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Ce blog et les écrits qu'il contient sont mis à disposition par Michel Bosseaux (l'auteur) selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
 
 

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3 septembre 2007 1 03 /09 /septembre /2007 09:30
#022 Darkia (sur forum OB)
Ce texte était à écrire pour le 03/09/2007 (thème communauté "Ecriture ludique")
cabine / favoriser / massacre / langage / lumière / accueil / ami / phénomène / patience / exquis.


L'ensemble des listes reçues dans le cadre du projet "logorallyes", et ce que j'en ai fait jusqu'ici, est consultable ici.



L'eau coulait sans discontinuer depuis des heures déjà. Du fond de la cabine de douche, plus le moindre bruit ne se faisait entendre à travers le déferlement furieux du phénomène liquide. Au début, elle avait hurlé longuement, puis pleuré, les deux ensemble. Maintenant, Marie était recroquevillée en position foetale, se balançant à peine, d'avant en arrière, bouche grande ouverte, sans plus émettre le moindre son.

Son regard était fixe, et comme planté en dedans d'elle-même, profondément. Elle n'avait plus la moindre conscience de l'eau, qui allait peu à peu lui détruire la peau, pas plus que de la pièce autour restée sans lumière, et plus loin encore, des bruits diffus de coups à sa porte, comme les voisins avaient commencé à s'inquiéter de cette douche ininterrompue.

Quelque part au fond d'elle, il restait une toute petite partie à peine lucide, qui n'aurait su dire pourquoi il lui fallait se lever maintenant, sortir de là où elle était, où que cela puisse être, et aller se coucher. Une petite voix qui n'aurait su les mots pour convaincre le reste de son esprit, désormais au delà de tout langage, de toutes pensées.

Elle continuait à se balancer, imperceptiblement, encore et encore et ...

Ses yeux se fermèrent d'eux-mêmes finalement, sans qu'elle perçoive la différence.
Elle s'endormit, là, sous la douche toujours ouverte.



Ils avaient défoncé la porte. Les voisins. Le propriétaire était en vacances, impossible de trouver une clé, et un dimanche soir, pour un serrurier...
Ils avaient coupé l'eau. Puis, le SAMU était venu, et l'avait emmenée.

Marie avait la peau, les chairs, affreusement gorgées d'eau et brûlées. Cela allait être difficile de la soigner, et sans doute la peau ne se réparerait-elle jamais. "Un vrai massacre", avait dit un médecin, la pensant inconsciente, à quelqu'un qu'elle n'avait pas reconnu.

Elle s'était réveillée à l'hôpital, sans savoir précisément quand ni où elle était, ni pourquoi d'ailleurs. Mais une force en elle lui avait imposé la patience. Alors, elle n'avait pas fait de bruit, pas ouvert un oeil, guettant la moindre bribe de voix à son chevet, écoutant son corps également lui raconter sa part de l'histoire, au travers de douleurs qui, malgré les calmants, dépassaient tout ce qu'elle avait pu endurer dans sa vie... pour autant qu'elle s'en souvienne en tout cas.

Elle sortit peu à peu de l'épais brouillard qui avait, un temps, pris sa place dans son esprit.

Pour favoriser sa guérison, les médecins l'avaient entièrement recouverte d'une sorte de bandage absorbant. Il fallait d'abord que l'eau s'évacue pour pouvoir juger de l'étendue des dégâts, elle avait compris le principe dans les mots de ce médecin, continuant à parler à cette autre personne... peut-être sa mère. Elle n'en était pas complètement sûre, mais cette voix lui parlait de famille, d'un lien profond auquel elle ressentait un besoin immense de se cramponner pour ne pas couler.

C'est quand ils parlèrent des traces de coups qu'elle se souvient de tout.



Ce furent d'abord des flashs sans continuité, des sensations éprouvées comme au travers d'un épais manteau cotonneux, diffuses et fuyantes. Elle sous la douche brûlante, hurlant de désespoir... deux corps nus sur un lit, la chaleur des ébats, mais une mauvaise chaleur, le malaise, le refus... un visage dans l'encadrement de la porte, souriant... des vêtements qu'on déchire, des mains qui frappent, contraignent...

Elle sentait monter les larmes, comme la scène se précisait lentement, et que les différentes pièces du puzzle sordide s'agençaient dans le bon ordre.

