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Ce blog et les écrits qu'il contient sont mis à disposition par Michel Bosseaux (l'auteur) selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
 
 

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30 août 2023 3 30 /08 /août /2023 11:53

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


Je scrute la foule, à la recherche d’une de tes éternelles robes rouge et du foulard assorti. De ta démarche assurée, de ton sourire qui efface le monde autour. J’ai le cœur serré, mais je garde confiance.
Il est 10 heures et tu vas bientôt apparaître sur ce quai, avec ta valise, et me dire que ce sera nous deux jusqu’à la fin des temps. Je t’ai donné rendez-vous pour commencer notre futur sans attendre plus longtemps, sans accepter que les règles des autres ne brisent nos élans. Et tu vas venir, j’en suis sûr. 


Les secondes passent, les corps se succèdent, et ce n’est toujours pas toi.


10h01, 10h02, le temps passe, mon cœur bat la cadence. Je respire mal. 


10h05. Je pensais que, comme à ton habitude, tu serais bien en avance, que tu me surprendrais à mon arrivée en étant déjà là à m’attendre. Mais ça ne veut rien dire, il y a tellement de gens dans cette gare. Puis ton métro a pu avoir du retard.


10h10. La foule qui se pressait en direction du quai a quasi disparu. Chacun a trouvé sa place dans le train, qui part dans 5 minutes. Il ne reste plus que deux ou trois personnes en retard, qui courent pour arriver. Le hall est plutôt calme. Je ne te vois nulle part.


Je tente de te joindre, et je tombe directement sur ta messagerie. Tu n’éteins pourtant jamais ton téléphone, et tu veilles à bien recharger chaque fois que tu dois aller quelque part. Mais un oubli est toujours possible.
Je vérifie mes messages, pensant que peut-être j’aurais pu manquer une notification, mais non, tu n’as pas cherché à me contacter.

Le contrôleur me demande si je monte ou non dans le train. Je lui réponds que oui, et jette un dernier coup d’œil. Il n’y a plus personne en vue désormais. J’ai le cœur si lourd …
Je me retourne et monte dans le train.

Je range ma valise dans le compartiment au-dessus des sièges, et m’installe à la place indiquée sur mon billet. Je suis du bon coté pour continuer à regarder le quai, mais bien sûr il n’y a personne, et les portes du train viennent de se fermer. On va bientôt démarrer.
Je tente encore de te joindre, sans succès, et me perds dans mes pensées. Je n’aurai jamais de tes nouvelles, mais je ne le sais pas encore.

Je m’attends à rester seul pendant tout le trajet, vu que tu avais normalement le siège à côté du mien.


Je sursaute quand une voix timide me demande si elle peut changer de siège. Une histoire de bébé difficile à calmer dans la voiture suivante. Je fais signe que oui, sans prêter plus attention.

 



« Mais 5 minutes plus tard, tu m’as demandé l’heure.


Voilà ce dont je me souviens de ce jour, il y a 33 ans maintenant, où nous avons entamé la conversation dans ce train. Tu descendais au même arrêt que le mien. Nous ne nous sommes plus quittés depuis.


Un mois après nous emménagions dans notre premier appartement. Trois mois plus tard c’est toi qui me demandais en mariage, me battant de justesse (j’avais commencé à te chercher une bague).
Quelques semaines encore et nous découvrions que tu étais enceinte.

 

Aujourd’hui, devant nos 5 enfants et 6 petits enfants ici réunis, ce que je voudrais dire c’est que dans la vie, il y a tellement de gens qui font des plans, et puis les regardent tomber en poussière … tellement de gens aussi qui ont toutes les chances et puis n’en font rien, ignorant que c’est plus rare qu’ils ne semblent le croire.
 

Il y a des rendez-vous manqués aussi, innombrables. 
Mais certains sont les plus grandes chances que vous pourrez jamais avoir.
Comme ce siège libre, ce jour-là, qui devait absolument être le tien.

 

Merci d’être venue, ce matin-là, y prendre ta place à mes côtés, mon amour. Et merci pour chaque seconde depuis, main dans la main. »

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30 août 2023 3 30 /08 /août /2023 08:30

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


Tu détestes que l’on t’offre des fleurs. Tu as toujours eu ce geste en horreur.  

