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Ce blog et les écrits qu'il contient sont mis à disposition par Michel Bosseaux (l'auteur) selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
 
 

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10 août 2023 4 10 /08 /août /2023 20:00

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


- Regarde Papa, le monument ! C’est pour les héros tombés au combat, c’est la maîtresse qui nous l’a raconté. Il y avait des méchants qui vivent loin d’ici qui voulaient venir chez nous pour tout prendre et tout casser, alors nous on a envoyé des gens pour les empêcher et les forcer à rentrer chez eux. Mais les méchants ils n’ont pas voulu comprendre alors il a fallu se battre, et puis il y en a qui ne sont pas revenus…

- Oui mon fils, c’est comme ça que me l’a raconté aussi, quand j’étais à l’école. Mais je ne sais pas si ta maîtresse t’a expliqué qu’il y a toujours deux versions à une histoire…

- Mais Papa, la vérité c’est la vérité !

- Oui en effet, et il faut toujours dire la vérité !

Mais selon les conditions dans lesquelles tu vis, ce qu’on t’a appris, ce que tu ressens profondément en toi, ce que tu appelles « vérité » peut être différent.

- Qu’est-ce que tu veux dire, papa ?

- Que quand on raconte cette histoire aux enfants, là-bas, ce n’est sans doute pas la même que celle que ta maîtresse t’a raconté. Et qu’elle n’a pas menti pour autant.

- Je ne comprends pas …

- Ne t’en fais pas mon grand. C’est quelque chose de compliqué, que même les adultes ont du mal à comprendre.

Ce que nous appelons vérité n’est jamais que la partie de l’histoire que nous sommes préparés à voir, à croire. Mais la réalité est souvent bien plus complexe.

Par exemple, pour cette guerre, t’a-t-on expliqué que ceux que tu appelles les méchants vivaient dans une région qui a été ravagée par les changements climatiques ? Des tempêtes ont détruit leurs maisons, la chaleur a brûlé le sol et ils n’ont plus eu de récoltes. L’eau est venue à manquer. Et ils ont bien du partir pour essayer de trouver un endroit où ils pourraient vivre. Tu trouves ça méchant ?

- Non Papa, c’est très triste.

- Oui en effet. Et ces gens, pendant leur voyage, sont passés par beaucoup d’endroits où on n’a pas voulu d’eux, parce que les gens avaient peur, si on partageait avec eux, que ça donne l’idée à d’autres de venir, et qu’à la fin il n’y ait plus assez pour tout le monde là non plus.

Alors ils sont allés ailleurs, et encore ailleurs. Mais ils étaient fatigués, et ils avaient faim et soif, et froid aussi parce qu’ils dormaient par terre la nuit.

- Mais pourquoi c’était comme ça Papa ? Pourquoi personne ne les aidait ?

- Par peur, par préjugés, par racisme … on t’a expliqué ce que c’est, le racisme ?

- Oui, Papa.

- Bien. Mais un jour, des gens – on les appelait des terroristes - sont venus aider ces personnes qui mouraient de faim et de froid. Ils leurs ont donné de la nourriture, de l’eau. Ils leur ont aussi dit que tout cela c’était notre faute, avec la pollution, puis la surconsommation chez nous qui les rendaient pauvres, eux, parce que tout ce qu’ils avaient, on le leur prenait.

Et ça aussi c’était la vérité, en somme.

Alors ils se sont énervés contre nous et ils ont décidé que puisqu’on leur avait tout pris, ils allaient venir nous en reprendre une partie. Les terroristes leur ont donné des armes et leur ont dit où aller. Et la guerre a commencé.

Nous, on nous disait que c’était la guerre contre le terrorisme.

Eux, c’était pour reprendre aux voleurs ce dont ils avaient besoin pour survivre.

- Mais alors, personne n’avait raison ?

- D’un certain point de vue, tout le monde avait raison. Et tout le monde avait tort. La réalité était plus complexe, et personne n’a voulu le comprendre, jusqu’à ce qu’il ne soit plus temps d’expliquer.
Au final, les gens qui mouraient de faim sont morts au combat, et chez nous, des gens qui n’avaient jamais rien volé à personne ni voulu le moindre mal à qui que ce soit sont morts quand même.

La guerre ne résous jamais rien, au contraire. Elle fait pire.

- … et donc, ce monument qui célèbre nos héros … c’est un mensonge ?

- Oui et non … c’est notre version de la réalité.