Elle avait tout préparé pour lui, pour lui faire bon accueil. Ils étaient amis, mais elle n'excluait pas que les choses aillent plus loin entre eux, au contraire. Il lui fallait seulement un peu de temps. Un mariage raté, un ex envahissant, quelques amants de passage arrogants et brutaux, l'avaient incitée à plus de prudence dans ses relations. Elle voulait se reconstruire dans la douceur, ne plus être une chose, mais quelqu'un. Elle voulait tant de choses, et le regard de son ami lui disait qu'il avait bien compris.

Les premiers moments de la soirée avaient été exquis. Ils avaient diné, parlé, ris... un peu bu, aussi. Peut-être trop. Les souvenirs l'emmenèrent vers le canapé, elle et lui verre à la main, riant presque sans interruption.

Puis elle fut prise de nausées violentes, et lutta pour ne pas se rappeler. Mais la mémoire était trop lourde de ces secondes qui avaient bien failli la rendre folle, alors elle ne put que revivre tout, impuissante à endiguer le flot.

Il avait posé son verre, l'avait regardée très longuement, intensément. Puis, ils s'étaient embrassés. Et ce baiser avait été si doux...

Ses mains l'avaient enveloppée de caresses, et elle se sentait au paradis. Ce n'est que quand il avait tenté de lui déboutonner son chemisier qu'elle avait reculé, un peu honteuse, en lui demandant pardon. Elle n'était pas encore prête pour ça.

Lui, si.

Il avait insisté, sans douceur cette fois. Elle avait alors tenté de le repousser, puis, prenant peur, avait couru vers la chambre pour s'enfermer. Et appeler à l'aide. Son portable était là, sur la table de nuit.
Mais il avait été trop rapide pour la suivre, plaçant son pied de manière à bloquer la porte.



Marie était secouée de sanglots maintenant. Bientôt, les médecins allaient l'entendre, et accourir. Elle, toute entière replongée dans l'horreur, revivait seconde après seconde la fin de la soirée. Mais les images se faisaient de plus en plus imprécises, les sensations distantes. Et elle ne voulait pas qu'il en fut autrement. 
A quoi bon en effet retrouver la précision des faits, la chronologie exacte ? Aucun mot qui apaise, aucune image qui remplace, même un seul instant, la souffrance du viol. Ses émotions la submergeaient, et elle leur laissait libre cours. Elle devait lâcher complètement prise cette fois, ne pas sombrer encore plus bas en voulant lutter. Il n'était plus l'heure des combats, seulement celle de survivre. Malgré lui.

Il ne l'avait pas brisée. Malgré les insultes, les coups répétés, les tortures diverses... elle avait tenu, sur le fil ténu d'une rage croissante. Et quand il avait eu fini, que le silence était revenu, seulement troublé par leurs respirations, et les bruits qu'il faisait en se rhabillant, cette même rage avait pris le contrôle et lui avait fait payer cher ce qu'il venait de lui faire subir.

Pendant tout le temps qu'il tentait par la force de se l'approprier, n'y parvenant que trop imparfaitement à son goût, ce qui avait redoublé la violence des coups, elle n'avait eu qu'une seule idée en tête, une idée très sombre, tranchante, qui l'avait fait tenir jusque là.

Le revolver dans la table de nuit.

Alors quand il se retourna un instant, cherchant son pantalon, elle bondit sans hésiter, sortit l'arme, et, comme il la regardait à présent, acheva de vider le chargeur avant même qu'il ait réalisé qu'il mourait.
Son regard affolé de bête traquée prise au piège l'avait vengée, au delà de ses espérances les plus folles.
Mais elle se sentait si sale, tellement insupportablement...

Ils l'avaient retrouvée sous la douche, elle se souvenait maintenant. De tout.



Marie ignorait tout de ce qui allait lui arriver, maintenant : son corps détruit par l'eau, la police, son geste... beaucoup de conséquences à assumer, beaucoup d'heures à traverser qui demanderaient une volonté de fer, mais ne dépendraient pourtant plus d'elle.

Prenant sa respiration à fond, elle décida néanmoins qu'il était temps qu'elle affronte, qu'elle fasse le premier pas sur le long chemin qui, peut-être, un jour, si elle avait enfin un peu de chance, l'éloignerait du cauchemar.

Alors elle ouvrit les yeux, à l'instant précis où le médecin entrait dans sa chambre, suivi de sa mère...



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2 septembre 2007 7 02 /09 /septembre /2007 17:32
#014 Yara
électronique, guacamole, labyrinthe, Icare, Agora (ou forum), consoler, dépendance, coqueluche, hilarant, endurance


L'ensemble des listes reçues dans le cadre du projet "logorallyes", et ce que j'en ai fait jusqu'ici, est consultable ici.



