10 janvier 2007
3
10
/01
/janvier
/2007
00:26
ouverture - fête - un sans-papiers - tatouage - iris -
battre ou se battre - un verre de lait - transmettre - soir - ressemblant - s'amuser - tardivement.
La photo avait été prise le soir même, à l'ouverture de la fête organisée par une association de soutien locale. On la lui avait transmise un peu trop tardivement, mais il savait que, même s'ils avaient réagi plus vite, cela n'aurait rien changé et qu'il leur aurait échappé, une fois encore. Et puis il ne pourrait pas les blâmer. Rien ne ressemble plus à un sans-papiers qu'un autre, dans la masse : le même regard de bête traquée, piétinée, mais un regard de défi aussi, ce défi qu'ils lancent à tous les autres, les chanceux, d'essayer de leur prendre le peu qu'il leur reste - leur dignité, leur âme.
Tout d'abord il avait hésité devant le cliché, pas très ressemblant. Et puis le récit de la soirée l'avait fait douter encore plus : se battre pour un verre de lait, ce n'était pas le meilleur moyen de passer inaperçu. Bien sûr il n'avait pas le choix, il lui fallait absolument en boire, il était programmé génétiquement pour ne pas survivre sans. Et le lait étant devenu extrêmement rare, il n'y avait vraiment que peu d'occasions où l'on pouvait espérer en trouver...
A se demander comment ici, dans ces circonstances...
Mais les questions de cet ordre attendraient. Pour l'heure, il était plus important de comprendre pourquoi un soldat parfaitement entraîné à rester dans l'ombre, même dans les cas de vie ou de mort, s'amusait soudain à les narguer ainsi.
Décidément, quelque chose lui échappait. Jamais sa cible ne se serait comportée ainsi... Pourtant, il lui fallait bien se rendre à l'évidence : ce tatouage sur le bras gauche n'avait été fait qu'en 12 exemplaires, et les 11 autres, traqués comme lui, étaient morts. Aucun doute là-dessus, il avait personnellement ramené leurs cadavres à la division, et une identification oculaire, dans leur cas surtout basée sur leurs iris si particuliers, n'avait pas laissé le moindre doute : un code barre tatoué sur l'iris, à l'encre magnétique, indécelable à l'oeil nu, et indélébile, ce n'était quand même pas si fréquent.
Le colonel Travis scrutait la nuit, du toit de l'immeuble où avait eu lieu cette fête. Il ressentait en même temps l'exaltation de la traque, la frustration d'avoir été encore une fois si proche, et si loin en même temps... mais aussi un grand calme.
Un jour plus si lointain, il aurait le n°7 en face de lui.
Alors, tous deux pareillement prisonniers de leur nature profonde, l'un la proie et l'autre le chasseur, verraient leur destin s'accomplir, inéluctablement, et savoureraient sans nul doute ce moment mythique où ils pourraient cesser de courir.
Dans le regard de l'autre, de part et d'autre de la mort, l'un victime et l'autre bourreau, ils seraient enfin rendus à eux-même.
Libres.
battre ou se battre - un verre de lait - transmettre - soir - ressemblant - s'amuser - tardivement.
La photo avait été prise le soir même, à l'ouverture de la fête organisée par une association de soutien locale. On la lui avait transmise un peu trop tardivement, mais il savait que, même s'ils avaient réagi plus vite, cela n'aurait rien changé et qu'il leur aurait échappé, une fois encore. Et puis il ne pourrait pas les blâmer. Rien ne ressemble plus à un sans-papiers qu'un autre, dans la masse : le même regard de bête traquée, piétinée, mais un regard de défi aussi, ce défi qu'ils lancent à tous les autres, les chanceux, d'essayer de leur prendre le peu qu'il leur reste - leur dignité, leur âme.
Tout d'abord il avait hésité devant le cliché, pas très ressemblant. Et puis le récit de la soirée l'avait fait douter encore plus : se battre pour un verre de lait, ce n'était pas le meilleur moyen de passer inaperçu. Bien sûr il n'avait pas le choix, il lui fallait absolument en boire, il était programmé génétiquement pour ne pas survivre sans. Et le lait étant devenu extrêmement rare, il n'y avait vraiment que peu d'occasions où l'on pouvait espérer en trouver...
A se demander comment ici, dans ces circonstances...
Mais les questions de cet ordre attendraient. Pour l'heure, il était plus important de comprendre pourquoi un soldat parfaitement entraîné à rester dans l'ombre, même dans les cas de vie ou de mort, s'amusait soudain à les narguer ainsi.
Décidément, quelque chose lui échappait. Jamais sa cible ne se serait comportée ainsi... Pourtant, il lui fallait bien se rendre à l'évidence : ce tatouage sur le bras gauche n'avait été fait qu'en 12 exemplaires, et les 11 autres, traqués comme lui, étaient morts. Aucun doute là-dessus, il avait personnellement ramené leurs cadavres à la division, et une identification oculaire, dans leur cas surtout basée sur leurs iris si particuliers, n'avait pas laissé le moindre doute : un code barre tatoué sur l'iris, à l'encre magnétique, indécelable à l'oeil nu, et indélébile, ce n'était quand même pas si fréquent.
---
Le colonel Travis scrutait la nuit, du toit de l'immeuble où avait eu lieu cette fête. Il ressentait en même temps l'exaltation de la traque, la frustration d'avoir été encore une fois si proche, et si loin en même temps... mais aussi un grand calme.
Un jour plus si lointain, il aurait le n°7 en face de lui.
Alors, tous deux pareillement prisonniers de leur nature profonde, l'un la proie et l'autre le chasseur, verraient leur destin s'accomplir, inéluctablement, et savoureraient sans nul doute ce moment mythique où ils pourraient cesser de courir.
Dans le regard de l'autre, de part et d'autre de la mort, l'un victime et l'autre bourreau, ils seraient enfin rendus à eux-même.
Libres.
---
Travis ne sentit pas plus la balle l'atteindre qu'il n'avait entendu le coup de feu. Tout à sa méditation, il avait raté le moment.
La roue tourne, les destins se brouillent et se mélangent...Il y eut bien, comme prévu, une victime et un bourreau...
Travis ne sentit pas plus la balle l'atteindre qu'il n'avait entendu le coup de feu. Tout à sa méditation, il avait raté le moment.
La roue tourne, les destins se brouillent et se mélangent...