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18 août 2023 5 18 /08 /août /2023 10:32

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


« Contrôle sanitaire ! Veuillez déposer ce que vous tenez et garder vos mains bien en évidence ! »

Le commando, armé jusqu’au dent, venait de faire irruption dans la petite boulangerie que monsieur Robert avait ouvert dans son garage, dont l’accès n’était pourtant connu que des habitués. Le boulanger ne pouvait croire que l’un d’entre eux l’aurait dénoncé, mais vu comment les choses tournaient, tout était possible.

Le responsable analyse contourna le comptoir improvisé, scanner à la main, et entreprit d’inspecter méthodiquement tout ce qui s’y trouvait. Eclairs au chocolat, Merveilleux, tartes, gâteaux et pâtisseries diverses, rien n’y échappa, et le verdict tomba bien vite.

- Du beurre, du lait, de la crème, du sucre à haute dose, du chocolat à moins de 80%. Du poison, dans tous les produits chef !

- Bien. Filmez moi tout ça, archivez avec les scans, et puis détruisez tout.

 

Le boulanger voulut protester, et toutes les armes furent soudain braquées sur lui.

« Vous n’avez rien à dire ! Vous connaissez les lois ! d’ailleurs cette boulangerie est clandestine, vous savez que vous n’avez pas le droit de vendre ces produits ! Vous êtes un empoisonneur et vous allez nous suivre ! Vous allez droit en prison »

 

Dans un coin, l’unique cliente qui se trouvait dans la boulangerie au moment de l’irruption des contrôleurs se faisait toute petite, espérant contre toute logique passer entre les gouttes.

Mais ce ne fut pas le cas.

« N’oubliez pas de contrôler son sac, elle a fait des achats. »

Elle était au bord de s’évanouir maintenant, tandis que le responsable analyse déballait la boîte contenant le gâteau d’anniversaire « crème au beurre », avec comme décoration des roses en sucre et un glaçage des plus appétissants, mais absolument interdit.

- Je viens de scanner sa puce d’identité chef. Ce n’est pas son anniversaire.

- Achat de produits prohibés dans le but d’en faire consommer à d’autres. Empoisonnement volontaire d’autrui. Vous allez nous suivre également madame !
Mettez ce gâteau avec les autres et achevez de tout détruire !

Le commando ressortit de la boutique avec ses deux prisonniers, ne laissant derrière que le technicien, qui terminerait seul d’assainir les lieux.

 

Les quelques passants qui croisèrent le groupe, en direction de leur fourgon, s’écartèrent précipitamment, l’air apeuré, ne voulant donner aucun prétexte à une analyse organique complète pour déterminer leur alimentation. Depuis le vote des nouvelles lois, un an avant, à peu près tous les produits « non équilibrés » étaient strictement interdits à la vente, et si l’on pouvait bien sûr toujours préparer des sauces ou des plats trop riches à partir d’ingrédients sains, dans le secret de son domicile, il valait mieux éviter que cela se sache, à moins de vouloir subir un signalement à sa compagnie d’assurance et un refus de soin à la prochaine visite chez le médecin ou à l’hôpital, quelle qu’en soit la cause.

Et en cas de contrôle domiciliaire – toujours possible, sur dénonciation – si l’on vous prenait avec des restes de produits prohibés dans votre frigo, ou si l’analyse révélait que vous en aviez consommé et que vous n’étiez pas seul pour le faire, les charges devenaient alors criminelles et vous étiez mis en prison, simplement.

C’est à ce prix que les législateurs avaient pensé résoudre l’effroyable crise de santé publique, et le trou abyssal de la sécurité sociale : une tolérance zéro sur tous les produits alimentaires « non sains ».

 

Il y avait bien eu des protestations et de la résistance les premiers temps. C’est pour cette raison que les équipes de contrôle étaient maintenant indifférenciables à première vue d’un commando des forces spéciales, armement compris.

Et que tout le monde se soumettait. En tout cas en apparence.

 

Car bien sûr, et cela les contrôleurs le savaient bien … il ne serait jamais possible de contrôler tout le monde, tout le temps.

Mais même s’il faudrait longtemps pour mesurer tout le bénéfice des nouvelles mesures sur la santé publique, les chiffres de l’année écoulée pointaient déjà vers une réduction significative des crises cardiaques, des patients traités pour cholestérol trop élevé, et des nouveaux cas de diabète.

Cela semblait fonctionner. Alors le gouvernement s’acharnait, et durcissait encore quand il le fallait, quand la résistance se faisait trop vive.

 

En espérant qu’avec le temps, l’habitude aidant, elle s’atténue …

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