Ce fut une soirée étrange.

Nous avions décidé ce soir-là de tenter l'aventure du "Labyrinthe", nouveau restaurant mexicain (comme son nom ne l'indiquait pas - la femme du propriétaire était grecque) qui était en deux semaines à peine devenu la coqueluche de la jeunesse "branchée" de la ville. Nous n'en faisions pas vraiment partie, mais l'endroit était suffisamment accueillant pour que les différences de classe sociale s'oublient vite.

J'étais venu avec Marissa, ma compagne, qui tenait absolument à ce que nous sortions un peu plus souvent. Je n'étais pas très chaud j'avoue, ni pour la sortie, ni pour le type de cuisine, mais je ne pouvais pas toujours dire non. Et c'est ainsi que nous avions atterri, après un petit parcours dans le labyrinthe (le nom du restaurant correspondant au mode d'agencement des boxes pour les clients), à cette table, avec un bon vin dans nos verres, du guacamole dans les assiettes, et une musique douce offerte par l'orchestre maison. Tout se passait divinement bien.

La décoration intérieure mettait en scène divers mythes grecques, le labyrinthe bien sûr, le minotaure, Ariane, ainsi que Icare, que l'on voyait tomber en direction des cuisines, ramenant sans doute de son voyage près du soleil certaines nouvelles idées de recettes qui nous enchanteraient bientôt les papilles.
Au centre du restaurant, il y avait l'Agora, ou chacun pouvait venir prendre la parole. En fait c'était la scène idéale pour présenter une chanson de sa composition, un sketch plus ou moins hilarant, annoncer la création d'une nouvelle association locale... en fait, tous les usages étaient possibles, cela ne dépendait que de ce que l'on avait à exprimer.
Evidemment, les propriétaires veillaient à ce qu'aucun apprenti orateur n'utilise cet espace pour des revendications politiques, qui auraient été bien déplacées en ce lieu.

L'orchestre finissait  justement sa prestation, et la soirée Agora allait pouvoir commencer.

Un homme plutôt petit, très mince, en tenue décontractée, cheveux noirs mi-longs, yeux immenses profondément enfoncés dans un visage très pâle, s'avança vers les marches, semblant presque flotter au dessus du sol plutôt que marcher. Il monta, et prit tout son temps pour s'installer. Il vérifia la chaise, puis le micro, par quelques tapotements, arrachant des diffuseurs de désagréables sons électroniques. Puis il s'assit, et pendant un long moment, ne bougea plus.

A vrai dire, son regard ne fixait rien en particulier, il semblait dirigé vers les tables devant lui, mais restait brumeux, absent.
Et il ne disait absolument rien.

Nous avions été prévenu dès l'entrée que, parfois, les "représentations" pouvaient être fort surprenantes, voire parfois même dérangeantes, et que quoi qu'ils se passent, nous ne devions pas intervenir, sauf si c'était la volonté de l'orateur d'un soir. En cas de problème, ils interviendraient. Nous attendîmes donc, achevant en silence notre repas.

Soudain, le regard de l'homme se concentra, et balaya lentement toute la salle. Il se leva, pour pouvoir faire un tour complet, et ainsi capter l'attention de l'ensemble des clients.
Ceci fait, il prit le micro, et prononça, d'une voix très basse mais qui résonna dans toute la pièce mieux que s'il avait hurlé, ce qui allait être son unique mot de la soirée.

"Maintenant".

Plus rien ne bougeait dans le restaurant. Les clients semblaient tous comme suspendus à ses lèvres, guettant un autre mot, une explication. Mais rien ne venait. Seulement ses yeux posés sur nous tous, tour à tour, comme il continuait de tourner lentement sur lui même, nous jaugeant d'un regard impossible à déchiffrer.
Et bien vite ce regard a commencé à créer une dépendance. Quand il s'éloignait d'un côté de la salle, des soupirs de désolation se faisait bien vite entendre; là où il se posait, c'est comme si une peine insurmontable venait d'être consolée comme par magie, les sourires illuminaient les visages, les yeux brillaient de mille feux.
L'homme nous avait tous en son pouvoir, y compris Marissa, tantôt rougissante, puis désespérée, et moi-même, ayant l'impression que mes émotions étaient entrées dans un manège, et ne cessaient de repasser par les mêmes points, en boucle, sollicitant mon endurance dans les moments durs, anéantissant toute résistance dans les très bons.