Parce que cela te rappelle que tu n’es pas comme les hommes, que l’on félicite d’une tape dans le dos, d’une accolade ou d’une poignée de main bien “virile”. Non tu es une petite chose délicate, une femme. Et à leurs yeux, sans fleurs, il manque toujours quelque chose à la photo sur le podium. 

Parce qu’aussi, quand un homme offre des fleurs, c’est souvent qu’il a une idée en tête. Ou alors il en a eu une avec une autre, il est peut-être même passé de l’idée à la pratique, et là il se sent coupable. Ou simplement il a quelque chose à se faire pardonner, il ne sait pas comment revenir après une dispute, et plutôt que d’en appeler à ton intelligence, il essaye de t’enfumer avec le parfum délicat de quelques roses. 

Tu préfères nettement les fleurs qui poussent librement dans les champs. Ce n’est pas le genre que l’on couperait comme cadeau pour quelqu’un qui n’a rien demandé. Pourtant, tu trouves que ce sont les plus belles. 

Tu chéris leur liberté et tu aimerais surtout que l’on n’empiète pas sur la tienne, sous prétexte que l’on te fait cadeau d’un bouquet, ou d’une boîte de chocolat, ou d’un bijou … 

Ou d’une bague en diamant ! 

 

Ce soir il a osé, genou à terre, devant tout le monde au restaurant.  

Et tu as fondu en larmes évidemment, parce que tu ne peux pas t’empêcher de ressentir. 

Mais en même temps, tu ne t’es pas sentie libre. 

Et puis il a cru, même s’il te connait par cœur, que pour l’occasion, il pouvait aussi ajouter un bouquet de roses à la bague.  

 

Et toi tu as pêté les plombs, hurlé, jeté le bouquet à terre, enlevé la bague, et tu es partie comme une furie, sans regarder où tu allais. 

Là tu es sous la pluie, sur le trottoir de cette avenue. Tu n’as pas fait 100 mètres avant de t’arrêter, et de mêler tes larmes aux éléments. 

 

Il ne te pardonnera jamais, tu le sais. 

 

Pourquoi tu n’as pas pu, une seule fois dans ta vie, accepter ces foutues fleurs sans rien dire, afficher un sourire comblé et le laisser être heureux ? Il n’a pas assez galéré pour t’approcher, te séduire ? Il ne méritait vraiment pas mieux que ça, après avoir survécu à trois ans de ton parcours du combattant, quasi sans fautes ? 

 

Et puis soudain il est là, sous la pluie avec toi. Il t’a rattrapée.  

Tu te jettes dans ses bras, certaine que cette étreinte-là pourrait durer longtemps. Peut-être même bien toute la vie, qui sait. S’il voulait bien demander une deuxième fois. Tu accepterais même les fleurs, promis, s’il voulait bien ne plus jamais te lâcher. 

Tu trembles et tu t’étouffes avec tes larmes. Il t’attire sur le porche de l’immeuble le plus proche et, patient, attends que tu t’apaises.  

 

Il te connait par cœur, de tes colères à tes douleurs. 

 

Et puis tu l’entends murmurer, dans ton oreille, tout doucement. 

“je ne savais pas que tu n’aimais pas non plus les diamants.” 

 

Il te sourit, taquin. Tu éclates de rire. Puis exiges qu’il te rende TA bague. Mais elle était déjà dans sa main. 

Et là elle est sur la tienne. 

 

Tu penses bien à t’excuser, mais bien sûr il le devine dans ton regard, et t’embrasse.  

Mais tu ne penses pas que ce soit seulement pour te faire taire. 

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30 août 2023 3 30 /08 /août /2023 07:34

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


Tout petit déjà, on nous fait colorier entre les lignes sur le cahier,  

Bien proprement, sans déborder. 

Tracer des lignes, droites, courbes, sur du papier. 

Le plus court chemin du point A au point B. 

En rang par deux, bien alignés ! 

Bien écrire sur la ligne, s’appliquer. 

Recopier des lignes 100 fois pour ne pas oublier. 

 

On nous apprend plus tard à ne pas trop en mettre, épurer. 

Mais il y en a partout, impossible à ignorer. 

 

On apprend à conduire en suivant les lignes, ne pas dépasser. 

On apprend à aimer les belles lignes, racées. 

