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Ce blog et les écrits qu'il contient sont mis à disposition par Michel Bosseaux (l'auteur) selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
 
 

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1 janvier 2007 1 01 /01 /janvier /2007 09:36
anticonstitutionnellement, vergers, casemate, glorification
natte, pantomime, bonze, bronze,
architecture, arctique, filature, intoxiqué



Ils avaient construit les casemates au milieu des vergers. C'était un bon endroit en fait, la hauteur et la densité des arbres fruitiers les rendaient quasiment indécelables. Mais quelques trouées intelligemment pratiquées dans cette forêt de fruits offraient des angles de tirs vraiment exceptionnels.
Dans leur esprit, rien ni personne ne pourrait accéder à La Ville, placée non loin du bord d'une falaise infranchissable, et dont les casemates, merveilles d'architecture militaire, défendaient le seul accès.

Mais tout à la glorification de leur génie, ils n'avaient pas voulu croire qu'un jour, cette région serait soumise à un climat arctique, et qu'une autre guerre alors, leur ligne de défense désormais dévoilée par l'absence d'arbres, la trouverait bien peu efficace. D'autant plus que, quelle que soit la portée de tir des canons fixes, l'aviation moderne (qu'ils n'avaient pas prévue non plus)  en viendrait à bout avec facilité.

On avait beaucoup investi dans les filatures de La Ville, qui faisaient sa renommée. Tout le budget était consacré à cette industrie florissante (ainsi qu'à la rénovation de la superbe église byzantine, dont les nattes (*) étaient célèbres dans le monde entier) au détriment de nouveaux moyens de protection. Et quel besoin y avait-il d'y penser, après tout ? Il n'y aurait plus jamais de guerre par ici, pas vrai ?

Mais c'est le propre des conflits de se développer anarchiquement, en prenant tout le monde par surprise.

Quand l'ordre de mobilisation tomba, il était trop tard déjà. Les premiers avions survolaient La Ville, dont les responsables, intoxiqués par leurs certitudes, avaient scellé le destin.

L'attaque fut brève, sanglante, destructrice. C'est dans un champ de ruine peuplé de cadavres déchiquetés que défilèrent les chars ennemis, avant de se retirer.

Qu'ils aient finalement été vaincus dans d'autres batailles, avant le retour à une paix indifférente au vu de l'uniforme désolation régnant sur la nation, ne change rien à l'histoire. Elle permet juste aux "vainqueurs" de se glorifier, encore...

*****

Aujourd'hui, La Ville (et cet épisode sanglant) survivent dans les mémoires grâce à un monument en bronze, en l'honneur des victimes, mais surtout au travers d'une pantomime célèbre, spectacle macabre mais à la grandeur inégalée, joué dans tous les pays du monde. Une pantomime pour adultes, que certains bonzes du nouveau régime persistent à interdire, anticonstitutionnellement, dans le pays même où eut lieu le massacre. "Par respect pour les morts, pour qu'ils reposent en paix", disent-ils...

Mais malheur à qui ne veut pas retenir les leçons du passé...


(*) Natte : Ornement architectural de certaines églises romano-byzantines`` (BACH.-DEZ. 1882). Natte est encore un terme d'architecture. On donne ce nom à des entrelacs peints ou sculptés, qui rappellent plus ou moins exactement des nattes tressées (HAVARD 1889, p.958).
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31 décembre 2006 7 31 /12 /décembre /2006 13:53
bouteille, ambre, araignée, collier, suspense, rideau, chocolat,
chemise de nuit rouge, téléphone, placard, cadavre, viscéralement



Dans la bouteille, un liquide ambre, que nous n'avons pas bu, pas ce soir
sur la table, ton collier, posé délicatement
les rideaux mal fermés, des traces de chocolat sur le canapé
un bon film à suspense loué, qui tourne toujours, pas pris le temps de l'arrêter
ta chemise de nuit rouge à terre,
le téléphone à coté, tombé, décroché
toutes nos araignées bien au plafond, et les cadavres dans leur placards fermés à double tour

notre désir viscéralement indifférent à tout ce qui nous entoure
là, dans la chambre, emmêlés dans les draps

notre désir qui ne se décrit pas

Il est.

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19 novembre 2006 7 19 /11 /novembre /2006 10:02
Ce texte a été écrit autour de la proposition 5 de l'atelier d'écriture créative, constituée d'une liste de 20 mots, avec obligation d'en utiliser au moins 14. J'ai tenté de placer les 20, avec quelques contournements mais cela fait aussi partie de ce genre d'exercices...