C’est vrai que si personne n’avait arrêté les gens en colère qui venaient avec des armes, les choses auraient été encore pire. Ceux qui l’ont fait, et qui ont laissé leur vie pour protéger tous les autres, sont bien des héros.

Mais ceux qui sont morts, de l’autre côté, avaient de bonnes raisons d’être en colère, même s’ils ont été manipulés. De leur point de vue, ils avaient raison aussi.

Le mensonge, c’est la guerre, et le fait qu’elle était soi-disant « inévitable ». Que nous avons eu raison de la faire, et que nous avons « gagné ».

Nous avons été les plus forts.

Ca ne veut pas dire que nous avions raison.

L’enfant semblait complètement perdu, et son père s’interrompit. Il continua finalement.

- Le but d’un monument, c’est de nous faire connaitre l’histoire, les choses qui se sont passées parfois bien avant que nous naissions. Ce n’est jamais mal de venir se recueillir devant un monument, jamais. Mais ce qu’il faut, c’est que tu cherches par toi-même, dans les livres par exemple, les sources fiables en tout cas, l’histoire COMPLETE, que tu ne t’arrêtes pas à une version. Tu comprends ?

L’enfant sembla soudain plus assuré

- Comme dans l’encyclopédie qui est à la maison ?

- Oui, par exemple ! Tu dois aussi savoir qu’il y a des historiens, des chercheurs, qui continuent à essayer de comprendre ce qui s’est passé dans l’histoire, pour cette guerre et pour beaucoup d’autres évènements. Il y a des choses qui n’ont pas été dites à l’époque, cachées, et qu’on redécouvre seulement, peu à peu.

L’histoire peut changer avec le temps ! Tu dois te tenir au courant.

- Je veux rentrer à la maison lire l’encyclopédie Papa !

Le père sourit.

- Tu ne préfères pas aller manger une glace d’abord ?

- Siiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !

Et l’enfant se mit à courir, joyeux.


Mais ce n’est pas de la glace qu’il se souviendrait, plus tard, quand il aurait lui-même des enfants. Il n’oublierait jamais ce que son père avait cherché à lui expliquer ce jour-là.

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9 août 2023 3 09 /08 /août /2023 06:35

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


Te souviens-tu, quand nous jouions enfant dans le jardin chez mes parents ? Nous étions les indiens et nous dansions autour du totem d’ours en bois que ma mère nous avait sculpté, avec mon père au barbecue qui imitait la fumée du feu de camp, et ton frère avec son chapeau de cowboy qui finissait généralement attaché à un des arbres. Nos cousins dansaient avec nous en faisant les cons, et ça finissait généralement en course poursuite, ou en bagarre générale, mais toujours en fou rire.

Nous ne le savions pas alors, mais nous étions vraiment un clan comme nous feignions ainsi de l’être, nous étions vraiment connectés comme nous avons peiné à l’être depuis.

Chacun de nous a suivi son chemin au travers des chagrins adolescents, des études et de l’apprentissage de ce que c’est que d’être adulte, responsable.

Mais dans un coin de ma tête, avec mon cœur qui ne peut s’empêcher chaque fois de faire écho, nous dansons encore tu sais ? Nous n’avons jamais cessé.

C’est ce que j’étais venu te dire, ce soir, à l’improviste. Cela fait des années maintenant que nous ne nous étions pas vu, je ne savais pas comment tu allais m’accueillir, si seulement tu te souviendrais. J’étais à nouveau un enfant, partagé entre l’impatience, l’inconscience, et la peur de tomber.

Tu m’as vu et tes yeux se sont allumés, comme à l’époque. Et tu m’es tombée dans les bras. Nous avons parlé, rit, pleuré aussi.

Et puis nous voilà dans ton lit.

 

Je repense à nos danses d’alors, et puis à cette nuit, et je souris, ma belle endormie. Je t’ai attendue tout ce temps sans le savoir, comme un enfant qui ignorait que sa chance l’attendait juste deux portes plus loin et la laissait se perdre peu à peu. Comme si la vie était un jeu.

Mais certaines choses se décident malgré nous et refusent de mourir.

 

Je ne te laisserai plus jamais.

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8 août 2023 2 08 /08 /août /2023 10:57

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


Du calice à la corolle, de l’étamine aux moindres détails de chaque pétale, et les circonvolutions délicates de l’ensemble, le résultat était visuellement parfait. Les nuances de couleur avaient bien su rendre la beauté fugace et la magie de la rose, qui, sur sa tige couverte d’épine, ne demandait presque qu’à être cueillie.