Etudes, travail, logement, amour, famille, chemin tout tracé 

Il faut suivre la ligne, le code, les règles de la société. 

 

Puis un jour, quelqu’un nous reproche de ne pas savoir s’en écarter, tracer 

Sa propre route, imaginer 

Mais peut-être aurait-il fallu ajouter 

Une ou deux lignes au programme à étudier ? 

 

Et puis la vie va simplement continuer 

Comme une ligne lancée vers demain, jamais achevée 

Toujours quelque chose à ajouter, des problèmes à surmonter 

Tellement peu d’occasions de dévier... 

 

… Jusqu’à ce jour, où quelques lignes sur un tracé 

Ou des résultats d’analyses viendront éclairer 

Le bout de la ligne. 

 

Brisée vers l’éternité. 

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28 août 2023 1 28 /08 /août /2023 12:48

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


C’est durant mon dernier voyage que j’ai eu pour la première fois cette étrange sensation. C’était vers Bombay, je crois – même si au bout d’un moment toutes les destinations se ressemblent, tout ce que j’en vois étant des aéroports bondés puis un chauffeur empressé, et finalement un grand hôtel dont je ne sors quasi pas vu que les réunions se tiennent souvent dans un salon ou au restaurant.

300 jours par an en déplacement professionnel, pour aller écouter des gens croyant savoir ce qu’ils voulaient m’expliquer mon métier, en souriant poliment, avant de leur suggérer, que le prétexte soit économique, politique, ou plus personnel en les flattant éhontément, de changer leur approche pour quelque chose présentant moins de risques. C’est plus de la psychologie, finalement, que vraiment du consulting en gestion de projets. Mais je suis grassement payé pour cela, et mes clients sont généralement ravis d’avoir fait appel à moi.

Mais cette fois, il y avait quelque chose de différent, comme un décalage. Je savais parfaitement ce que je devais dire à mes interlocuteurs, à propos desquels j’avais étudié les dossiers fournis par mon assistant. Somme toute le projet concerné – la construction de plusieurs nouvelles centrales électriques et le déploiement d’un réseau moderne à travers tout le pays – était plutôt clair et bien pensé. Tout le monde était content, des entreprises qui signeraient là un chantier colossal, aux populations concernées qui bénéficieraient largement, en passant par les décideurs sur place (gouvernement, fonctionnaires), tous recevant des gratifications, argent,  cadeaux ou « services ». Rien d’inhabituel. Sauf que pour les habituelles raisons d’ego et d’appât du gain, les choses se passaient assez mal.

Et donc me voilà, en avion puis en voiture puis dans cet hôtel, pour venir jouer les pompiers là où rien n’aurait du pouvoir brûler, sur un dossier dont les aspects techniques n’étaient pas de mon ressort, mandaté par une société française œuvrant dans le nucléaire et approuvé par les autres parties. Et ressentant pour la première fois la sensation de ne plus du tout savoir ce que je faisais là.

La réunion allait bientôt commencer, et je n’avais qu’une envie : rentrer chez moi. Moi qui, depuis bientôt 30 ans, menait cette vie de nomade, oubliant souvent qu’il y avait une femme et des enfants qui m’attendaient quelque part, ne comprenant pas pourquoi elle avait supporté cette vie et m’accueillait toujours avec autant d’amour … Ca avait fini par me rattraper, comme tous mes collègues avant moi. Je ne savais plus qui j’étais, ça ne m’amusait plus depuis longtemps et aujourd’hui ce n’était plus qu’une routine assommante. A laquelle il me paraissait insensé que puisse se résumer ma vie.

 

Je respirai à fond, affichai mon plus beau sourire professionnel, et saluai mes interlocuteurs qui commençaient à arriver. Nous entrâmes dans la salle de réunion, et je fis plus que bonne figure : d’une situation totalement bloquée à l’entrée, je fis un contrat encore amélioré à la sortie, toutes les parties se félicitant des avancées.

Je prétextai le décalage horaire pour décliner leur invitation à diner.

Je remontai dans ma chambre, profondément insatisfait. Puis après un long moment à réfléchir, j’appelai chez moi.

« Oui, c’est moi. Je reprends l’avion demain, comme prévu.

Mais après j’arrête. C’était le dernier voyage ».

