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30 novembre 2018 5 30 /11 /novembre /2018 13:03

Texte écrit dans le cadre du recueil "Chemin de rêves"
Première publication le 18/11/2008

04 - 20/09/2007 - Mots imposés (Azalaïs)
nigelle, pont, généalogie, soupière, mare, ossature, combiner, oublier, temporel, fondamental

(nigelle : plante à fleurs bleues de la famille des renonculacées)

 



Elle aurait vraiment tout donné pour pouvoir se concentrer une journée entière sur des pensées plus fondamentales que ses problèmes physiques si triviaux et temporels, oublier son corps complètement et consacrer toute la puissance de son esprit à ce nouveau livre qui la hantait et qui, elle le sentait, serait le point culminant de toute une vie de recherches.

Mais son amour de la philosophie, même combiné avec une détermination sans faille, ne pouvait rien contre son héritage génétique. Où qu'elle regarde dans sa généalogie, certains problèmes étaient récurrents, et cela nourrissait bien sûr son oeuvre entière, recherche permanente des limites entre l'inné et l'acquis, qui l'on est et à quel point on peut devenir ce que l'on désire, et dans quel mesure ces désirs ne sont-ils pas également innés.

Le sujet bien sûr était d'une richesse inouïe, et formait l'ossature solide de ses réflexions pour son futur ouvrage également. Elle pensait bien être très proche de définir cet équilibre d'une manière enfin claire et rationnelle. Elle pourrait même l'expliquer plus simplement, pour ceux-là qui considèrent trop souvent la philosophie comme un art déconnecté des réalités, des suites de mots incompréhensibles pour parler de choses auxquelles personne ne s'intéresse. Elle n'avait pas renoncé à faire passer son message à ce public également, n'ayant jamais cessé de croire profondément que tout homme est capable d'écouter et de comprendre si l'on s'efforce de rendre le message audible et compréhensible. Elle pensait aussi que l'intérêt du public se mérite, il faut faire la démarche d'aller vers lui et non se contenter d'attendre qu'il réalise l'erreur que ce serait de ne pas le faire.

La prétention de ses "collègues" philosophes pouvait il est vrai être sans bornes. C'est en pensant à ça qu'elle se décida à abandonner son ordinateur, et à régler ce problème de démangeaisons qui la torturait

Elle se rendit à la cuisine, et ouvrit la soupière dans laquelle elle conservait l'huile de Nigelle, faute de meilleur récipient. En effet, elle en préparait toujours une énorme quantité d'avance, pour ne pas avoir à s'en occuper tous les jours. Elle cultivait la plante dans une serre spécialement aménagée, en annexe de sa maison, et n'avait donc pas à aller loin pour trouver le matériau de base. Mais la préparation était tuante et dévoreuse de temps, alors quand elle s'y mettait, elle préférait que la quantité produite lui permette de tenir le plus longtemps possible, pour pouvoir avoir le temps de travailler les autres jours, entre les soins.


Elle emplit un flacon avec un peu d'huile, puis se rendit à la salle de bain, et commença l'application minutieuse de l'huile sur toutes les lésions. C'était le seul remède, parmi les centaines qui lui avaient été suggéré ou qu'elle avait cherché elle-même, qui ait jamais fait effet pour stopper son envie dévorante de s'arracher la chair quand les crises la prenait. Mais cela ne faisait pas effet longtemps, à peine quelques heures... et c'était parfois 5 ou 6 applications sur la journée qui étaient nécessaires pour la calmer et lui permettre de travailler.

Elle accomplit le rituel sans hâte, sachant qu'il valait mieux prendre le temps que devoir recommencer dans 5 minutes. Cela dura une bonne heure, en massages, puis laisser reposer la peau, puis masser encore. Elle trouvait du plaisir à ces moments avec elle-même, c'était le fait de devoir abandonner ses pensées en cours d'écriture qui la révoltait, mais une fois qu'elle décidait de céder à son adn, elle parvenait vite à retrouver la paix.


Elle finit par sortir, presque à regrets, de la salle de bain, s'accorda une tasse de thé et un petit moment dans son fauteuil, pour la savourer. Puis, elle retourna à son ordinateur, pour ce qu'elle espérait être plusieurs heures.

Si elle avançait bien, elle s'autoriserait une balade jusqu'au petit pont. Elle ne se lassait pas du spectacle des grenouilles sautillant dans la mare, en contrebas. Elles nourrissaient ses réflexions également, à leur manière, ses idées bondissant en rythme avec les batraciens, prisonniers tout autant de la génétique que nous le sommes, mais qui parvenaient pourtant à ne pas plus s'y résumer que nous.

L'esprit tout emplit de ces grenouilles, elle fit courir à nouveau ses doigts sur le clavier. Si tout allait bien, elle pourrait finir le livre en quelques jours à peine.

Elle venait même d'en trouver le titre, bien provocateur : "La mare aux grenouilles - génétique et libre arbitre".

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