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Ce blog et les écrits qu'il contient sont mis à disposition par Michel Bosseaux (l'auteur) selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
 
 

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30 novembre 2018 5 30 /11 /novembre /2018 13:58

Texte écrit dans le cadre du recueil "Chemin de rêves"
Première publication le 08/11/2008

07 - 28/09/2007 - Mots imposés (de Angeline)

mur / début / icarien / bleu / tiraillement / germon / obligeance / enclave
encombrer / hermine / pif / lytique / kidnapping / progrès / rousseur


J'ai choisi de les placer dans l'ordre de la liste.
 



Je n'avait plus qu'un mur à franchir, et je serais libre. Je savais que ce ne serait que le début, bien sûr, mais au moins n'aurais-je plus à faire semblant de vouloir devenir un nouvel icarien (1) , à m'habiller intégralement de bleu, et à résister aux tiraillements intérieurs de mon être pour ne surtout pas éveiller les soupçons. Ici, il y avait beaucoup de règles à respecter, mais la principale était de toujours afficher la plus grande joie de faire partie du projet, même et surtout si on n'avait pas choisi de venir.

En effet, Louvier ne supportait pas qu'on ne respecte pas la confrérie du Germon (2), et son obligeance, à sa juste valeur. Il répêtait à l'envi qu'il ne voulait que rendre service, en éveillant le plus de gens possibles à la conscience, avant qu'il ne soit trop tard.

Ainsi, il sélectionnait à travers tout le pays des jeunes prometteurs, et les faisait enlever pour les amener dans son manoir, enclave en terrain hostile comme il aimait à le décrire. L'ennemi ce n'était pas lui, mais le monde qui nous avait fait tels que nous étions, et dont il voulait nous délivrer.

Il ne s'encombrait d'aucune autre considération morale, et ceux qui contestaient sa vision finissaient invariablement par quitter le groupe, de la seule façon que Louvier acceptait : par une cérémonie de mise à mort, suite à laquelle on recouvrait le corps d'un drapeau représentant l'hermine, symbole de la Bretagne, où nous nous trouvions sans doute. Mais comment en être sûr ?


Depuis quelques temps, Louvier délaissait le groupe, relâchant son attention, préoccupé qu'il était par la santé de son chat, le seul être au monde auquel il vouait de l'amour. La pauvre bête souffrait de la PIF (péritonite infectieuse féline) et n'en avait plus pour longtemps. Sa souffrance était insupportable à Louvier, qui semblait par instant ne plus trop savoir qui nous étions.

Dans un groupe d'une nature telle que le nôtre, l'absence du chef a rapidement un effet lytique (3) sur la cohésion, vu qu'elle ne tient que par la peur. Et nous craignions plus de succomber aux prêches de Louvier qu'aux balles des gardiens, à vrai dire peu motivés eux-même par leur tâche.

J'avais décidé, comme plusieurs autres, d'en profiter pour fuir.


Pour augmenter nos chances, nous avions choisi des points de sortie différents, pour obliger les gardiens, peu nombreux, à choisir qui poursuivre.

Manifestement, je n'avais pas été suivi.

Et j'étais là, devant ce mur, à repenser à mon kidnapping, me réjouissant que ma captivité prenne fin aujourd'hui.


Cette joie était un progrès notable, quand je considérais ma vie d'avant, sans buts, sans passions, dans laquelle poser le pied par terre le matin était un effort parfois insurmontable. En deux mois d'endoctrinement, j'avais au moins appris qui j'étais, j'avais pris ma vie en main à l'insu de mes géoliers.

Louvier ne cessait de nous répêter à tous que nous n'étions pas libres, avant, et qu'il allait nous libérer pour notre plus grand bien. Ce n'était bien sûr qu'une nouvelle prison doctrinaire qu'il nous proposait d'intégrer, mais peu importe, sans le savoir il avait raison : il nous avait délivrer, pour la plupart, de notre peur d'oser, d'entreprendre. Notre liberté était née de ce qu'on nous avait enlevé, comme si cela avait mis toute notre existence en perspective, comme si nous avions trouvé un point d'observation en hauteur et que nous pouvions apercevoir en un regard ce qui paraît à beaucoup d'hommes une suite sans logique d'évènements, de contraintes, de pas...