Les mots imposés sont : anathème, bleu, charade, chatouilles, disque, doser, doucereux, encre, gribouiller, improbable, inavoué, miséricordieux, noeud, planète, pomiculteur, reconversion, tourniquet, tubulure, vinaigre, zéphyr.



C'est la nuit de l'Anathème. La rumeur courait depuis des heures, déjà. Les Compagnons, au sein des cercles de quartiers, avaient invité tous les habitants à se rassembler.
De chez moi, j'entendais maintenant monter les premières clameurs, en provenance de la grand-place. Et moi, je n'y étais pas.
C'était pourtant obligatoire, sous peine d'être arrêté par les Gardiens de la foi, conduit sur la grand-place, et présenté à la foule pour que l'anathème soit jeté sur moi, ainsi que sur tout ceux qui s'écartent de La Vraie Foi.

Amen !

J'ai toujours cru en un Dieu miséricordieux, en une vie meilleure sur cette planète si chacun acceptait Son Amour au fond de soi. J'ai noirci beaucoup de pages, d'une encre bleu profond, pour exprimer mes croyances et les faire partager. Ma femme disait toujours "arrête donc de gribouiller, tu vois bien qu'ils ne veulent pas de ce message". Et elle avait raison, mais je n'ai jamais renoncé à croire à cette improbable reconversion de l'humanité.

Aujourd'hui encore, je crois que ça serait possible. Mais pas comme ils ont voulu le faire, non. Ils se trompent. Ils ont trompé tout le monde.

Le jour où la bourse s'effondra, où chaque homme vivant sur cette planète perdit travail, logement, où la misère se répandit comme une trainée de poudre, soudain une main se tendit pour donner du pain, puis un but nouveau, aux hommes écrasés. L'Eglise de La Vraie Foi tendit une main compatissante vers chaque homme et chaque femme, pour les remettre debout, leur rendre leur dignité perdue. Ils ne demandèrent en échange que d'accepter Dieu en leur coeur... et je fus conquis.
Ils connaissaient mes écrits, et bien vite je fus approché pour devenir un Compagnon, un de ceux qui devraient "guider le troupeau des âmes perdues" vers La Lumière. Je crus qu'il était enfin possible d'oeuvrer dans le bon sens, et j'acceptai.

Il ne me fallut pas longtemps pourtant pour comprendre que derrière les paroles doucereuses , savamment dosées, se cachait une ombre inavouée, et que tous nous avions bu le vinaigre croyant que c'était du vin. Que dire en effet du "livre des charades", ce livre de prières "new age" qui bien vite remplaça la bible ? D'ici, en cet instant, j'entend la foule scander en coeur des mots en réponse aux charades énoncées par les Compagnons.

Et malheur à ceux qui ne savent pas répondre, que l'anathème soit sûr eux !

Le noeud au creu du ventre, qui ne me quitte plus depuis des semaines, vient d'exploser en une nouvelle bouffée cynique, qui me chatouille l'esprit, et je ne résiste pas à l'éclat de rire qui vient.

J'en ai assez de devoir doser mes émotions. Ce soir, c'est porte ouverte !

Malgré ce "livre" absurde, malgré les rafles, malgré l'interdiction des films, livres, disques autres que ceux "approuvés"... malgré ce qui avait l'apparence d'une vague d'obscurantisme religieux, faisant fermer les universités, proscrire la philosophie, les sciences... malgré tout je voulus croire encore, et je continuai à exprimer cette croyance devant des foules désormais dociles, buvant mes paroles comme si c'était une question de vie ou de mort.
Et bien sûr c'était le cas. J'ai vu ce qu'il advenait des rares qui continuaient à refuser mes paroles. J'ai vu les foules condamner, puis détourner les yeux à la dernière seconde, pour pouvoir nier encore la réalité. J'ai vu l'horreur dans toute sa plénitude : nous étions tous devenus, chacun de nous, les tubulures soigneusement raccordées d'une parfaite machine d'asservissement de l'âme. Et si un des tubes venait à se boucher, si le message ne passait plus... alors il fallait refaire les branchements autrement, purger le système.
Nous avions tous passé le tourniquet entre l'ancien monde et celui-ci, sans nous douter une seule seconde que ça serait pire de l'autre côté.

Ce qui m'a réveillé finalement... je ne sais. Peut-être le doux zéphyr ce matin, le grand soleil, la rêverie qui m'a pris pendant ma promenade matinale. Peut-être le regard affolé des gens qui me croisaient et bien vite récitait La Prière Essentielle. Peut-être rien de tout ça. Qu'importe finalement, l'essentiel est que là, ce soir, allongé auprès de ma femme, je ne cautionne plus les manipulations du nouveau pouvoir en place, je ne serai plus l'instrument de la dictature.

