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Ce blog et les écrits qu'il contient sont mis à disposition par Michel Bosseaux (l'auteur) selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
 
 

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9 août 2023 3 09 /08 /août /2023 06:35

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


Te souviens-tu, quand nous jouions enfant dans le jardin chez mes parents ? Nous étions les indiens et nous dansions autour du totem d’ours en bois que ma mère nous avait sculpté, avec mon père au barbecue qui imitait la fumée du feu de camp, et ton frère avec son chapeau de cowboy qui finissait généralement attaché à un des arbres. Nos cousins dansaient avec nous en faisant les cons, et ça finissait généralement en course poursuite, ou en bagarre générale, mais toujours en fou rire.

Nous ne le savions pas alors, mais nous étions vraiment un clan comme nous feignions ainsi de l’être, nous étions vraiment connectés comme nous avons peiné à l’être depuis.

Chacun de nous a suivi son chemin au travers des chagrins adolescents, des études et de l’apprentissage de ce que c’est que d’être adulte, responsable.

Mais dans un coin de ma tête, avec mon cœur qui ne peut s’empêcher chaque fois de faire écho, nous dansons encore tu sais ? Nous n’avons jamais cessé.

C’est ce que j’étais venu te dire, ce soir, à l’improviste. Cela fait des années maintenant que nous ne nous étions pas vu, je ne savais pas comment tu allais m’accueillir, si seulement tu te souviendrais. J’étais à nouveau un enfant, partagé entre l’impatience, l’inconscience, et la peur de tomber.

Tu m’as vu et tes yeux se sont allumés, comme à l’époque. Et tu m’es tombée dans les bras. Nous avons parlé, rit, pleuré aussi.

Et puis nous voilà dans ton lit.

 

Je repense à nos danses d’alors, et puis à cette nuit, et je souris, ma belle endormie. Je t’ai attendue tout ce temps sans le savoir, comme un enfant qui ignorait que sa chance l’attendait juste deux portes plus loin et la laissait se perdre peu à peu. Comme si la vie était un jeu.

Mais certaines choses se décident malgré nous et refusent de mourir.

 

Je ne te laisserai plus jamais.

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8 août 2023 2 08 /08 /août /2023 10:57

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


Du calice à la corolle, de l’étamine aux moindres détails de chaque pétale, et les circonvolutions délicates de l’ensemble, le résultat était visuellement parfait. Les nuances de couleur avaient bien su rendre la beauté fugace et la magie de la rose, qui, sur sa tige couverte d’épine, ne demandait presque qu’à être cueillie.

L’artiste inspectait son œuvre, satisfait, mais sachant qu’il manquait encore quelque chose. Ce petit plus qui, cette fois, lui ferait gagner le concours.

Les autres participants avaient tous fini également, et scrutaient ses gestes, ne sachant s’il fallait espérer qu’il échoue ou qu’il réussisse, partagés entre leurs intérêts et l’exploit que ce serait.
 

L’artiste versa un peu de poudre translucide dans sa main, son propre mélange de plusieurs composés exhausteurs qui, l’espérait-il, lui permettrait cette fois d’être nommé à l’académie.

Il souffla doucement sur la poudre, qui s’envola en direction du tableau, brillant dans l’air sous la lumière du soleil, avant de se poser délicatement sur la toile.

Un instant, elle sembla vibrer, comme si le vent provenant de la fenêtre ouverte de l’atelier, avait agité les pétales de la rose.

C’était le moment de vérité : l’artiste tendit la main vers la toile, qui semblait miroiter légèrement, et, sans brusquer le mouvement, attrapa la rose par la tige et la sortit du tableau.

Intacte.

Il ignora les murmures ébahis. Ce n’était pas son premier essai, ni la première fois qu’il réussissait à tenir une de ses créations en main. Mais chaque fois, le miracle n’avait duré que quelques secondes avant que la fleur ne noircisse et pourrisse en accéléré, tombe en poussière, ou juste s’évanouisse dans les airs.

Mais cette fois, alors qu’il humait le parfum délicat et si reconnaissable de la fleur, les secondes s’écoulaient, et il y eut bientôt une minute de passée et l’épreuve de la réalité semblait réussie.