Aujourd'hui, pour la première fois, chacun de mes actes avait une logique, et elle était mienne. Prestement, je sautai le mur, et ne m'attardai pas sur la splendide rousseur des feuilles d'automne jonchant le sentier qui s'ouvrait devant moi. Je m'enfonçai dans la forêt profondément, n'ayant plus peur de me perdre désormais. J'arriverais toujours bien quelque part.

L'essentiel n'est pas de choisir la destination, mais le chemin qui nous correspond. C'est la seule façon de n'être pas déçu, à la fin...
 



(1) Icarien : http://fr.wiktionary.org/wiki/icarien

Membre du mouvement icarien d'Etienne Cabet.
Les icariens mêlaient christianisme et communisme.

(2) Germon : http://fr.wikipedia.org/wiki/Germon

Le germon ou thon blanc (Thunnus alalunga) est une espèce de poisson de la famille des Scombridae. C'est un poisson de large répartition (tous les océans, méditerranée), trés prisé par les pêcheries.

(3) lytique : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cycle_lytique

Qui se rapporte à la destruction d'éléments organiques comme les tissus, les microbes ou les cellules sous l'action d'agents physiques, chimiques, ou enzymatiques. Ex. lyse bactérienne sous l'action des bactériophages.

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30 novembre 2018 5 30 /11 /novembre /2018 13:18


"La condition humaine"
René Magritte

Texte écrit dans le cadre du recueil "Chemin de rêves"
Première publication le 27/10/2008

06 - 25/09/2007 - Ecriture sur image (Azalaïs)

Ecrire en s'inspirant du tableau "La condition humaine" (ci-contre) de René Magritte.



 


Louise peignait.

C'était le seul plaisir qu'il lui restait dans la vie, depuis qu'elle avait bien du se résoudre à venir vivre ici, dans cette maison de retraite douillette et paisible, où, passés les premiers moments d'inquiétude, elle avait su trouver sa place et faire respecter ses habitudes. Pourtant, sa maison lui manquait, et ses promenades dans le grand parc, autour.

C'était d'ailleurs ce qu'elle peignait, en ce moment, pour se souvenir de chaque brin d'herbe, chaque arbre, chaque mouvement des feuilles au rythme du vent. Ce vent, elle le sentait presque courir sur sa peau, tellement elle était plongée profondément dans son oeuvre. C'était son sujet de prédilection, même si elle était capable de peindre absolument n'importe quoi, de mémoire ou d'invention, avec un réalisme absolument saisissant.

Bien sûr, il lui arrivait de se promener dans le petit jardin de la résidence, avec Ingrid, son aide soignante. Mais ce n'était pas pareil, évidemment. Ingrid avait beau lui dire qu'il y avait aussi des herbes, des arbres, "et puis le vent Louise, tu le sens ?", ce ne serait jamais pareil.


Sur ses toiles non plus, finalement, ce n'était pas pareil. Ce n'était rien de plus que des images, même si, à leur vue, personnel et résidents s'extasiaient. Ces derniers avaient même insisté pour les faire placer devant les fenêtres les plus mal situées, celles qui donnaient sur l'ancienne zone industrielle désaffectée. Ils préféraient cette vision de nature plutôt que les batiments sales, et tant pis s'il fallait une autre source de lumière pour éclairer les couloirs. Depuis, le moral des résidents s'était nettement amélioré, et le personnel ne pouvait que se féliciter d'avoir laisser faire.

Et puis Louise avait continué à peindre, et les toiles étaient devenues trop nombreuses. Alors les résidents avaient commencé à voter pour savoir si les nouvelles étaient meilleures à leur yeux que certaines exposées, pour remplacer. Les autres toiles, les anciennes, étaient exposées dans une annexe récemment ouverte, servant de galerie d'art. Elles trônaient, magistrales, au milieu d'oeuvres de tout types d'autres résidents, stimulés par la créativité de Louise. Les visiteurs se bousculaient, payant pour venir voir les expositions successives. L'argent servait à améliorer encore les conditions de vie des résidents, et tout le monde y trouvait son compte.

