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Ce blog et les écrits qu'il contient sont mis à disposition par Michel Bosseaux (l'auteur) selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
 
 

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10 septembre 2007 1 10 /09 /septembre /2007 15:04

J'ai décidé pour les prochains jours de corser un peu le défi que je me lance, en prenant les listes dans l'ordre où je les avais reçues (sauf exercices de la communauté "Ecriture ludique" évidemment) pour combler certains trous et ne pas faire attendre plus longtemps ceux qui me les ont proposées.
Cela donnera donc #004, #028 (communauté), #008, #012, #015 (pour savoir à quoi ces numéros correspondent, voir les listes que j'ai reçues jusqu'ici dans le cadre du projet "logorallye - Recueil "braises / et ce que j'en ai fait)
Et l'exercice d'écriture sur base d'une image planifié pour samedi (voir le planning sur le blog de la communauté "Ecriture ludique") sera couplé avec la liste
#018 confiée par Marianne ... et qui peut s'y prêter (le hasard faisant bien les choses, je trouve).
Rendez-vous donc dans les prochains jours pour lire les différents résultats...


#004 Alex (reçu par courrier direct / pas de lien)
feuilles, métal, cuisson, photoshop, visage, coupé, rasoir, talc, vernis, chiffons, pâtes, coton-tige


Il avait toujours aimé le contraste des feuilles avec la surface de métal, autant par la couleur que la texture. Il les détachait une à une du bloc pour les poser à même le plan de travail, pour sentir en écrivant le contact rude mais si stimulant.

Quand il avait vu cette plaque métallique inutilisée à l'atelier de son frère, Vincent l'avait voulue, immédiatement. Il savait très bien où il allait la placer. Et de fait, elle était maintenant solidement ancrée au mur, dans la seule pièce de la maison qui n'avait pas été terminée. Il y avait donc un autre contraste, entre la nudité des murs, l'absence de revêtement au sol, et puis ce bureau, surface uniformément peinte en noir, mais un noir brillant dans lequel il aimait contempler, le soir, la lueur de la petite lampe qu'il posait sur le coin gauche, reflétée, et qui prenait des apparences presque fantomatiques, idéales pour l'inspiration.

Cette pièce devait être le bureau de Pam, à l'origine. Puis elle avait décidé qu'elle était mieux là où il avait envisagé de placer le sien, une grande pièce bien éclairée où elle pouvait s'épanouir autour de ses multiples bureaux, étagères, fours. Pam était une artiste complète, qui maîtrisait toute la gamme de la création, des premiers pré-projets sous photoshop, jusqu'à la cuisson des pâtes diverses ou la pose du vernis, sur des bijoux, figurines, ou des toiles. Elle avait vite recouvert toutes les surfaces inoccupées avec un invraisemblable empilement de chiffons, boites de cotons-tiges, et matériaux divers dont il ne savait plus si elle avait même un jour pris la peine de lui expliquer à quoi ils pouvaient bien lui servir. Tout juste avait-il retenu que ce qu'elle appelait "stéa", "stéatite, ou "pierre à savon" était cette matière gris-verte, rugueuse au toucher, dans laquelle elle sculptait certains objets, pour "s'amuser" entre deux projets plus sérieux, avant de retrouver la vraie flamme créatrice. Sa femme ne mettait pas de talc sur les fesses de ses enfants, elle taillait dedans pour en faire naître ses créations. L'idée l'avait beaucoup amusé quand elle lui avait expliqué la nature de cette matière. Elle avait été étrangement vexée de sa réaction.

En s'installant devant son bureau ce jour-là, Vincent pensait à sa femme, à tout ce dont elle avait besoin pour créer, et à sa façon de se plaindre encore si souvent qu'elle n'avait pas tout ce qu'il fallait, que ça n'allait pas, qu'elle n'arrivait à rien, la technique la trahissait, l'inspiration se refusait... elle inventoriait alors pendant des heures les moindres tubes, boîtes, flacons, pensant peut-être que ce qu'elle avait perdu s'y trouvait... plus sérieusement, une sorte de rituel, le seul qui parvenait à l'apaiser, avant de se remettre au travail.

Vincent, lui, n'avait besoin que de ce papier précis, posé sur cette table, à l'exclusion de toutes autres choses sauf la lampe. Et le même stylo, toujours, mais plus par superstition. Il avait déjà écrit avec d'autres accessoires, et avait également obtenu de bons résultats. Mais ce qui comptait, c'était la porte de cette pièce fermée, le son qui ne passait pas de l'énervement de sa femme devant son chantier permanent... et son bureau en métal.

Il avait essayé au début, de travailler dans le salon, sur un ordinateur portable. Il avait choisi de s'isoler parce que Pam était impossible à ignorer, et elle, il lui fallait la porte grande ouverte, parce que pendant qu'elle travaillait, elle se sentait vite claustrophobe.  Il était donc venu ici, mais l'incongruité de l'ordinateur  posé sur une simple table pliante au milieu de la pièce lui avait vite semblé insupportable. Et puis il avait vu cette plaque métallique... et ça avait été comme une évidence. Elle l'avait appelé plus qu'il ne l'avait choisie. Sa finalité telle qu'il l'avait perçue immédiatement avait été irrésistible. Depuis, son impatience à commencer sa journée d'écriture ne s'était jamais démentie, les idées surgissant à flot à la simple évocation du métal sous son stylo, et lui procurant un plaisir quasi charnel d'une intensité indescriptible.
Quand il écrivait, il était comme un fou. Le reste du temps, comme un drogué en manque qui ne pense qu'à sa prochaine dose.