Mes larmes firent bientôt écho à celles de ma femme. Nous parlâmes vraiment, pour la première fois peut être. Du merveilleux voyage que nous allions entamer ensemble, pour le reste de nos vies.

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27 août 2023 7 27 /08 /août /2023 10:00

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


Chaque jour a sa couleur.

 

J’ai démarré ce matin avec un grand café bien corsé, accompagné de deux bâtons de chocolat. Cela n’a pas suffi à chasser mes sombres pensées, mais au moins cela m’a réveillée et suffirait à me tenir debout. D’habitude je mangeais plus, mais j’avais le cœur au bord des lèvres aujourd’hui.

 

Puis, je me suis préparée, avec les vêtements prévus pour l’occasion, une veste et des chaussures assorties, du fond de teint mais quasi pas de maquillage. Après tout, je n’allais pas au bal. Même si métaphoriquement, ce serait ma dernière danse avec toi. Je ne sais plus lequel de mes frères m’avait sorti ça, hier. Mes pensées se mélangeaient. Mais peu importe, il se trompait. Ce n’était pas une danse, ou alors tu avais été maladroit pour la première fois de ta vie et tu étais tombé.

 

Tout le monde chuchotait autour de moi. Il faut dire qu’après ma crise de colère d’hier soir, ils ne devaient plus savoir comment me parler. Ils m’attendaient. Nous étions un petit peu en retard sur le planning militaire que mon père nous avait annoncé en fin de soirée, avant que je le remette à sa place. Ce n’était pas lui qui décidait, cette fois. La cérémonie n’avait aucune chance de commencer sans moi.

 

Nous partîmes finalement, directement vers le crematorium. Je n’avais pas souhaité accompagner le cercueil, à quoi bon ? Puis j’avais du mal à tenir debout moi-même, alors j’aspirais seulement à un moment de recueillement où nous serions tous assis, dans un bel endroit que tu aurais aimé. Pas debout autour de ton cercueil, rien que l’idée était un calvaire.

J’avais du mal à penser à quoi que ce soit. Même à toi, je n’y arrivais pas. Je fonctionnais, j’allais où je devais, mais je n’étais pas vraiment là. Comme dans les cauchemars que je faisais avant de te connaître, où je n’étais que spectatrice des évènements, où j’avais beau faire et dire et même crier et frapper, personne ne remarquait ma présence et ne tenait compte de mes mots.

 

Au crématorium, tout était prêt et la cérémonie pu avoir lieu. Il y eut des larmes, de ta famille principalement. On m’observait, je le sentais bien. Moi, j’avais déjà pleuré tellement au cours des deux derniers mois que j’étais un puit à sec, sans la moindre capacité à réagir, sans énergie. Qu’ils pleurent, donc, je ne leur ferais pas concurrence. J’aurais préféré qu’ils soient là, à ton chevet, dans les derniers moments. Tu les avais réclamé à de nombreuses reprises. Mais ils n’avaient pas voulu comprendre la gravité de ton état, l’urgence à être présents. Ils étaient tous très occupés, ils viendraient pendant le week-end, si c’était possible…

Tu étais mort en te sentant abandonné en partie. Je ne leur pardonnerais pas.

J’avais refusé de subir les condoléances des invités. Mes frères faisaient barrage, expliquant que j’étais « en état de choc », d’humeur « fluctuante », qu’il ne fallait pas en rajouter.

 

La cérémonie se termina par la dispersion des cendres, dans le parc adjacent, sur une portion près d’un grand arbre. J’y avais tenu. Tu aurais beaucoup aimé.

Le ciel avait adopté les mêmes tons que nos vêtements et l’humeur du jour. Bientôt, un éclair traversa l’horizon et nous eûmes juste le temps de retourner nous abriter dans le bâtiment avant que la pluie nous transperce.

Nous restâmes là à attendre, dans le hall, pendant plus d’une heure, avant de pouvoir rejoindre les voitures.

 

Puis nous partîmes.

 

Une fois rentrée, je montai sans un mot, m’allongeai sur le lit, et m’endormit ainsi, toute habillée. J’espérais rêver de toi mais ce ne fut pas le cas.

Chaque jour a sa couleur. Ma nuit eut la même que cette journée.

Noir.

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