Louise aurait donné cher pour pouvoir voir ce public, les expressions sur leur visage en découvrant ses tableaux. Mais cela lui était interdit, à cause de son état. Alors elle se contentait de se placer au fond de la salle, à l'écoute du brouhaha, et là elle livrait à la toile ce qu'elle ressentait. On lui disait que ces toiles-là étaient sans nul doute ses meilleures, celle où elle ne cherchait plus à transcrire une réalité physique, où elle se permettait tout. C'était aussi celles qui lui procuraient le plus d'émotions.

Juste avant la fermeture, le public l'acclamait invariablement. Elle en était émue, mais encore une fois, il manquait quelque chose.


Elle pensait à cela en vérifiant les étiquettes de ses tubes de peinture. Sa mémoire était fidèle, elle les posait toujours dans le même ordre, ne s'était jamais trompée. Mais ces derniers temps, sans raisons claires, elle ne faisait plus vraiment confiance à sa mémoire non plus. Elle préférait le contact de l'étiquette en braille sous ses doigts, pour se rassurer, se prouver qu'elle n'était pas encore morte.

Pour tous, elle était une artiste peintre de talent. Personne ne voyait la femme aveugle avec ses doutes, son besoin d'exister aussi en dehors de sa peinture, de remporter des petites victoires sur elle-même, les dégradations de l'âge, et sa cécité. Personne ne lui demandait jamais comment elle allait, ses toiles paraît-il parlaient pour elle : toujours très colorées, vivantes, signe de bon équilibre mental.

Alors qu'elle ne faisait que crier de tableau en tableau sa rage de voir encore, à nouveau, et qu'à l'insu de tous elle s'enfonçait dans une dépression profonde.

Elle avait tout fait pour se faire oublier derrière la peinture, et maintenant qu'il lui aurait fallu être vraiment vue, ce n'était plus possible.

Il lui fallait une solution radicale.

----------

Un matin, les résidents eurent la surprise de découvrir une nouvelle toile, où, pour la première fois, elle s'était peinte, elle-même, au milieu du décor : le jardin de la résidence, qu'elle n'avait pourtant jamais vu. Elle avait livré sa version du jardin, tel qu'elle l'avait ressenti. Et c'était extraordinairement, incroyablement, juste.

La Louise sur le tableau était différente. Vivante, joyeuse, heureuse. En la voyant, ils comprirent ce qu'ils avaient tous choisi d'ignorer, les signes plus ou moins ténus, la fragilité de l'être humain seul au milieu des autres, qui n'étaient là que pour une facette d'elle, l'artiste.

Ils la cherchèrent partout, pour lui dire qu'ils avaient compris, qu'elle avait le droit d'être encore vivante aussi, qu'ils l'aideraient à être heureuse à nouveau.

Ils la trouvèrent dans le jardin, là où elle s'était représentée, près du plus grand arbre.

Etendue à ses pieds, morte.
 

----------

La galerie porte désormais le nom de "Louise Drumont", en hommage à cette artiste qui n'était pas que ça, mais qui resta si méconnue de ceux qui l'avaient cotoyées dans ses dernières années.

Les expositions continuent d'y rencontrer un immense succès. Avec l'argent, des activités variées ont été mises en place pour les résidents, pour qu'ils ne puissent rester enfermés dans une seule, au point de s'y résumer, même contre leur gré. Des activités de groupe, des jeux de rôles, et la présence de plusieurs psychologues, complètent le dispositif mis en place par le directeur pour que le cas de Louise ne puisse plus se reproduire.

Le directeur y pense souvent, en venant visiter seul la galerie, une fois la nuit tombée. Son établissement est maintenant extrèmement renommé, autant pour la qualité de vie que pour la galerie, et il aurait tout pour être satisfait.

Mais ce qu'il ressent, il le sait, est très proche de ce que ressentait Louise.

 Il aurait beau faire, au mieux de ses capacités, ça ne serait jamais pareil.