L’artiste inspectait son œuvre, satisfait, mais sachant qu’il manquait encore quelque chose. Ce petit plus qui, cette fois, lui ferait gagner le concours.

Les autres participants avaient tous fini également, et scrutaient ses gestes, ne sachant s’il fallait espérer qu’il échoue ou qu’il réussisse, partagés entre leurs intérêts et l’exploit que ce serait.
 

L’artiste versa un peu de poudre translucide dans sa main, son propre mélange de plusieurs composés exhausteurs qui, l’espérait-il, lui permettrait cette fois d’être nommé à l’académie.

Il souffla doucement sur la poudre, qui s’envola en direction du tableau, brillant dans l’air sous la lumière du soleil, avant de se poser délicatement sur la toile.

Un instant, elle sembla vibrer, comme si le vent provenant de la fenêtre ouverte de l’atelier, avait agité les pétales de la rose.

C’était le moment de vérité : l’artiste tendit la main vers la toile, qui semblait miroiter légèrement, et, sans brusquer le mouvement, attrapa la rose par la tige et la sortit du tableau.

Intacte.

Il ignora les murmures ébahis. Ce n’était pas son premier essai, ni la première fois qu’il réussissait à tenir une de ses créations en main. Mais chaque fois, le miracle n’avait duré que quelques secondes avant que la fleur ne noircisse et pourrisse en accéléré, tombe en poussière, ou juste s’évanouisse dans les airs.

Mais cette fois, alors qu’il humait le parfum délicat et si reconnaissable de la fleur, les secondes s’écoulaient, et il y eut bientôt une minute de passée et l’épreuve de la réalité semblait réussie.

Il plaça la rose dans le vase, et se recula.
 

Les applaudissements déferlèrent alors, et le Haut Juge approcha pour attester le résultat.

Il observa de longue minute le résultat, avant de décider d’un dernier test.

Il allait maintenant falloir détruire la toile, pour vérifier que la rose ne lui était plus liée.

L’assemblée retint son souffle, pendant que le Haut Juge, d’un murmure, embrasait le tableau désormais vide de son élément principal.

Un bref instant, comme suspendu, une petite flamme sembla danser sur l’un des pétales de la fleur … puis s’estompa, comme soufflée par le vent, tandis que la toile continuait à se consumer.

Le Haut Juge approcha : le pétale était à peine noirci sur le bord, un peu de cendre était tombé sur le rebord du vase et sur la table … mais la rose était toujours en pleine santé.

« Bienvenue à l’académie des arts magiques ! », tonna le Haut Juge, tout sourire, tandis que la liesse envahissait la salle.

L’artiste recueillit discrètement une larme. C’était l’accomplissement d’une vie. Et même s’il ne doutait pas qu’il devrait réussir bien plus grand exploit une fois assis parmi les académiciens, il se permit de savourer sa réussite avec panache. En murmurant, il versa cette larme sur ce qui restait du tableau réduit en cendres … qui soudain fut de nouveau intact, posé sur le chevalet. Et complètement vierge !

Il fit alors la révérence à toute l’assemblée, rangea son matériel, et suivit le Haut Juge vers la tour de l’Académie. Il n’y avait pas plus de temps à perdre en célébrations futiles, un travail important l’attendait.
 

Sauver ce monde où toutes les plantes mouraient peu à peu.

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7 août 2023 1 07 /08 /août /2023 22:08

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


On ne t’a jamais appris à sourire, toi ? Secoue-toi un peu, tu fais fuir les clients !

- Mais patron, je vous l’ai dit que j’étais malade ! Vous vous attendiez à quoi en m’imposant de venir quand même ?

- T’es pas malade là, on dirait que tu es carrément décédée et revenue pour me hanter et pourrir la soirée ! Allez, du nerf ! Et souris, j’ai dit !

Souris, souris … il en a de bonne, lui ! pensa Sylvie en s’éloignant en direction de la table 7. Sa vue se troublait, le plateau tanguait au rythme de ses pas mal assurés, mais elle parvint finalement à servir la commande de façon assez professionnelle pour que les clients la remercient, puis reviennent au comptoir, et recommence avec une autre table. C’était sans fin, la pièce tournait autour d’elle, et finalement ce qui devait arriver arriva : le plateau dégringola au sol, et elle suivit, en larmes.