Il plaça la rose dans le vase, et se recula.
 

Les applaudissements déferlèrent alors, et le Haut Juge approcha pour attester le résultat.

Il observa de longue minute le résultat, avant de décider d’un dernier test.

Il allait maintenant falloir détruire la toile, pour vérifier que la rose ne lui était plus liée.

L’assemblée retint son souffle, pendant que le Haut Juge, d’un murmure, embrasait le tableau désormais vide de son élément principal.

Un bref instant, comme suspendu, une petite flamme sembla danser sur l’un des pétales de la fleur … puis s’estompa, comme soufflée par le vent, tandis que la toile continuait à se consumer.

Le Haut Juge approcha : le pétale était à peine noirci sur le bord, un peu de cendre était tombé sur le rebord du vase et sur la table … mais la rose était toujours en pleine santé.

« Bienvenue à l’académie des arts magiques ! », tonna le Haut Juge, tout sourire, tandis que la liesse envahissait la salle.

L’artiste recueillit discrètement une larme. C’était l’accomplissement d’une vie. Et même s’il ne doutait pas qu’il devrait réussir bien plus grand exploit une fois assis parmi les académiciens, il se permit de savourer sa réussite avec panache. En murmurant, il versa cette larme sur ce qui restait du tableau réduit en cendres … qui soudain fut de nouveau intact, posé sur le chevalet. Et complètement vierge !

Il fit alors la révérence à toute l’assemblée, rangea son matériel, et suivit le Haut Juge vers la tour de l’Académie. Il n’y avait pas plus de temps à perdre en célébrations futiles, un travail important l’attendait.
 

Sauver ce monde où toutes les plantes mouraient peu à peu.

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7 août 2023 1 07 /08 /août /2023 22:08

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


On ne t’a jamais appris à sourire, toi ? Secoue-toi un peu, tu fais fuir les clients !

- Mais patron, je vous l’ai dit que j’étais malade ! Vous vous attendiez à quoi en m’imposant de venir quand même ?

- T’es pas malade là, on dirait que tu es carrément décédée et revenue pour me hanter et pourrir la soirée ! Allez, du nerf ! Et souris, j’ai dit !

Souris, souris … il en a de bonne, lui ! pensa Sylvie en s’éloignant en direction de la table 7. Sa vue se troublait, le plateau tanguait au rythme de ses pas mal assurés, mais elle parvint finalement à servir la commande de façon assez professionnelle pour que les clients la remercient, puis reviennent au comptoir, et recommence avec une autre table. C’était sans fin, la pièce tournait autour d’elle, et finalement ce qui devait arriver arriva : le plateau dégringola au sol, et elle suivit, en larmes.

C’est alors qu’un de ses habitués, le jeune homme de la table 9, sortit de façon inattendue de son attitude coutumière, en retrait, et se précipita pour l’aider à se relever. Et tout aussi inattendue, le patron, qui se précipitait pourtant en commençant à lui reprocher « sa maladresse », se figea devant cette scène et bâtit en retraite.

Une fois remise de ses émotions, Sylvie comprit au fil de sa discussion avec Marco, que malgré son jeune âge et l’air peu assuré qu’il arborait, qu’il était en fait le vrai propriétaire du restaurant. Et que l’attitude du gérant l’agaçait au plus haut point depuis longtemps, mais là, trop c’était trop.

Il offrit de raccompagner la jeune femme chez elle, « en tout bien tout honneur », et elle accepta, bien contente de pouvoir rentrer se reposer.

 

 

Le lendemain, se sentant un peu mieux et ayant oublié les trois quarts de ce que Marco lui avait dit la veille au soir, Sylvie se présenta au restaurant à l’heure habituelle pour préparer pour le service de midi.

Marco l’attendait, ainsi que tous les serveurs. Cérémonieusement, il lui remit les clés du restaurant.
Le gérant avait été remercié une heure plus tôt. Elle n’avait qu’à signer, et l’établissement était « à elle ».