Il se répête tous les jours qu'il ne veut pas finir comme Louise, prisonnier d'une idée fixe. Il voit bien que comme elle, il refuse de lâcher prise, choisissant de continuer sa quête d'une perfection absolue qui ramènerait le passé à la vie. Mais ce n'est pas possible évidemment. Tout ce qu'il peut faire, comme tout être humain, c'est honorer le passé, les moments heureux, ne jamais les oublier, mais ne pas en rester otage, vivre le présent intensément.

Mais depuis le temps qu'il cherche à s'en convaincre, il réalise qu'il en est toujours au même point, mêmes mots pour les mêmes conclusions, jamais appliquées. Finalement, il est ce prisonnier, repoussant toujours à demain la solution, continuant à ignorer tout présent qui ne serait pas hanté par Louise. Au point de se confondre, dans l'esprit des gens, avec ce but qu'il s'est donné, et qui le tue à petit feu par l'impossibilité de toute satisfaction, et sa profonde solitude intérieure.

Comme Louise, il lui faut une solution radicale.


Ne remettant pas à demain, il retourne à son bureau, et commence à rédiger sa lettre de démission.

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30 novembre 2018 5 30 /11 /novembre /2018 13:13

Texte écrit dans le cadre du recueil "Chemin de rêves"
Première publication le 21/10/2008


05 - 23/09/2007 - Ecrire la suite (Kildar)

Cet exercice d'Ecriture Ludique consiste à écrire la suite d'un TRES BON texte de Kildar intitulé En deçà du Temps .
(je préfère préciser que je le trouve très bon, pour qu'on ne me prête pas des pensées autres après lecture de mon texte)

Il ne s'agit pas pour autant d'être fidèle à l'ambiance, au style, au genre du texte initial.

J'ai donc choisi de ne pas l'être...



Larry interrompit sa lecture, hors de lui, et regarda Jack Stern, derrière son bureau, lui offrir son plus beau sourire.

Il essaya de faire passer dans son regard toute la rage qui l'envahissait, mais cela n'eut manifestement pas l'effet escompté, et Jack éclata de rire.

- On dirait que tu n'apprécies pas la lecture, Larry... un problème peut-être ?

- Mais enfin, Jack, je ne comprend pas... ça n'a rien à voir...

- Allons allons... c'est beaucoup mieux comme ça, je t'assure ! Le public va A-DO-RER !

- Non Jack, non, ce n'est pas possible, pas sous cette forme-là...
Ca n'a rien à voir avec ce que j'ai écrit, c'est mon histoire, et je refuse qu'elle sorte modifiée ainsi. Ca n'est même plus crédible, enfin ! Tu les imagines, là, avec deux soleils au dessus de leur tête, ne pensant qu'à aller se promener sur leur voilier ? Et le reste de l'histoire, leurs tentatives de comprendre, tout ça, je suppose que ça passe à la trappe ?

- Je dirais plutôt que ça passe "par dessus bord", pouffa Jack, avant de se reprendre.

Soyons sérieux deux minutes veux-tu... dois-je te rappeler le contrat que tu as signé ?
Tu ne l'as pas lu, peut-être ?

On dirait que tu as du mal à comprendre tous les mots, alors je vais t'expliquer mieux. J'ai le droit de modifier à ma guise tout ou partie de ce manuscrit, en fonction de ce que je trouve être le mieux par rapport à MA politique éditoriale. Tu arrives avec un bouquin SF chiant, alors que tu sais que je n'aime pas trop la SF à la base. Soit, je te signe quand même, parce que tu vois, ton histoire, je trouve qu'elle a un potentiel ! Je te signe, mais j'y met la condition de pouvoir imposer les corrections qui me paraissent judicieuses pour qu'il devienne possible de le vendre, ton foutu bouquin !  Et puis toi, tu viens, tu lis, et tu me dis on oublie tout ? Et puis quoi encore ? Si tu veux te casser, tu payes le dédommagement prévu en cas de rupture, et si tu as lu cette partie-là, tu sais qu'il est salé !

Et je crois savoir que tu n'en as pas trop les moyens justement... alors si tu veux un conseil... écrase !


