11 août 2007
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Il faut que je lui écrive aujourd'hui. Cela fait déjà trop longtemps que je tergiverse, à jouer sur le manque de mots, la faiblesse du style, ma propre insuffisance... J'avoue : j'ai peur. Alors je m'accroche à tous les prétextes qui passent... fatigué, pas le temps, pas une minute de calme pour penser... "et puis l'inspiration, ça ne se commande pas !".
Comme s'il s'agissait de cela...
Mes amis ne disent rien, mais je vois bien le demi-sourire des uns, les regards de connivence des autres. Ils se moquent, et sans doute à leur place, moi aussi.
Il faut que je lui écrive. Et je n'ai toujours aucune idée de quoi... et j'ai peur. Pas de sa réaction, bien sûr, nous n'en sommes plus là, mais plutôt de la mienne face au caractère définitif des mots.
Mais au fond je ne suis pas dupe, je me mens c'est évident : je sais exactement quoi écrire, et je sais le pourquoi à la perfection.
Alors puisque ma décision est prise, pourquoi reculer encore ?
Je maudis ma timidité, je prends ma plus belle plume, et cette fois j'écris.
Quand elle est partie, elle m'a expliqué que ce n'était pas tant pour me quitter, mais pour que je renoue avec moi. A ses yeux, il paraît que je m'étais perdu, et comme elle ne voulait pas ainsi me voler à moi-même, mais plutôt "ajouter ses notes à la partition en toute harmonie", elle me chanta cet "au revoir" mélomane, et me laissa à mon vide.
Bien sûr, elle avait raison. En dehors d'elle, j'ignorais tout de moi. L'ayant trouvée avant de m'apprendre, de fuites en détours, de mirages en mensonges, je n'étais même pas moi.
Appelez-moi "personne" !
Quand elle est partie, elle m'a laissé le miroir de ces mots. Et son adresse, si un jour je trouvais le courage de regarder dans le miroir "la réponse qui sans doute te crève les yeux, déjà".
Elle avait raison. Peut-être tort, aussi, mais je n'en jurerais pas.
En tout cas, dans les 6 mois de son absence, je me suis beaucoup fréquenté, j'ai découvert quelqu'un de finalement 'habitable", sans aucun besoin de la béquille des autres pour avancer. Ces autres que je n'avais pas voulu réduire à ce rôle, justement, raison pour laquelle j'étais si souvent seul avant, sans amis, reclu dans mon 30m², déjà mort.
M'étant trouvé, j'ai pu trouver le chemin vers les autres.
Aujourd'hui, je ne suis plus jamais seul. Il arrive d'ailleurs que cela me manque, mais pas trop, comme cette nostalgie un peu malsaine, décalée, que l'on a parfois pour d'anciennes habitudes, même douloureuses. Comme une tendresse, à travers elle, pour un passé qui manquera toujours, de n'avoir pas pu être quelqu'un d'autre. Une voix dans la tête qui dit "dommage", puis passe à autre chose.
Non, aujourd'hui, je ne suis plus seul. Et je pense à elle, au cadeau qu'elle m'a fait malgré moi, à ces mots qu'elle attend pour que je le lui partage, pour que ce soit également le sien.
Je pense à cette lettre.
Finalement écrite.
Je pense que je serais mieux inspiré de ne plus trop penser, à présent. Dans une heure, Paul passe me prendre pour notre soirée théatre. Il est temps que je me prépare
Quelques jours plus tard, dans une petite chambre d'hôtel à l'autre bout du monde.
Une femme, assise sur un lit, hésite, une lettre à la main.
Elle a peur, infiniment. Mais après tout, c'est bien elle qui a voulu que les choses soient ainsi. Alors même si, désormais, elle ne sais plus trop si c'était mal ou bien, elle doit assumer ce pari tenté il y a déjà 6 mois de cela.
Elle a peur de mots qui ne seraient que des mots, une passion mal éteinte et une solitude trop grande accrochées au papier. Elle a peur d'elle-même aussi, qui veut y croire encore, malgré tout.
Elle prend sa respiration. "Au diable les doutes !".
Il lui a trop manqué.
La feuille à la main, elle reste une minute interdite. Comme morte.
Puis elle éclate en sanglots.
Ce même hôtel, une heure plus tard, même chambre.
Une femme de ménage redonne au lieu l'apparence ordinaire d'une chambre dans cet hôtel. Bien rangée, propre, même trop sans doute. "Chiante", pense-t-elle pour la 1000ème fois au moins.
Soudain son regard accroche, sur la table de nuit, une feuille manuscrite visiblement oubliée par la jeune cliente, lors de son départ si précipité.
Elle n'hésite pas longtemps, s'assied, et prend la feuille. C'est une lettre.
L'homme que tu as connu n'existe plus, désormais. Il n'était pas vraiment fait pour cela.
Avant de me confier la suite de ses jours, il m'a beaucoup parlé de toi.
A travers lui d'abord, pour moi seul aujourd'hui, je dois te l'avouer : je t'ai aimée. Je t'aime encore.