Malgré le sentiment de panique et le poids des responsabilités nouvelles qui l’attendaient, il ne lui vint même pas l’idée de dire non. Au contraire, un sourire immense comme elle n’en avait probablement plus affiché un depuis l’enfance, inonda son visage et ne la quitta plus au fil des jours qui défilèrent à partir de celui-là.

Il s’agrandit même peu à peu, au contact de Marco, beaucoup plus impliqué pour l’épauler… et pas seulement. Mais le temps dirait jusqu’où son implication pourrait aller.

En attendant, elle qui pensait n’avoir qu’un travail d’appoint de serveuse, venait de trouver sa vocation – avec un coup de pouce du destin – dans un des plus mauvais moments.

La vie était si surprenante !

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6 août 2023 7 06 /08 /août /2023 10:00

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


Nous étions partis en début d’après-midi ce vendredi, suffisamment tôt pour que les routes soient encore fluides. Nous avions prévu toutes les provisions nécessaires pour le week-end, le ciel était au bleu intégral, et la route s’était passée sans accroc.

Nous étions arrivés à la cabane vers 19h.

Un petit coup de ménage pour les poussières, déballage des victuailles, et nous préparions calmement le « buffet froid » pour notre soirée en amoureux, loin de tout. Nous avions prévu de manger à l’extérieur mais n’avions pas encore commencé à installer quand nous avons entendu les craquements, et le grondement terrifiant.

J’eu le réflexe de verrouiller immédiatement la porte. Le temps que Cathy ferme les volets, l’animal – quel qu’il puisse être, il n’y avait normalement rien de cette taille dans la région – s’acharnait avec ses griffes sur la porte, puis, faisant manifestement le tour du bâtiment pour trouver une faille, nous l’entendîmes détruire tout ce qui se trouvait sur son chemin. L’alarme de notre SUV se déclencha soudain, avant qu’un grand bruit de verre brisé et des craquements divers nous indique que la bête devait avoir sauté dessus et le calme revint momentanément.

Mais le temps que j’appelle les secours – nous avions gardé une ligne en fonctionnement pour quand nous venions, fonctionnant par satellite - , les grognements et autres coups de pattes avaient repris de plus belle. L’animal faisait le tour de la cabane en boucle, semblant de plus en plus énervé.

Heureusement, elle avait été construite très solidement, et elle résista.

Ce n’est qu’après de nombreuses heures de terreur, cernés par le fracas de la bête, que nous n’entendîmes des bruits de moteurs sur le sentier d’accès, et quelqu’un nous criant d’ouvrir la porte. L’animal était parti semble-t-il, probablement en entendant les véhicules approcher. Les gardes chasses, fusils en main, patrouillaient néanmoins autour de la maison.

Une dépanneuse arriva dans la foulée et embarqua notre SUV.

Il fallut encore une heure pour que des amis viennent nous chercher, pour évacuer.

 

Nous n’avons jamais su ce qui nous avait attaqué ce soir-là, dans la forêt.

Ce que nous savions par contre sans le moindre doute, c’est que nous n’y retournerions jamais.

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5 août 2023 6 05 /08 /août /2023 22:00

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


Un verre de vin à la main, Marie contemplait les étoiles. C’était un samedi soir tranquille, comme elle les affectionnait tant, une soirée bien loin de ce qu’on attendait généralement en entendant ce mot. Mais c’était ainsi. Elle avait toujours préféré l’obscurité et le silence, à peine rompu ce par les craquements du bois de sa vieille maison, le bruit du vent s’engouffrant sous l’auvent de la terrasse, et bien sûr, la respiration de Marc juste à côté d’elle.

Il la serrait dans ses bras, pour la première fois depuis … avant. Pas qu’il n’ait pas voulu, non. C’était elle, toujours, et il avait respecté, elle ne savait pas comment. Pour la première fois elle voyait les choses de son point de vue, et à vrai dire elle lui avait fait vivre l’enfer. Alors qu’il n’y était pour rien.

Il n’était pas avec elle dans cette voiture, il y a trois ans. En sortie de soirée, alors qu’elle n’aimait déjà pas ça. Mais Cynthia avait insisté, et Cynthia obtenait toujours ce qu’elle voulait. Alors elle avait cédé à sa sœur, et ils étaient allé, avec le copain de celle-ci, dans cette « super nouvelle boite branchée ». Et ils avaient tous trop bu.