Larry étouffait de rage, mais il fallait reconnaître qu'il n'était pas en position de force. Il avait signé, oui... mais il se révoltait à l'idée de voir son histoire dénaturée à ce point... ça n'avait vraiment plus rien à voir. Il fallait qu'il sauve son manuscrit de départ.

- Et si on disait que ce manuscrit, justement, tu n'en voulais pas vraiment... et que celui que tu veux, il est là, dans tes modifs... si on en faisait une histoire à part entière, à partir de tes modifs ?
On oublie cette histoire de deux soleils, on trouve une autre anomalie... par exemple ils se réveillent en mer pendant une balade de plusieurs jours, et la mer a changé. Un changement vachement inquiétant normalement, mais eux ça les excite, alors ils décident d'explorer et... tout se passerait comme tu l'as écrit, en mer ? Tu en dis quoi ?

Tu serais l'auteur principal, j'aurais un petit pourcentage mais je n'apparaîtrais pas... évidemment ça demanderait un autre contrat, parce que celui-ci serait caduque évidemment.


Jack Stern était expert dans les arnaques en tout genre, et il savait détecter quand quelqu'un voulait le bluffer... mais il fallait avouer que Larry avait raison : son manuscrit, il n'en voulait pas. Il voulait ses qualités de plume pour mettre en forme le manuscrit qu'il avait bien l'intention d'écrire quasiment seul, inspiré partiellement (mais alors très partiellement) par l'histoire de départ. En ce sens, sa proposition était formidable. Il n'avait plus à jouer la comédie de l'intérêt pour un bouquin qu'il n'aimait pas, et Larry ne demandait même pas à apparaître au générique !

Et dire que Larry s'imaginait qu'il avait eu l'idée tout seul, alors que c'était le plan dès le début !

- Tu veux récupérer ton manuscrit pour le proposer ailleurs, Larry, c'est ça ? Oh ne nie pas, je t'ai percé à jour tu sais... Ta proposition m'intéresse, remarque, et nous allons y travailler. C'était d'ailleurs déjà dans ton contrat, tu vois, juste là... tu t'engages à collaborer à tout projet lié, adaptations, dérivés... oui oui, c'était déjà prévu !

Ce qui était prévu aussi, c'est au cas où je ne souhaiteras plus publier moi-même, des négociations peuvent être entamées avec d'autres éditeurs. A condition que 50% du nouveau contrat me revienne !


- Mais... tu n'en veux pas, de ce livre, c'est évident non ? Tu n'as jamais cru qu'il pouvait être vendable, alors pourquoi vouloir 50% de rien ?

- Non je n'en veux pas de ton livre, et je n'en ai jamais voulu ! Parce que ce n'est pas le genre de la maison, tout simplement !

Mais je sais reconnaître le potentiel, je te l'ai dis.

Si je t'ai signé, c'était aussi un placement figure-toi ! Quand j'ai la chance de voir passer un auteur qui vient me proposer quelque chose dont il devrait savoir que je ne vais pas vouloir, mais qui peut rapporter, je signe. J'adapte d'un côté, je prend ma part sur l'histoire originale de l'autre. Je vend deux fois, en ne faisant le travail qu'une seule.

C'est un business, mon pauvre Larry !

Et pas question de laisser échapper mon produit !

Alors, on arrête de blablater, et on se remet au travail ?



Larry était sans voix, vaincu.

Dans sa tête, il se jurait de mieux choisir son prochain éditeur, mais il savait que c'était une chimère, et qu'il était probablement pieds et poings liés jusqu'à la fin de sa carrière maintenant : Jack avait une option sur ses trois prochains ouvrages. Et il choisirait probablement de les revendre à un ami à lui, qui placerait également des options, judicieusement, puis refilerait à quelqu'un d'autre... ou de nouveau à Jack, qui sait ?

Dans ces milieux-là, tout se tient, ses amis lui avaient suffisamment répêté. Mais il n'avait jamais voulu le croire, et avait fait confiance à son beau-père, éditeur richissime, qui lui avait paru honnête et sympathique. Et qui au moins, lui, s'était intéressé à ce qu'il écrivait, pas comme sa mère, qui considérait cela comme de simples gamineries.

