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4 août 2023 5 04 /08 /août /2023 20:00

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


Le vieil homme habillé de guenilles déchirées et maculé de crasse des pieds à la tête était accroupi au centre de la pièce, éclairé par la seule lumière de la bougie posée à coté de lui. Il était tellement concentré par ce qu’il faisait (quoi que cela puisse être, c’était difficile de bien voir) qu’il sembla ne pas remarquer l’arrivée de l’homme habillé de noir, en cape et atours princiers, bien qu’il ne le soit pas.

L’arrivant, incrédule, espérant que ce ne soit pas là l’homme pour qui il était venu, franchi le seuil de la pièce et s’approcha un peu. Ses pas sur le sol marbré, aujourd’hui recouvert d’une sorte de poussière sablonneuse qui dissimulait presque totalement les magnifiques fresques dont il était revêtu, résonnèrent comme il le faisait avant, il y a longtemps, quand il venait ici comme un simple élève ignorant tout, attendant de son maître qu’il l’éclaire.

Les temps avaient bien changé.

Le vieil homme ne réagissait toujours par à sa présence, et l’arrivant perdait peu à peu patience. De plus près, il pouvait voir des tracés ineptes, réalisés à la craie, à même le sol, ainsi que – devinait-il dans la semi-obscurité – sur tous les murs de la pièce jusqu’au plafond ! Il entendait également les marmonnements incessants, comme une récitation effrénée, sauf qu’il n’y avait là aucuns sons identifiables.

Ce n’était que les gribouillis et les borborygmes d’un vieil homme devenu fou, conclut-il.

- Alors c’est pour vous retrouver ainsi que je me suis donné tant de mal, Nicolaï ?

Les marmonnements marquèrent une pause fugace, puis reprirent de plus belle.

- Croyez-vous vraiment me privez ainsi de ma victoire ? Je vous ai trouvé, j’ai gagné. Vous n’êtes pas de taille contre moi, vous n’avez fait que fuir depuis un an que je vous traque. Et vos simagrées ne vous sauverons pas cette fois, vieux fou ! Votre heure est venue !

- Je sais, Christian, murmura l’homme assis par terre, avant de se mettre à tousser, peinant à reprendre son souffle.

Il entreprit alors de se relever, péniblement, reprenant pendant quelques secondes ses murmures, avant de replonger dans le silence, les yeux rivés au sol.

- Je vois que vous avez décidé de me gâcher mon plaisir. Peu importe ! Finissons-en !

Il sortit son épée.

Le regard de Nicolaï Ancilitch se tourna alors vers l’homme venu pour le tuer, et c’est comme si la vie était revenue subitement à pleine force dans ses yeux l’instant auparavant totalement vides. Un regard à paralyser n’importe qui de terreur. Et qui fit hésiter son agresseur, l’espace d’un instant.

Il recula d’un pas.

- De quoi as-tu donc peur, mon jeune apprenti ? M’as-tu bien regardé ? murmura Nicolaï, dont à part le regard, on aurait pu croire le reste du corps, peinant à rester debout, déjà mort depuis un moment.

- Je ne suis plus votre apprenti, hurla Christian, projetant son épée par magie et transperçant Nicolaï

Soudain, sur un mur de la pièce, une partie des tracés scintilla. Et Christian ressentit une douleur vive dans le ventre, au même endroit que la blessure qu’il venait d’infliger à son adversaire.

Mais lui semblait aller parfaitement bien, ayant maintenant l’épée en main et aucune trace apparente de blessure.

- Peut-être bien n’es-tu plus mon apprenti … peut-être même ne l’as-tu jamais vraiment été, vu le peu que tu en as retenu, dit-il en souriant.
Tiens, il me semble que tu as perdu ceci, je te la rends !

L’épée sembla voler d’elle-même pour venir se planter à l’emplacement exact de la douleur de Christian, la multipliant. Il vacilla, mais se reprit bien vite.
Et d’une incantation, sortit l’épée et guérit sa plaie.

- Qu’est-ce donc que cela, vieux fou ? Une magie miroir ? Cela ne se peut, tu n’oserais pas ! Tu sais que je peux la retourner contre toi comme je veux.
Il claqua des doigts. Une autre partie des tracés, sur le sol cette fois, se mit à briller, et Christian fut projeté au sol comme s’il avait été percuté par un cheval au galop.

- Je confirme, tu n’as rien appris avec moi ! Pour retourner un sort, comme pour l’annuler, il faut disposer du contresort ou, au minimum, maîtriser la langue dans laquelle il a été écrit. Ce qui n’est pas ton cas !

- Mais cela n’est pas une langue ! Je connais toutes les langues magiques, passées et présentes ! Il ne suffit pas de tracer n’importe quoi sur un mur et de décréter que c’est une langue pour que cela fonctionne !

Nicolaï se remit alors à murmurer des sons incompréhensibles et ce fut la pièce entière qui se mit à briller, alors que la peau de Christian sembla crépiter soudain, comme si elle était sur le point de se mettre à brûler. Les premières flammes ne tardèrent d’ailleurs pas à apparaître. Mais s’arrêtèrent aussitôt, comme soufflées par un courant d’air surnaturel.

- Sur ce point-là tu as raison, cela ne suffit pas … mais ce n’est pas parce que personne ne connaît cette langue qu’elle n’existe pas. Je l’ai créée vois-tu … et tu ne pourras pas contrer indéfiniment tout ce que j’ai l’intention de te faire

Christian sut alors qu’il devait fuir. Cette pièce était un piège mortel dans lequel Nicolaï était tout puissant et invulnérable. Il chercha à se téléporter et, n’y parvenant pas – un autre des pièges du vieux maître – il se propulsa de l’autre coté du seuil.

Sauvé ! eut-il le temps de penser.
Avant de s’effondrer, mort.

L’encadrement de la porte brilla plus fort. Nicolaï avait vraiment tout prévu.
Personne ne pouvait quitter cette pièce vivant, s’il restait au moins une personne vivante à l’intérieur.

Nicolaï s’était précipité hors de la pièce à la suite de son ancien élève, pour ne pas rater le moment exact du trépas. Voilà qui était fait.

Il déchira la chemise de Christian et traça très vite le symbole de transfert.

Soudain, il parût beaucoup plus jeune. Ses vêtements avaient retrouvé tout leur éclat, la crasse s’était envolée comme par miracle. Il avait dû sacrifier bon nombre de choses, son énergie, son apparence, et même la majorité de ses pouvoirs, afin de sceller le pacte d’âme requis pour créer une langue magique. Un an de travail patient, de sacrifices et de renoncements. Mais ce n’était finalement pas cher payé, pour débarrasser le pays du pire sorcier maléfique qui ait jamais existé. D’autant moins cher payé qu’il avait tout prévu dès le départ pour récupérer l’intégralité.  

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