Elle avait cédé, elle n’aurait pas dû.
 

Elle respira à fond, et l’angoisse naissante passa. Elle revint au moment présent.

Elle tenta de s’hypnotiser avec le chant des grillons, le bruissement de l’herbe, et sa propre respiration … et cela sembla fonctionner, un temps.

Mais le bruit d’une voiture au loin la replongea dans ses souvenirs, luttant pour remonter à la surface.

Marc n’était pas là ce soir-là. Ils avaient prévu à l’origine de passer la soirée ensemble, comme ils le faisaient toujours, mais on l’avait rappelé à la dernière minute pour le travail. Donc elle était partie avec sa sœur.

Et à part des flashs et l’alcool, elle ne se souvenait plus de grand-chose. Ca s’était probablement passé comme ça se passe toujours : beaucoup de bruit, encore plus de gens drogués ou ivres, peu de plaisir.
Au bout d’un moment elle était sortie respirer sur le parking. Et peu après sa sœur avait du remarquer qu’elle n’était plus là, parce qu’elle était sortie elle aussi.

Elle n’était pas contente, soi-disant c’était toujours pareil, il fallait que Marie gâche tout.
Une belle engueulade.

Après, les autres étaient sortis aussi, et puisque l’ambiance n’était déjà pas au top, ils avaient pris la route pour rentrer.

« Ce n’était pas de ma faute, c’était leur choix, je n’ai rien demandé » se répéta Marie, en refermant les yeux … »

L’engueulade avait repris dans la voiture. Et cette fois elle ne s’était pas laissé faire, traitant sa sœur d’égoïste pourrie gâtée qui lui faisait un caca nerveux juste parce qu’elle avait voulu respirer autre chose que de la fumée et des haleines pourries. Et après tout, si elle était tellement insupportable, pourquoi l’avoir invitée ? Et pourquoi lui reprocher après de ne pas prendre du plaisir sur commande ?

Sa sœur s’était alors mise à pleurer, son petit ami avait tourné la tête …

Après, elle se rappellait juste s’être extirpée tant bien que mal par la vitre à moitié brisée, pendant que la voiture commençait à brûler.
 

Sentant revenir la crise d’angoisse, Marie ferma les yeux, respira à fond, et se récita le mantra que sa conseillère spirituelle lui avait enseigné.

Ton passé ne définit ton futur que si tu le choisis.

Un souvenir, aussi traumatisant qu’il soit, n’est qu’un film projeté sur l’écran de ton esprit. Libre à toi d’en projeter un autre.

Alors elle se repassa la soirée dans ses moindres détails. Elle l’avait suggérée, prenant Marc par surprise. Et il lui avait sorti le grand jeu : smoking, bouquet de fleurs, champagne. Il n’avait pas pris le risque de cuisiner, il n’avait aucun talent dans le domaine, mais il avait fait venir un traiteur et ils avaient mangé éclairés seulement par des bougies, les yeux dans les yeux. Et là, ils terminaient sur la terrasse, au clair de lune, en se serrant l’un contre l’autre.

Absolument parfait.

 

Elle aurait quand même aimé que Cynthia soit là.

Ce manque-là ne disparaitrait sans doute jamais.

 

Malgré cette pensée amère, Marie se surprit à se laisser porter par la chaleur de son compagnon, ses pensées s’évanouissant les unes après les autres devant le spectacle du ciel nocturne. Elle n’aurait jamais cru possible de retrouver une telle paix, un jour. De seulement en avoir envie. Mais il fallait bien avancer, alors elle l’avait tenté.

Elle posa sa tête sur l’épaule de Marc, et finit par s’assoupir, vaincue par cette soirée riche en émotions.

 

Cette nuit-là, elle ne rêva pas de voiture en feu. Ni de ce qu’elle aurait tant voulu pouvoir dire à sa sœur. Elle ne rêva de rien. Pour la première fois en trois ans.

Le lendemain serait un jour meilleur encore que cette soirée.

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