Il ne pourrait donc pas lui dire que Jack l'avait arnaqué, elle rirait simplement, lui disant qu'il était bien chanceux d'avoir trouvé un éditeur, que c'était un miracle, que Jack était trop bon.

C'était sans solutions.


Larry chassa ces idées noires de sa tête, se repencha sur le manuscrit, et reprit sa lecture depuis le début, plus lentement, en prenant des notes. Il devait bien être possible d'en faire une bonne histoire quand même, de cette balade en mer...

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30 novembre 2018 5 30 /11 /novembre /2018 13:03

Texte écrit dans le cadre du recueil "Chemin de rêves"
Première publication le 18/11/2008

04 - 20/09/2007 - Mots imposés (Azalaïs)
nigelle, pont, généalogie, soupière, mare, ossature, combiner, oublier, temporel, fondamental

(nigelle : plante à fleurs bleues de la famille des renonculacées)

 



Elle aurait vraiment tout donné pour pouvoir se concentrer une journée entière sur des pensées plus fondamentales que ses problèmes physiques si triviaux et temporels, oublier son corps complètement et consacrer toute la puissance de son esprit à ce nouveau livre qui la hantait et qui, elle le sentait, serait le point culminant de toute une vie de recherches.

Mais son amour de la philosophie, même combiné avec une détermination sans faille, ne pouvait rien contre son héritage génétique. Où qu'elle regarde dans sa généalogie, certains problèmes étaient récurrents, et cela nourrissait bien sûr son oeuvre entière, recherche permanente des limites entre l'inné et l'acquis, qui l'on est et à quel point on peut devenir ce que l'on désire, et dans quel mesure ces désirs ne sont-ils pas également innés.

Le sujet bien sûr était d'une richesse inouïe, et formait l'ossature solide de ses réflexions pour son futur ouvrage également. Elle pensait bien être très proche de définir cet équilibre d'une manière enfin claire et rationnelle. Elle pourrait même l'expliquer plus simplement, pour ceux-là qui considèrent trop souvent la philosophie comme un art déconnecté des réalités, des suites de mots incompréhensibles pour parler de choses auxquelles personne ne s'intéresse. Elle n'avait pas renoncé à faire passer son message à ce public également, n'ayant jamais cessé de croire profondément que tout homme est capable d'écouter et de comprendre si l'on s'efforce de rendre le message audible et compréhensible. Elle pensait aussi que l'intérêt du public se mérite, il faut faire la démarche d'aller vers lui et non se contenter d'attendre qu'il réalise l'erreur que ce serait de ne pas le faire.

La prétention de ses "collègues" philosophes pouvait il est vrai être sans bornes. C'est en pensant à ça qu'elle se décida à abandonner son ordinateur, et à régler ce problème de démangeaisons qui la torturait

Elle se rendit à la cuisine, et ouvrit la soupière dans laquelle elle conservait l'huile de Nigelle, faute de meilleur récipient. En effet, elle en préparait toujours une énorme quantité d'avance, pour ne pas avoir à s'en occuper tous les jours. Elle cultivait la plante dans une serre spécialement aménagée, en annexe de sa maison, et n'avait donc pas à aller loin pour trouver le matériau de base. Mais la préparation était tuante et dévoreuse de temps, alors quand elle s'y mettait, elle préférait que la quantité produite lui permette de tenir le plus longtemps possible, pour pouvoir avoir le temps de travailler les autres jours, entre les soins.


Elle emplit un flacon avec un peu d'huile, puis se rendit à la salle de bain, et commença l'application minutieuse de l'huile sur toutes les lésions. C'était le seul remède, parmi les centaines qui lui avaient été suggéré ou qu'elle avait cherché elle-même, qui ait jamais fait effet pour stopper son envie dévorante de s'arracher la chair quand les crises la prenait. Mais cela ne faisait pas effet longtemps, à peine quelques heures... et c'était parfois 5 ou 6 applications sur la journée qui étaient nécessaires pour la calmer et lui permettre de travailler.

