Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.
Tu détestes que l’on t’offre des fleurs. Tu as toujours eu ce geste en horreur.
Parce que cela te rappelle que tu n’es pas comme les hommes, que l’on félicite d’une tape dans le dos, d’une accolade ou d’une poignée de main bien “virile”. Non tu es une petite chose délicate, une femme. Et à leurs yeux, sans fleurs, il manque toujours quelque chose à la photo sur le podium.
Parce qu’aussi, quand un homme offre des fleurs, c’est souvent qu’il a une idée en tête. Ou alors il en a eu une avec une autre, il est peut-être même passé de l’idée à la pratique, et là il se sent coupable. Ou simplement il a quelque chose à se faire pardonner, il ne sait pas comment revenir après une dispute, et plutôt que d’en appeler à ton intelligence, il essaye de t’enfumer avec le parfum délicat de quelques roses.
Tu préfères nettement les fleurs qui poussent librement dans les champs. Ce n’est pas le genre que l’on couperait comme cadeau pour quelqu’un qui n’a rien demandé. Pourtant, tu trouves que ce sont les plus belles.
Tu chéris leur liberté et tu aimerais surtout que l’on n’empiète pas sur la tienne, sous prétexte que l’on te fait cadeau d’un bouquet, ou d’une boîte de chocolat, ou d’un bijou …
Ou d’une bague en diamant !
Ce soir il a osé, genou à terre, devant tout le monde au restaurant.
Et tu as fondu en larmes évidemment, parce que tu ne peux pas t’empêcher de ressentir.
Mais en même temps, tu ne t’es pas sentie libre.
Et puis il a cru, même s’il te connait par cœur, que pour l’occasion, il pouvait aussi ajouter un bouquet de roses à la bague.
Et toi tu as pêté les plombs, hurlé, jeté le bouquet à terre, enlevé la bague, et tu es partie comme une furie, sans regarder où tu allais.
Là tu es sous la pluie, sur le trottoir de cette avenue. Tu n’as pas fait 100 mètres avant de t’arrêter, et de mêler tes larmes aux éléments.
Il ne te pardonnera jamais, tu le sais.
Pourquoi tu n’as pas pu, une seule fois dans ta vie, accepter ces foutues fleurs sans rien dire, afficher un sourire comblé et le laisser être heureux ? Il n’a pas assez galéré pour t’approcher, te séduire ? Il ne méritait vraiment pas mieux que ça, après avoir survécu à trois ans de ton parcours du combattant, quasi sans fautes ?
Et puis soudain il est là, sous la pluie avec toi. Il t’a rattrapée.
Tu te jettes dans ses bras, certaine que cette étreinte-là pourrait durer longtemps. Peut-être même bien toute la vie, qui sait. S’il voulait bien demander une deuxième fois. Tu accepterais même les fleurs, promis, s’il voulait bien ne plus jamais te lâcher.
Tu trembles et tu t’étouffes avec tes larmes. Il t’attire sur le porche de l’immeuble le plus proche et, patient, attends que tu t’apaises.
Il te connait par cœur, de tes colères à tes douleurs.
Et puis tu l’entends murmurer, dans ton oreille, tout doucement.
“je ne savais pas que tu n’aimais pas non plus les diamants.”
Il te sourit, taquin. Tu éclates de rire. Puis exiges qu’il te rende TA bague. Mais elle était déjà dans sa main.
Et là elle est sur la tienne.
Tu penses bien à t’excuser, mais bien sûr il le devine dans ton regard, et t’embrasse.
Mais tu ne penses pas que ce soit seulement pour te faire taire.