A la grande roue de la vie, les absents ont toujours tort, ceux-là qui préfèrent regarder d'en bas pendant que les autres tournent, pensant qu'ils les reverront forcément une fois le tour achevé — ignorant que l'on peut monter à un endroit pour descendre à un autre, changer de roue en plein tour, voler... ignorant que vivre ne se limite pas à « rester sur place » ou « tourner en rond ».
Ceux qui vont leur propre route, absents du troupeau, eux aussi ont toujours tort.
Parfois, cette route leur donne raison, cependant. Mais le prix est élevé, la solitude uniforme. Et vaut-il mieux ainsi être soi-même sans concessions, jusqu'à l'extrême, ou rentrer dans le rang, même un peu, pour pouvoir parfois tendre la main et que quelqu'un soit là ? Vaut-il mieux être soi-même et juste ça, ou vivant au milieu des autres avec la joie d'un partage, même partiel ?
Quelle force faut-il pour décider de ne plus regarder en arrière, ne rien regretter, avancer jusqu'à se trouver, ne jamais se trahir ?
Mais au bout de ces chemins de traverse, les absents ne sont plus ceux que l'on croit. Qu'ils réussissent ou échouent, ces idéalistes, les absents sont les autres, tous les autres, qui n'ont pas voulu accompagner leurs frères dans ces quêtes. Qu'ils réussissent ou échouent, honte aux absents... On ne peut évoluer que tous ensemble, les exploits individuels ne seront jamais que ça si personne ne veut suivre...
Nous sommes les absents et nous avons tort. Nous pensons toujours que les absents sont les autres, mais nous le sommes aussi, chacun notre tour. Il y a des "absents" physiques plus présents que certains, qui restent à regarder sans bouger, ou détournent les yeux, face à la misère (réelle ou morale), la faim (de nourriture ou des autres)... il y a un monde qui demande à être changé, une main tendue à la fois, mais que faut-il de tam-tam médiatique pour qu'une voix réponde, timide, que « quelque chose sera fait » ?
Nous avons tort, mais ce n'est pas une fatalité. Il suffirait d'un geste, un mot, une attention, pas un jour sans aller vers les autres, vraiment, pas juste un effleurement, mais à plein coeur, il suffirait que tous nous fassions pareil... il suffirait que les êtres humains le soient vraiment, humains...
Il suffirait d'un rien pour créer un monde où plus personne n'aurait tort, jamais.
Prêt ?