Une liste de mots imposés très "parlants" ont fait naître le texte qui suit.
Merci à Arti / Béa, pour la photo qui l'illustre si bien :-)
bleu phtalo / elle / loin / absent(ce) / manque / désarroi / lumière
regard / chaussette / ours en pluche / 3h95 / cigarette
Elle ne sait pas les mots pour dire ce qu'elle ressent, n'a jamais su. Ne saura pas plus cette fois. D'ailleurs il est parti, déjà, loin, trop tard pour dire quoi que ce soit. « Besoin de respirer à nouveau », a-t-il dit, loin de ce même désarroi écrasant où le manque le noyait. Le manque de mots. Absent « le temps de faire le point ». C’est définitif, un point, ça finit une phrase. Elle aurait voulu être plus qu’une phrase, ou pire, une parenthèse raturée. Elle aurait voulu pouvoir le retenir, celui-là, lui dire ces choses belles, douces, tendres, qu’il mérite tant... mais rien n’est venu.
Elle ne sait pas les mots, juste la lumière, la couleur, la transparence. Elle n’a que son regard sur le monde à offrir, et elle l’offre sans compter. En ce moment elle lui hurle un « je t’aime » bleu phtalo, et la toile irradie. Si seulement il avait pu voir au-delà du dessin, si seulement… même pas pu lui faire comprendre que c’était pour lui, tout ce bleu… Il est parti avant. Mettre un point à une phrase dont elle n’a pas pu écrire un mot. Mais personne ne l’empêchera de finir ce tableau pour lui, même pas son absence. Même pas la cigarette qui l’appelle du fond de son âme et qu’elle ne fumera pas, pas pendant qu'elle peint. Même pas l’ours en peluche qui, du lit, l’observe en ricanant bêtement, une chaussette sur la tête (qu’elle lui a lancé, de rage… raté… ). Même pas les 3h95 de la pendule et le pinceau en triple exemplaire pour seulement deux tableaux, zut, un de trop. Encore un verre de Cointreau et ça fera 3-3 ?
Elle respire à fond. 1 partout. Elle peint.
Rien, vraiment rien, ne l’en empêchera.
Réveil.
Endormie par terre, au pied de sa toile. Inachevée. Une main la frôle.
Rêve-t-elle ? Non, c'est bien lui. Pas rasé, l'air hagard. 3h95 ?
Il ne regarde qu’elle, ses cheveux en vrac, ses yeux bouffis.
Pas la toile. Elle prie pourtant, fort.
Elle en pleure.
Alors lui aussi, et leurs larmes se mélangent, nouvelle couleur à repeindre la vie.
Leur vie…
Il n'a pas pu se passer d'elle. Elle non plus.
Plus jamais ils n'auront besoin de mots.
L’amour ce ne sont pas des mots, dits ou écrits, ce ne sont pas des choses, tableaux, sculptures, cadeaux. L’amour c’est l’intention, les actes, et ça peut aboutir à des mots, des choses… mais un silence, un regard échangé, des gestes, l’état dans lequel on peut se mettre par amour... peuvent, doivent toujours suffire à comprendre…
Si seulement nous savions tous ressentir ces choses-là…
Si seulement il n’y avait pas ce manque intense de ce « je t’aime » qui rassure tant…
29/12/2006
(texte republié)