Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.
Ce n’était pas la première fois que Myriam passait sous ce genre de portiques de contrôle. Très détendue, elle avança d’un pas parfaitement régulier en offrant son plus beau sourire aux gardes positionnés de chaque côté du passage. Au bout des quelques habituelles secondes d’attente, avec uniquement le bourdonnement du scanner, la lumière s’alluma : jaune.
Ce n’était bien sûr pas le résultat parfait. Mais il valait mieux ne pas trop attirer l’attention quand on transportait des nanobots de brouillage. La lumière blanche, 10% seulement de la population selon le dernier décompte, provoquait toujours un deuxième contrôle, sous la forme d’une prise de sang. En théorie, on devait aussi procéder à des contrôles aléatoires parmi les autres … mais les contrôleurs étaient déjà assez débordés ainsi, et les locaux un peu trop exigus pour étendre à l’infini la file d’attente.
On lui remit donc un papier d’analyse détaillée de sa composition cellulaire, à remettre à un médecin lors de son prochain bilan de santé, dans un délai maximum de deux semaines. Pour s’assurer qu’elle n’avait pas un problème de santé évolutif qui risquait d’allumer la lumière rouge une prochaine fois – et là, c’était trop tard pour faire quoi que ce soit, la personne était condamnée - ou une mutation en cours qui, à terme, la placerait parmi les « bleus » et lui vaudrait l’internement forcé. A moins qu’on n’y remédie avant : il existait un vaccin.
Qui dans son cas évidemment, ne servirait plus à rien.
Elle continua sa route vers les ascenseurs sans éveiller les soupçons. Les bureaux de la présidence étaient au dernier étage de l’immeuble. Bien sûr, les élus avaient leur propre accès, avec contrôles biométriques directement depuis un parking sécurisé. Mais pour les employés, il fallait prendre son mal en patience durant la montée des 52 étages.
Du coin de l’œil, elle vérifia si les autres avaient pu passer. Tout semblait se dérouler parfaitement, ils étaient tous là. Elle monta dans son ascenseur pendant qu’il faisait pareil, chacun séparément pour ne pas attirer l’attention.
Ils étaient tout proches de réussir maintenant.
Arrivée au dernier étage, Myriam sortit de l’ascenseur sous l’œil inquisiteur d’autres contrôleurs, qui semblèrent la reconnaître. Son mimétiseur lui donnait l’apparence d’une des conseillères du président. Les autres semblaient être pour l’un le secrétaire du chef de cabinet, pour l’autre le responsable des relations avec le parlement… chacun avait la possibilité d’infecter sans en avoir l’air plusieurs hauts responsables – une simple poignée de main pouvait suffire, mais pour elle ce serait son parfum qui ferait le travail -, et une fois qu’ils seraient devenus bleus (ce qui serait quasi instantané), la présidence tomberait sous le coup de ses propres lois… Les entrainant elles aussi dans la tombe, espérait Myriam. C’était tout le but de cette opération très risquée.
Elle entra dans les toilettes, et se passa un peu d’eau sur le visage, dans le cou et sur les poignets. La substance parfumée jusque là indécelable sur sa peau s’activa. Désormais, toute personne qu’elle croisait serait infectée.
"Dommage qu’il n’ait pas été possible de le faire plus tôt", pensa-t-elle. Mais ce genre de parfum mutagène était aussi détecté par les scanners quand il était actif. Ainsi que par les capteurs présents dans tous les murs de ce bâtiment, il ne fallait donc pas qu’elle tarde.
D’un pas décidé, Myriam entra dans la salle du conseil, pendant que les autres commençaient leur travail dans les bureaux.
Elle afficha son plus beau sourire, salua les personnes déjà présentes, et pris place à la gauche du président.
Il ne fallut pas une minute pour que alarmes retentissent, et que les gardes n’entrent, armes levées.
Myriam n’avait rien contre une mission suicide, mais elle préférait l’éviter si possible. D’une simple pensée, elle projeta les gardes à travers les vitres pourtant blindées. 52 étages de chute libre.
Dans le chaos qui s’en suivit, personne ne comprenant ce qui se passait et pendant qu’ils regardaient tous par les fenêtres, elle repartit comme elle était venue vers la porte de la pièce, et s’esquiva.
La sortie allait être délicate, mais un informateur avait identifié une pièce inutilisée à l’étage en dessous. Elle entra donc dans le bureau juste au-dessus, heureusement vide, se concentra sur le sol devant elle, qui sembla perdre peu à peu sa cohérence. Alors, elle sauta … et sembla léviter jusqu’au sol de l’étage inférieur.
Là, elle régla son mimétiseur et changea d’apparence.
Elle sortit de la pièce et rejoignit rapidement les autres employés en direction des ascenseurs de secours.
En infectant tout le monde sur son chemin.