprise. »

Je l’accompagnai donc dans le bureau, de plus en plus désorienté. Elle connaissait mon nom. Avait-elle espionné toutes mes conversations de ce soir ? Que me voulait cette femme que je n’avais jamais vu avant ?

 

Elle appuya sur un interrupteur, et la lumière révéla un impressionnant bureau aux boiseries à couper le souffle. Le mobilier semblait ancien, mais je ne m’y connaissais pas assez pour émettre la moindre hypothèse sur l’époque. Ce n’était pas ce qui m’intriguait le plus ici.

Au mur, un portrait d’homme, peint avec grand talent. On aurait pu croire que ses yeux me suivaient tandis que j’avançais dans la pièce.

« Mon père », me souffla Maxine, qui était maintenant derrière moi, m’observant tandis que je découvrais les lieux. Son murmure me fit frissonner.

Et soudain l’ambiance changea du tout au tout.

- Je pense avoir assez joué avec vous comme cela, Tom. Passons aux choses sérieuses.

- Que voulez-vous dire ?

- Avant toute chose, je me dois de me présenter un peu mieux. Vous verrez, tout va être tout de suite plus clair.

Elle me tendit la main pour une poignée beaucoup plus ferme que je ne l’aurais imaginé

- Maxine Jane Randall, ravie de vous rencontrer.

- M.J Randall … balbutiais-je, ne sachant plus où me mettre.

- Allons, vous étiez bien plus éloquent ce soir, en tentant d’expliquer vos idées à mes convives insipides et avinés. Une belle bande de profiteurs suffisants qui ne viennent ici une fois par an que pour s’attirer mes bonnes grâces … sans même savoir que ce sont les miennes. S’ils l’apprenaient, ils s’étoufferaient sans doute avec les petits fours.

- Mais pourquoi me révéler votre secret, alors ?

Elle sembla hésiter un instant, et poursuivit.

- Ce n’était pas prévu. Si je vous jugeais aussi intéressant que mon enquête préalable le laissait supposer, vous auriez normalement du discuter avec mon assistant. Et puis je vous ai observé, discrètement. Votre franchise, votre passion pour votre travail, votre volonté sans faille face aux tentations – et les efforts pour garder bonne figure alors que clairement ce genre de soirée vous fait horreur -, tout cela m’a beaucoup impressionné.  Rares sont les gens assez intègres pour s’infliger cela sans y chercher un bénéfice personnel.

Devant mon air ébahi, elle continua

- Oui, j’ai lu vos propositions. Vous avez tenté à maintes reprises de les faire remonter par la voie hiérarchique, sans succès. Officiellement, ça ne m’est jamais parvenu. Mais en réalité, j’ai des yeux partout ! Pas une seule n’implique une augmentation ou un poste supérieur pour vous-même.

- J’aime mon travail, simplement.

- C’est bien ce que je disais. Donc il m’est venu une idée … 

Voudriez-vous devenir le visage de la société ?

Je fus estomaqué, et ne parvenais plus à émettre le moindre son.

Vous serez d’accord avec moi sur le fait qu’un PDG ne peut pas ne jamais apparaître au grand jour. Ce n’est pas possible. J’ai eu beau faire des miracles depuis que mon père m’a transmis les rênes peu de temps avant sa mort, il y a eu des moments où cela n’est pas passé loin que le secret ne soit découvert.

Et cela serait catastrophique !

D’abord, parce que personne ne me prendrait au sérieux – nous sommes dans un monde d’homme, je suis trop jeune, trop « souriante », pas assez sérieuse en somme - et l’image de la société en serait ternie.

Ensuite, parce que je n’ai pas envie de toute l’attention que cela me vaudrait. J’aime pouvoir mener ma vie en dehors de ces murs comme Maxine, pas M.J Randall. Cela ne serait plus possible si tout le monde savait.

- Mais comment imaginez-vous que cela puisse fonctionner ?

- Je suppose qu’aucun des bouffons dans la pièce à coté, ni dans votre service dans la société, n’a vraiment fait attention à vous jusqu’ici. Il ne devrait pas être trop compliqué de leur faire croire que vous étiez « en infiltration » pour voir de l’intérieur ce qui ne va pas dans la société. Un patron « undercover » comme on dit dans les télés réalités.

Elle rit.

- Il sera donc facile de vous faire passer pour le patron, et pour M.J Randall, ce ne sera qu’un pseudonyme derrière lequel vous vous cachiez …

- Et vous dans tout ça ?

- Moi ? Je serais votre assistante en apparence, prenant vos rendez-vous, planifiant les réunions, supervisant les rapports, organisant tout ce qui doit l’être pour que tout tourne rond.

- Et se faisant, mettant la main à la marche de toute l’entreprise …

- Je vois que vous commencez à saisir.

J’aime vos idées. J’aimerais que l’entreprise en profite et je vous donnerai toute liberté pour le faire si vous acceptez ma proposition.

Vous ne seriez pas mon prête-nom. En quelque sorte, nous co-dirigerions l’entreprise.

Qu’en dites-vous ?

L’idée paraissait folle, et je posai encore beaucoup de questions. La conversation dura toute la nuit, et il me fallut bien reconnaître finalement que Maxine avait pensé à tout.

En plus, elle avait un vrai talent pour vendre l’idée. Maintenant, j’en avais envie.

Je finis par accepter.

 

 

Ce que je n’avais pas imaginé, se faisant, c’est à quel point ma vie allait en sortir transformée. Mais un an plus tard, alors que j’étais moi-même l’hôte de la soirée annuelle, je faisais le bilan dans ma tête et c’était vertigineux.

« Inattendu, aussi, sur beaucoup de points. » pensais-je en voyant Maxine revenir vers moi, son ventre arrondi ne m’incitant pas à penser au travail. Elle se pencha vers moi pour m’embrasser, puis me murmura à l’oreille le nom des personnes à qui nous devrions absolument parler en privé.

 

Nous avions commencé à nous rapprocher quelques mois après mon « entrée en fonction ». Le mariage et la grossesse avaient suivi de près, tant cela nous avait semblé évident.

Elle avait tenu à ce que le mariage me donne droit à la moitié de l’entreprise. J’avais insisté pour qu’aux yeux du monde, ce soit elle qui dispose maintenant de la moitié, ce qui lui donnait le droit de décider quand je n’étais pas disponible. Mais je restais le visage de l’entreprise, comme elle l’avait souhaité, préservant l’ombre où elle s’épanouissait.

Nous étions parfaitement heureux ainsi.

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