Ce texte est écrit dans le cadre du projet "Retour de flammes" (écriture autour de mots imposés)
#2 Aga
existence, complications, torrents, orage, accomplir,
clown, psychiatre, camisole, diable, spectacle,
flamboyant, insignifiant, explosif, incisif, définitif
De l'existence, il n'a jamais pu voir que les complications potentielles, comme les torrents qui débordent après un orage particulièrement violent, le spectacle de clowns qui fait peur au point de finir avec une camisole, et le psychiatre qui écrit, écrit, sans jamais rien dire. Le Diable aussi, qui se cacherait dans les détails, du plus insignifiant au plus explosif. Le Diable patient, au rire silencieux.
C'est ainsi qu'il décrivait sa maladie, dans de rares moments de lucidité au milieu de longues logorrhées verbales, dont le sens finissait par se perdre. Mais pour lui, c'était limpide ! Nous faisions juste exprès de ne pas comprendre, nous faisions partie du complot.
Il a laissé la paranoïa dicter le moindre moment de sa vie, lui imposer chaque pas, chaque geste, sans voir ce qu'il pourrait accomplir si un instant il décidait de se battre, d'être l'auteur du spectacle, pas le spectateur, la victime. Sans voir que rien n'est jamais aussi définitif qu'il le prétendait : tant que la roue n'a pas fini de tourner, tout reste possible, il reste de la place pour le rêve, même le plus flamboyant.
Sans voir que ce n'est pas le monde qui cherchait à le blesser, constamment, cruellement, seulement ses mots, trop incisifs, qui retranchaient l'espoir à chaque fois. La peur qui naissait derrière chaque mouvement, chaque idée, la moindre infime variation réelle ou supposée de la réalité, et à laquelle il succombait invariablement.
Il ne pouvait pas voir tout cela, bien sûr ... et nous ne le comprenions pas.
Mais si seulement il nous avait laissé l'aider. Si seulement il ne s'était pas retranché derrière ces murs qu'il aurait du rejeter de toutes ses forces.
Ceux que la maladie avait construit en lui, peu à peu, et qu'il a fini par affirmer être son œuvre, pour le protéger de nous, "les méchants".
Un jour il a disparu.
Cela faisait si longtemps que nous n'avions pas eu des ses nouvelles.
Il est en paix maintenant, délivré de ce cauchemar, c'est ce que je veux croire.
Il a choisi de le fuir.
Je me demanderai toujours ce que nous aurions pu faire de plus ...