C’est alors qu’un de ses habitués, le jeune homme de la table 9, sortit de façon inattendue de son attitude coutumière, en retrait, et se précipita pour l’aider à se relever. Et tout aussi inattendue, le patron, qui se précipitait pourtant en commençant à lui reprocher « sa maladresse », se figea devant cette scène et bâtit en retraite.

Une fois remise de ses émotions, Sylvie comprit au fil de sa discussion avec Marco, que malgré son jeune âge et l’air peu assuré qu’il arborait, qu’il était en fait le vrai propriétaire du restaurant. Et que l’attitude du gérant l’agaçait au plus haut point depuis longtemps, mais là, trop c’était trop.

Il offrit de raccompagner la jeune femme chez elle, « en tout bien tout honneur », et elle accepta, bien contente de pouvoir rentrer se reposer.

 

 

Le lendemain, se sentant un peu mieux et ayant oublié les trois quarts de ce que Marco lui avait dit la veille au soir, Sylvie se présenta au restaurant à l’heure habituelle pour préparer pour le service de midi.

Marco l’attendait, ainsi que tous les serveurs. Cérémonieusement, il lui remit les clés du restaurant.
Le gérant avait été remercié une heure plus tôt. Elle n’avait qu’à signer, et l’établissement était « à elle ».

Malgré le sentiment de panique et le poids des responsabilités nouvelles qui l’attendaient, il ne lui vint même pas l’idée de dire non. Au contraire, un sourire immense comme elle n’en avait probablement plus affiché un depuis l’enfance, inonda son visage et ne la quitta plus au fil des jours qui défilèrent à partir de celui-là.

Il s’agrandit même peu à peu, au contact de Marco, beaucoup plus impliqué pour l’épauler… et pas seulement. Mais le temps dirait jusqu’où son implication pourrait aller.

En attendant, elle qui pensait n’avoir qu’un travail d’appoint de serveuse, venait de trouver sa vocation – avec un coup de pouce du destin – dans un des plus mauvais moments.

La vie était si surprenante !

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6 août 2023 7 06 /08 /août /2023 10:00

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


Nous étions partis en début d’après-midi ce vendredi, suffisamment tôt pour que les routes soient encore fluides. Nous avions prévu toutes les provisions nécessaires pour le week-end, le ciel était au bleu intégral, et la route s’était passée sans accroc.

Nous étions arrivés à la cabane vers 19h.

Un petit coup de ménage pour les poussières, déballage des victuailles, et nous préparions calmement le « buffet froid » pour notre soirée en amoureux, loin de tout. Nous avions prévu de manger à l’extérieur mais n’avions pas encore commencé à installer quand nous avons entendu les craquements, et le grondement terrifiant.

J’eu le réflexe de verrouiller immédiatement la porte. Le temps que Cathy ferme les volets, l’animal – quel qu’il puisse être, il n’y avait normalement rien de cette taille dans la région – s’acharnait avec ses griffes sur la porte, puis, faisant manifestement le tour du bâtiment pour trouver une faille, nous l’entendîmes détruire tout ce qui se trouvait sur son chemin. L’alarme de notre SUV se déclencha soudain, avant qu’un grand bruit de verre brisé et des craquements divers nous indique que la bête devait avoir sauté dessus et le calme revint momentanément.

Mais le temps que j’appelle les secours – nous avions gardé une ligne en fonctionnement pour quand nous venions, fonctionnant par satellite - , les grognements et autres coups de pattes avaient repris de plus belle. L’animal faisait le tour de la cabane en boucle, semblant de plus en plus énervé.

Heureusement, elle avait été construite très solidement, et elle résista.

Ce n’est qu’après de nombreuses heures de terreur, cernés par le fracas de la bête, que nous n’entendîmes des bruits de moteurs sur le sentier d’accès, et quelqu’un nous criant d’ouvrir la porte. L’animal était parti semble-t-il, probablement en entendant les véhicules approcher. Les gardes chasses, fusils en main, patrouillaient néanmoins autour de la maison.

Une dépanneuse arriva dans la foulée et embarqua notre SUV.

Il fallut encore une heure pour que des amis viennent nous chercher, pour évacuer.

 

Nous n’avons jamais su ce qui nous avait attaqué ce soir-là, dans la forêt.

Ce que nous savions par contre sans le moindre doute, c’est que nous n’y retournerions jamais.

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