Puis soudain, l'homme s'arrêta de tourner, son regard se braqua vers le sol et s'éteint.
Il s'assit à nouveau, pour un moment long. Nous ne pouvions détacher nos yeux de lui, attendant la suite.

Finalement, il claqua dans les mains. Une seule fois. Et c'est comme si nous n'avions jamais, nous tous, été de meilleure humeur. Il y avait partout des rires, des visages radieux, des hommes embrassant des femmes, leur caressant la main. Une joie de vivre inouïe s'était emparée de nous, nous faisant tout oublier.

A tel point que personne ne vit l'homme quitter la scène, ni sortir du restaurant.

Ce soir-là, personne ne prit sa place.


Nous sommes souvent retournés, Marissa et moi, au "Labyrinthe". C'est devenu notre restaurant préféré, et même à vrai dire l'unique que nous fréquentons. Nous avons assisté à beaucoup de soirées Agora, vu des humoristes, chanteurs, danseurs, poètes ou romanciers, des gens plein d'idées pour améliorer la vie... il y eut beaucoup de moments d'émerveillement, de douce tristesse... des déceptions aussi. Mais rien ne fut à la hauteur de ce premier soir, de cet homme que personne ici n'a revu depuis.

Seule la joie qu'il avait fait entrer en nous est restée. Notre vie s'est illuminée ce soir-là, et depuis, rien n'a pu entamer l'optimisme et l'harmonie qui règne dans notre couple. Je sais qu'il en est de même pour tous les clients qui étaient présents. Nous nous sommes revus, souvent, et avons sympathisé. Une fois par mois, nous réservons même le restaurant, nous tous, pour recréer un peu de l'ambiance de ce fameux soir.
Mais évidemment il manque toujours quelque chose, et si nous ne repartons pas vraiment déçus, le vide est là, présent, plus comme une question que comme un poids.

Nous savons la chance que nous avons eu ce soir-là. Et en ce moment, d'autres, ailleurs, vivent la même expérience. Nous avons l'impression de les sentir, parfois, les autres que l'homme a visité depuis, comme nous nous ressentons les uns les autres depuis ce soir-là, sachant en permanence où sont les autres et leurs émotions du moment.

Nous aimerions bien les connaître eux aussi, un jour. Les rencontrer au détour du labyrinthe de la vie, les ressentir instantanément, et ne plus jamais se perdre de vue.

Nous ne cesserons jamais de l'espérer.
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2 septembre 2007 7 02 /09 /septembre /2007 16:19
C'est en cherchant l'impossible que l'homme a toujours réalisé et reconnu le possible, et ceux qui se sont sagement limités à ce qui leur paraissait le possible n'ont jamais avancé d'un seul pas.

Henri Cartier-Bresson
merci à Claire de me l'avoir fait découvrir...
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1 septembre 2007 6 01 /09 /septembre /2007 19:42
#009 Claire Ogie
herbe, maigreur, critique, baptiser, limace, seuil, instruire, chauffage, morne, service.

L'ensemble des listes reçues dans le cadre du projet "logorallyes", et ce que j'en ai fait jusqu'ici, est consultable ici.

ATTENTION : Il est indispensable pour la compréhension de ce texte d'avoir lu au préalable "Le Passeur" et "L'Acclimatation"



Quand il arriva dans notre service, l'homme était dans un état critique. Nous avions tous une grande expérience de la maladie et de ses ravages, mais une maigreur telle que la sienne était au delà de tout ce que nous avions pu voir auparavant. Il n'avait plus que la peau sur les os, très fine, et les os eux même semblant tout proche de disparaître, comme dévoré par le mal qui le rongeait, mais qui n'était pas encore parvenu jusqu'à son regard, d'une intensité insupportable. Il savait cela, et évitait tant que possible de nous regarder, pour ne pas nous gêner. Il ne parlait que peu, sa voix était comme un frémissement de l'air, pourtant étonnamment claire, si claire qu'on l'entendait du couloir, au travers de la porte, telle un murmure mais que rien n'aurait pu arrêter.

Tout dans son état était du à l'Herbe. Elle semblait avec le temps de plus en plus nocive, une seule prise pouvant suffire à plonger en deux jours n'importe qui dans cet enfer, dont j'observais les manifestations discrètement au travers de la vitre.

Par bien des aspects, l'Herbe était une drogue, la plus dure de toutes : déchéance physique, dépendance, troubles du comportement. La différence tenait en ces visions "sous influence" d'un au-delà étrange, radicalement différent de notre monde si morne, et qui bien que difficiles à croire étaient intégralement réelles.