Il y pensait si fort ce matin, devant la glace, que le rasoir avait eu du mal à trouver son visage, puis avait choisi le mauvais angle, et qu'il s'était coupé. Trop rasé par endroits, pas du tout à d'autres. Cela lui arrivait souvent. Pam adorait ce côté "grand distrait rêveur" de son homme, ne soupçonnant pas qu'ils faisaient un tout avec d'autres aspects qu'elle supportait beaucoup moins, et que la source était ici, dans cette pièce, où il oubliait tout, y compris elle, parfois pendant plus de 10 heures d'affilée. Son mari n'avait pas de maîtresse, il avait juste Le Bureau Parfait ... en tout cas pour lui.  En quelque sorte, c'était pire.
Tout écrivain, ou artiste, à du mal à sortir de son oeuvre à heure fixe. Vincent avait en plus un bureau très exclusif dans leur relation, qui exigeait de lui tout ce que son mental pouvait donner. Au point qu'il s'endorme parfois la tête posée sur lui, complètement épuisé, après un troisième marathon consécutif, seulement séparés par un repas sommaire et quelques grommellements distraits en guise de réponses à Pam.

Elle ne supportait pas plus cet aspect de leur relation qu'il ne comprenait le travail qu'elle faisait et l'état dans lequel elle se mettait. Mais ils s'adoraient. Quand il s'endormait ici, c'est à côté d'elle qu'il s'éveillait, sur le matelas qu'elle avait installé dans le fond de la pièce, pour ce genre de circonstances. Elle le rejoignait, le soutenait jusqu'au matelas dans le semi-coma où il était plongé, passait son bras autour de lui, et la nuit passait ainsi. Au matin, ils se regardaient longuement, puis, sans un mot, rejoignaient la chambre, bien plus confortable, où ils s'octroyaient une journée d'agréables retrouvailles. C'était leur rituel, et après 5 ans ensemble, malgré leurs insupportables caractères, leur goût de la solitude, les passions extrêmes qui les rongeaient tous deux dans leurs domaines respectifs, ils s'aimaient encore plus qu'au premier jour. ils avaient su, à défaut de se comprendre l'un l'autre, respecter mutuellement leur territoire, et s'admirer pour les résultats obtenus. 

Ils exposaient ensemble, les écrits de Vincent illustrant les oeuvres de Pam, ou l'inverse, les oeuvres se recoupant, se complétant, dans la plus intime des fusions. A l'image de leur couple. Leurs passions s'étaient comprises à leur place, et les tenaient debout, main dans la main.

Ils le resteraient pour la vie.


C'est à cette pensée que, finalement, Vincent posa son stylo sur la feuille, et commença à écrire.

Un jour de plus commençait. Un jour de plus était comme terminé, déjà...

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commentaires

M
la magie des mots...
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F
:-)
A
Je trouve cette aventure tout à fait extaordinaire . Je te propose:nigelle, pont, généalogie, soupière, mare, ossature, combiner, oublier, temporel, fondamental Amitiés,
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F
merci beaucoup, je prend note et ne manquerai pas de t'avertir quand tes mots m'auront inspiré d'autres lignes :-)
C
Je vais jouer à l'emmerdeuse de service... C'est possible ça ? Je dois être une traumatisée de la vie moi, ce n'est pas possible autrement ! lolTon texte est plein d'espoir.  :o)
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F
Il faut croire que oui, il y a des cas célèbres de passions parallèles, qui se recoupent en un couple à l'heure où une tête cherche une épaule pour se (sup)porter mieux, où un regard a besoin d'un autre pour + qu'un miroir, un écho, mais un prolongement de la flamme... Ils s'adorent et ne se supportent pas... l'équilibre est fragile mais à respecter chacun le territoire de l'autre, on finit par s'en créer un commun y vivre fusionnellement, entre deux orages distants...Je ne cesserai jamais de croire à cet Idéal...
K
Je me disais aussi que les "mots" me disaient quelque chose...Je les ai utilisé dans "Retour d'inspiration"  ;-)Tu en as fait tout autre chose mais c'est bon, j'aime bien le déroulé et comment tu arrive à une fin sweet et qui correspond à ce que tu nous as amené à attendre 8-)
Répondre
F
Merci Maître (retrouvé mes majuscules depuis tout à l'heure, tu vois ? ;-) ). J'avoue que tes commentaires ont une grande importance à mes yeux... celui-ci me ravit comme tu peux t'en douter...J'avais lu ton retour d'inspiration, je l'avais même commenté... mais ça méritait un recom pour vraiment parler de ton texte (ce que je n'avais pas fait dans le précédent... et que je ne fais encore que peu mais c'est mieux que rien lol )