Quand ils viendront nous chercher, ils ne trouveront que deux époux endormis ensemble pour l'éternité. Deux âmes libres.
Et ce soir, à la fin des Anathèmes, ma dernière Prière enregistrée en libèrera d'autres j'espère. C'est tout ce que je pouvais faire.

J'offre à ma femme un verre de cet excellent jus de pomme, dont elle est si friande. Son père était pomiculteur, ce jus lui ramène son enfance toute entière.
Pas de meilleure façon de conclure.
Son regard me sourit, malgré le voile de larmes.
Je bois avec elle.

Puisse Dieu être vraiment aussi miséricordieux que je l'ai toujours cru...
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29 août 2006 2 29 /08 /août /2006 11:40
Texte basé sur une liste de mots proposée par Viviane / Russalka dans le cadre d'un atelier d'écriture par internet.

Nuit, oreille, murmure, aube, géante, courir, horloge, araignée, mort, mirage, incendie, lune, escalier sans marches



C'était une nuit sans lune, peuplée seulement des murmures de la rivière, et d'araignées courant en tout sens, comme affolées par quelque chose d'indéfinissable, quelque chose d'énorme, comme un sentiment de catastrophe imminente, comme une vibration au fond des oreilles, un tremblement de tout le corps. L'aube approchait, et nous espérions tous que ce mirage d'angoisse se dissipe au soleil... mais l'horloge géante de l'église ne tourna pas assez vite, et le cauchemar s'amplifia. Bientôt, la rumeur fut là, gonflant peu à peu jusqu'à tout déborder, et puis les premières lueurs confirmèrent le pire : l'incendie était là, et allait tout dévorer sur son passage...

Et c'était comme vouloir gravir un escalier sans marches, comme une longue chute immobile au fond des pires horreurs. Nulle part où aller assez vite pour changer une virgule à un destin auquel ne manquait plus que le point final. Il ne resta rien de notre village. Rien non plus des autres habitants. Certains pensaient, en sautant dans la rivière, échapper aux flammes. Ignorant qu'elle en était l'origine.

Quelques kilomètres plus loin, un camion de produits chimiques hautement inflammables était tombé dans la rivière, et l'explosion avait mis le feu à la forêt... mais aussi à la nappe qui s'étendit bien vite, apportant, au fil de l'eau, la mort comme seul message aux vastes étendues qu'elle traversait...


Et moi, si je suis encore là pour en parler, c'est par pur hasard. Il y avait un vieux puits, près de ma maison, datant d'une époque où la rivière était asséchée... je me jetai au fond sans réfléchir, les pompiers me retrouvèrent là... Vivant, et me demandant bien pourquoi j'avais tout fait pour l'être.

Je me pose toujours la question. A quoi bon ? Ma vie a brûlé entièrement ce jour-là...
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6 juin 2006 2 06 /06 /juin /2006 00:00
mercantile / voyou / dinde / paroxysme / dégringoler /cascade / asphyxie / paratonnerre / salopette / guindé



Dès le départ, cette soirée avait été maudite.
Lui, Paul, tout ce qu'il voulait, c'était manger un morceau sans chichis devant le match. Mais c'est justement aujourd'hui qu'elle choisit pour lui faire le coup du diner romantique !

Bon, il faut bien reconnaître que le steak est sacrément bon. Mais de quelle viande s'agit-il chérie ? de ? dinde ? et la grippe aviaire alors ???!!!

Survivant tant bien que mal à l'asphyxie causée par le choc - mais sans éviter la scène de ménage - et un plateau télé plus loin, il était enfin devant l'écran et ses (innombrables) pubs d'avant match. A croire que le sport aujourd'hui est au service exclusif d'intérêts bassement mercantiles... Enfin, c'est toujours mieux que le présentateur de la météo, ce con guindé ...

Heureusement, bientôt le match commença. Et comme d'habitude, il se passionna, jura, tempêta, explosa de joie...
Mais au paroxysme du match, soudain, écran brouillé

Voyou de chat qui aura encore renversé l'antenne ! hé merde !

Et c'est ainsi que Paul se retrouva, à 10h du soir, sur le toit de son pavillon, en salopette (sa tenue préférée pour être à l'aise), pour résoudre le problème d'antenne.
Mais il avait l'habitude et ne traîna pas.

Son travail fini, Paul se retourna, accrocha le paratonnerre, perdit une bretelle, et la salopette cascada sur ses genoux.
Un pas en avant à ce moment précis...

Il dégringola du toit.


A l'hopital à son réveil, il apprit que le PSG avait perdu.

Putain de soirée...
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