Ceci est le chant d'un inconnu qui te connait par coeur, déjà, mais rêve d'une première rencontre. S'il te plaisait de faire, à toi aussi, sa connaissance, pour continuer la partition...
Comme s'il s'agissait de cela...
Mes amis ne disent rien, mais je vois bien le demi-sourire des uns, les regards de connivence des autres. Ils se moquent, et sans doute à leur place, moi aussi.
Il faut que je lui écrive. Et je n'ai toujours aucune idée de quoi... et j'ai peur. Pas de sa réaction, bien sûr, nous n'en sommes plus là, mais plutôt de la mienne face au caractère définitif des mots.
Mais au fond je ne suis pas dupe, je me mens c'est évident : je sais exactement quoi écrire, et je sais le pourquoi à la perfection.
Alors puisque ma décision est prise, pourquoi reculer encore ?
Je maudis ma timidité, je prends ma plus belle plume, et cette fois j'écris.
Quand elle est partie, elle m'a expliqué que ce n'était pas tant pour me quitter, mais pour que je renoue avec moi. A ses yeux, il paraît que je m'étais perdu, et comme elle ne voulait pas ainsi me voler à moi-même, mais plutôt "ajouter ses notes à la partition en toute harmonie", elle me chanta cet "au revoir" mélomane, et me laissa à mon vide.
Bien sûr, elle avait raison. En dehors d'elle, j'ignorais tout de moi. L'ayant trouvée avant de m'apprendre, de fuites en détours, de mirages en mensonges, je n'étais même pas moi.
Appelez-moi "personne" !
Quand elle est partie, elle m'a laissé le miroir de ces mots. Et son adresse, si un jour je trouvais le courage de regarder dans le miroir "la réponse qui sans doute te crève les yeux, déjà".
Elle avait raison. Peut-être tort, aussi, mais je n'en jurerais pas.
En tout cas, dans les 6 mois de son absence, je me suis beaucoup fréquenté, j'ai découvert quelqu'un de finalement 'habitable", sans aucun besoin de la béquille des autres pour avancer. Ces autres que je n'avais pas voulu réduire à ce rôle, justement, raison pour laquelle j'étais si souvent seul avant, sans amis, reclu dans mon 30m², déjà mort.
M'étant trouvé, j'ai pu trouver le chemin vers les autres.
Aujourd'hui, je ne suis plus jamais seul. Il arrive d'ailleurs que cela me manque, mais pas trop, comme cette nostalgie un peu malsaine, décalée, que l'on a parfois pour d'anciennes habitudes, même douloureuses. Comme une tendresse, à travers elle, pour un passé qui manquera toujours, de n'avoir pas pu être quelqu'un d'autre. Une voix dans la tête qui dit "dommage", puis passe à autre chose.
Non, aujourd'hui, je ne suis plus seul. Et je pense à elle, au cadeau qu'elle m'a fait malgré moi, à ces mots qu'elle attend pour que je le lui partage, pour que ce soit également le sien.
Je pense à cette lettre.
Finalement écrite.
Je pense que je serais mieux inspiré de ne plus trop penser, à présent. Dans une heure, Paul passe me prendre pour notre soirée théatre. Il est temps que je me prépare
Quelques jours plus tard, dans une petite chambre d'hôtel à l'autre bout du monde.
Une femme, assise sur un lit, hésite, une lettre à la main.
Elle a peur, infiniment. Mais après tout, c'est bien elle qui a voulu que les choses soient ainsi. Alors même si, désormais, elle ne sais plus trop si c'était mal ou bien, elle doit assumer ce pari tenté il y a déjà 6 mois de cela.
Elle a peur de mots qui ne seraient que des mots, une passion mal éteinte et une solitude trop grande accrochées au papier. Elle a peur d'elle-même aussi, qui veut y croire encore, malgré tout.
Elle prend sa respiration. "Au diable les doutes !".
Il lui a trop manqué.
La feuille à la main, elle reste une minute interdite. Comme morte.
Puis elle éclate en sanglots.
Ce même hôtel, une heure plus tard, même chambre.
Une femme de ménage redonne au lieu l'apparence ordinaire d'une chambre dans cet hôtel. Bien rangée, propre, même trop sans doute. "Chiante", pense-t-elle pour la 1000ème fois au moins.
Soudain son regard accroche, sur la table de nuit, une feuille manuscrite visiblement oubliée par la jeune cliente, lors de son départ si précipité.
Elle n'hésite pas longtemps, s'assied, et prend la feuille. C'est une lettre.
Paris, 23 mars 2005
Sandra chérie,
L'homme que tu as connu n'existe plus, désormais. Il n'était pas vraiment fait pour cela.
Avant de me confier la suite de ses jours, il m'a beaucoup parlé de toi.
A travers lui d'abord, pour moi seul aujourd'hui, je dois te l'avouer : je t'ai aimée. Je t'aime encore.
Ceci est le chant d'un inconnu qui te connait par coeur, déjà, mais rêve d'une première rencontre. S'il te plaisait de faire, à toi aussi, sa connaissance, pour continuer la partition...
Déjà nôtre
Vincent
Vincent