Pour ceux qui survivaient assez longtemps à la substance, et avaient encore la force de passer Le Seuil, c'était l'accès instantané à l'Autre Monde. Pour les autres... paix à leur âme...


Je ne pouvais détacher mon regard de l'homme, pensant au prix qu'il payait pour avoir accepté de Servir. Il fallait des gens comme lui, mais le prix n'était-il pas trop élevé par rapport à ce que nous en avions retiré jusqu'ici ?

C'était ainsi pour tout ceux qui côtoyaient un malade de l'Herbe, cette fascination, ces interrogations en boucle. C'est la raison pour laquelle on m'avait déchargé de tout mon travail, hormis pour ce patient, que je pourrais suivre  jusqu'au Seuil.

Ce ne serait sûrement pas long.


L'homme grelottait, maintenant. Perdue dans mes pensées, j'étais entrée dans la chambre, et je réglai le chauffage. Il ne mit pas longtemps à s'apaiser.

Puis, il réclama un prêtre. La fin approchait, donc.

L'homme d'église le baptisa pour le salut de son âme, et recueillit son ultime confession. C'était ainsi que les choses se passaient, chaque fois, le début d'un rituel bien huilé entre deux hommes de Foi, bien que celle-ci ne fut pas la même pour chacun d'eux. Le prêtre seul pourrait comprendre ce dont l'homme de science aurait à l'instruire, ces visions d'au delà, ce qu'elles signifiaient pour nous tous d'espoir ou d'attente déçue encore, car lui seul serait capable d'entendre en ses ultimes instants terrestres la voix si particulière de l'être alité dans cette chambre d'hôpital. C'est un mystère que les précédents "voyageurs" n'avaient pas encore levé. Pas plus que la raison pour laquelle il valait mieux que le voyageur fut un scientifique. C'était ainsi, simplement.

Il ne restait plus qu'à attendre, et c'est ce que nous fîmes tous les trois, dans cette chambre, pareillement immobiles. Jusqu'à ce que la lumière vint, irradiant du corps mourant, se substituant peu à peu à chacune de ses cellules survivantes. Le Seuil était là.

Le prêtre poursuivit alors le rituel, en posant une limace sur le front de l'homme. Celle-ci ne tarda pas à se muer en un papillon, qui s'envola, puis retomba en une poussière lumineuse qui dessina un court instant un ovale parfait, touchant le sol.
Vers lequel toute la lumière sembla se ruer, aspirée, nous plongeant dans une obscurité complète. Puis, l'éclairage de la pièce revint.

Le lit était vide.


Pendant le cours instant avant l'aspiration, l'homme avait parlé, très vite. Je n'avais rien entendu. Le prêtre, si. Il en semblait tout retourné.

Le message délivré nous concernait tous, nous, médecins. Nous devrions être les pionniers d'une nouvelle science, le sort de notre monde en dépendait.
Nous devions immédiatement commencer à former certains humains à se battre contre les forces qui peu à peu nous guidaient vers les ténèbres. Pour cela, il faudrait mettre en place l'Initiation dont le Voyageur venait de lui parler.


Nous ne comprimes pas tout ce qui nous fut expliqué ce jour-là. Et aujourd'hui encore, je ne suis pas sûre de cerner complètement les enjeux de ce que le prêtre exigea de nous.

Mais l'Initiation se poursuit, et Jembar, maître instructeur et premier Initié, vient de nous annoncer qu'ils étaient cent désormais à avoir réussi l'Acclimatation, et que bientôt, le dernier Initié serait leur chef à tous.
Ainsi que notre Sauveur, d'après les dernières paroles d'autres Voyageurs.


Je continue à penser que le prix que nous payons est trop élevé, de plus en plus. Mais les Ombres ont commencé à reculer partout où les Initiés ont pris place.  Bientôt, il paraît que nous pourrons même reprendre les territoires où règnent les Passeurs, ces Initiés déviants de la première "promotion", ceux à cause desquels on avait ajouté  l'Acclimatation au cycle de "formation".

Je prie pour que tout cela soit vrai, et qu'une fois notre monde réunifié, on ne découvre pas que nous avons tous perdu notre humanité et plus encore en ce combat, devenant finalement pire que les Ombres...
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1 septembre 2007 6 01 /09 /septembre /2007 09:42
Il nous faut peu de mots pour exprimer l'essentiel;
il nous faut tous les mots pour le rendre réel.

Paul Eluard - Avenir de la poésie
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