Elle accomplit le rituel sans hâte, sachant qu'il valait mieux prendre le temps que devoir recommencer dans 5 minutes. Cela dura une bonne heure, en massages, puis laisser reposer la peau, puis masser encore. Elle trouvait du plaisir à ces moments avec elle-même, c'était le fait de devoir abandonner ses pensées en cours d'écriture qui la révoltait, mais une fois qu'elle décidait de céder à son adn, elle parvenait vite à retrouver la paix.


Elle finit par sortir, presque à regrets, de la salle de bain, s'accorda une tasse de thé et un petit moment dans son fauteuil, pour la savourer. Puis, elle retourna à son ordinateur, pour ce qu'elle espérait être plusieurs heures.

Si elle avançait bien, elle s'autoriserait une balade jusqu'au petit pont. Elle ne se lassait pas du spectacle des grenouilles sautillant dans la mare, en contrebas. Elles nourrissaient ses réflexions également, à leur manière, ses idées bondissant en rythme avec les batraciens, prisonniers tout autant de la génétique que nous le sommes, mais qui parvenaient pourtant à ne pas plus s'y résumer que nous.

L'esprit tout emplit de ces grenouilles, elle fit courir à nouveau ses doigts sur le clavier. Si tout allait bien, elle pourrait finir le livre en quelques jours à peine.

Elle venait même d'en trouver le titre, bien provocateur : "La mare aux grenouilles - génétique et libre arbitre".

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24 novembre 2018 6 24 /11 /novembre /2018 19:30

Ce texte est écrit dans le cadre du projet "Retour de flammes" (écriture autour de mots imposés)... mais aussi beaucoup plus personnel.
Douces pensées, tout mon soutien et mon amour, à quelqu'un de très cher qui se reconnaîtra ...

#004 Gazou
ange,colère,détresse,danse,sourire,
querelleur,simplifier,livide,admirer,excessif,
surprise,élan,transe,léger,simplicité

 


Dors, petit ange, dors encore un peu au creux de mon ventre. Laisse-moi imaginer ton sourire, t'admirer déjà à m'en faire mal aux yeux. Laisse maman justifier ses larmes ainsi, par la joie anticipée, et ne te soucie pas de ce monde et ses douleurs. Garde mes rêves encore un peu, le temps que la détresse et la colère passent. Mes émotions sont un peu excessives, mais je t'aime tant tu sais, alors c'est difficile d'accepter pour l'instant. Mais bientôt, je te promet.

En attendant je te veille au fond de mon ventre, et je repense à notre rencontre, à ton papa et moi, la simplicité et l'évidence alors qu'autour tout le monde me mettait en garde ; l'élan qui m'a poussé vers lui, le sentiment de transe, le doux abandon quand je suis dans ses bras, quand tout autour se fait léger en un instant ; et puis nos danses, les yeux dans les yeux ... mais nos moments querelleurs aussi, ces orages d'été entre deux soleils heureux.

Je l'aime ton papa, et je t'aime aussi, je suis folle d'amour pour vous deux, et j'ai déjà tellement rêvé de notre vie à trois, quand tu seras là, dans ce bel avenir où nous arriverons à simplifier tout le compliqué comme par magie pour ne garder que cet amour ... cet avenir qui m'a pris par surprise quand on me l'a annoncé, il y a deux mois, et m'a appris le vrai sens du mot "bonheur".
Ce bonheur qu'on voudrait m'arracher aujourd'hui, qui me laisse livide.

 

Dors, petit ange, dors, il n'est pas encore temps. J'ai encore besoin de te sentir un peu là, pour m'habituer.

Je sais que ce n'est pas la fin bien sûr, ni pour toi ni pour moi. Tu n'étais pas prêt - ou peut-être est-ce moi -, alors tu t'éveilleras directement dans le monde suivant. Ton papa et moi on parlera de toi à tes frères et sœurs, quand ils seront là. On leur dira combien on t'a aimé dès le début, combien on t'aime, autant qu'eux. Tu auras une famille, ta famille.

Il t'a fallu t'en aller, mais nous ne t'oublierons jamais.

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