1 septembre 2007
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19:42
#009 Claire Ogie
herbe, maigreur, critique, baptiser, limace, seuil, instruire, chauffage, morne, service.
L'ensemble des listes reçues dans le cadre du projet "logorallyes", et ce que j'en ai fait jusqu'ici, est consultable ici.
ATTENTION : Il est indispensable pour la compréhension de ce texte d'avoir lu au préalable "Le Passeur" et "L'Acclimatation"
Quand il arriva dans notre service, l'homme était dans un état critique. Nous avions tous une grande expérience de la maladie et de ses ravages, mais une maigreur telle que la sienne était au delà de tout ce que nous avions pu voir auparavant. Il n'avait plus que la peau sur les os, très fine, et les os eux même semblant tout proche de disparaître, comme dévoré par le mal qui le rongeait, mais qui n'était pas encore parvenu jusqu'à son regard, d'une intensité insupportable. Il savait cela, et évitait tant que possible de nous regarder, pour ne pas nous gêner. Il ne parlait que peu, sa voix était comme un frémissement de l'air, pourtant étonnamment claire, si claire qu'on l'entendait du couloir, au travers de la porte, telle un murmure mais que rien n'aurait pu arrêter.
Tout dans son état était du à l'Herbe. Elle semblait avec le temps de plus en plus nocive, une seule prise pouvant suffire à plonger en deux jours n'importe qui dans cet enfer, dont j'observais les manifestations discrètement au travers de la vitre.
Par bien des aspects, l'Herbe était une drogue, la plus dure de toutes : déchéance physique, dépendance, troubles du comportement. La différence tenait en ces visions "sous influence" d'un au-delà étrange, radicalement différent de notre monde si morne, et qui bien que difficiles à croire étaient intégralement réelles.
Pour ceux qui survivaient assez longtemps à la substance, et avaient encore la force de passer Le Seuil, c'était l'accès instantané à l'Autre Monde. Pour les autres... paix à leur âme...
Je ne pouvais détacher mon regard de l'homme, pensant au prix qu'il payait pour avoir accepté de Servir. Il fallait des gens comme lui, mais le prix n'était-il pas trop élevé par rapport à ce que nous en avions retiré jusqu'ici ?
C'était ainsi pour tout ceux qui côtoyaient un malade de l'Herbe, cette fascination, ces interrogations en boucle. C'est la raison pour laquelle on m'avait déchargé de tout mon travail, hormis pour ce patient, que je pourrais suivre jusqu'au Seuil.
Ce ne serait sûrement pas long.
L'homme grelottait, maintenant. Perdue dans mes pensées, j'étais entrée dans la chambre, et je réglai le chauffage. Il ne mit pas longtemps à s'apaiser.
Puis, il réclama un prêtre. La fin approchait, donc.
L'homme d'église le baptisa pour le salut de son âme, et recueillit son ultime confession. C'était ainsi que les choses se passaient, chaque fois, le début d'un rituel bien huilé entre deux hommes de Foi, bien que celle-ci ne fut pas la même pour chacun d'eux. Le prêtre seul pourrait comprendre ce dont l'homme de science aurait à l'instruire, ces visions d'au delà, ce qu'elles signifiaient pour nous tous d'espoir ou d'attente déçue encore, car lui seul serait capable d'entendre en ses ultimes instants terrestres la voix si particulière de l'être alité dans cette chambre d'hôpital. C'est un mystère que les précédents "voyageurs" n'avaient pas encore levé. Pas plus que la raison pour laquelle il valait mieux que le voyageur fut un scientifique. C'était ainsi, simplement.
Il ne restait plus qu'à attendre, et c'est ce que nous fîmes tous les trois, dans cette chambre, pareillement immobiles. Jusqu'à ce que la lumière vint, irradiant du corps mourant, se substituant peu à peu à chacune de ses cellules survivantes. Le Seuil était là.
Le prêtre poursuivit alors le rituel, en posant une limace sur le front de l'homme. Celle-ci ne tarda pas à se muer en un papillon, qui s'envola, puis retomba en une poussière lumineuse qui dessina un court instant un ovale parfait, touchant le sol.
Vers lequel toute la lumière sembla se ruer, aspirée, nous plongeant dans une obscurité complète. Puis, l'éclairage de la pièce revint.
Le lit était vide.
Pendant le cours instant avant l'aspiration, l'homme avait parlé, très vite. Je n'avais rien entendu. Le prêtre, si. Il en semblait tout retourné.
Le message délivré nous concernait tous, nous, médecins. Nous devrions être les pionniers d'une nouvelle science, le sort de notre monde en dépendait.
Nous devions immédiatement commencer à former certains humains à se battre contre les forces qui peu à peu nous guidaient vers les ténèbres. Pour cela, il faudrait mettre en place l'Initiation dont le Voyageur venait de lui parler.
Nous ne comprimes pas tout ce qui nous fut expliqué ce jour-là. Et aujourd'hui encore, je ne suis pas sûre de cerner complètement les enjeux de ce que le prêtre exigea de nous.
Mais l'Initiation se poursuit, et Jembar, maître instructeur et premier Initié, vient de nous annoncer qu'ils étaient cent désormais à avoir réussi l'Acclimatation, et que bientôt, le dernier Initié serait leur chef à tous.
Ainsi que notre Sauveur, d'après les dernières paroles d'autres Voyageurs.
Je continue à penser que le prix que nous payons est trop élevé, de plus en plus. Mais les Ombres ont commencé à reculer partout où les Initiés ont pris place. Bientôt, il paraît que nous pourrons même reprendre les territoires où règnent les Passeurs, ces Initiés déviants de la première "promotion", ceux à cause desquels on avait ajouté l'Acclimatation au cycle de "formation".
Je prie pour que tout cela soit vrai, et qu'une fois notre monde réunifié, on ne découvre pas que nous avons tous perdu notre humanité et plus encore en ce combat, devenant finalement pire que les Ombres...
herbe, maigreur, critique, baptiser, limace, seuil, instruire, chauffage, morne, service.
L'ensemble des listes reçues dans le cadre du projet "logorallyes", et ce que j'en ai fait jusqu'ici, est consultable ici.
ATTENTION : Il est indispensable pour la compréhension de ce texte d'avoir lu au préalable "Le Passeur" et "L'Acclimatation"
Quand il arriva dans notre service, l'homme était dans un état critique. Nous avions tous une grande expérience de la maladie et de ses ravages, mais une maigreur telle que la sienne était au delà de tout ce que nous avions pu voir auparavant. Il n'avait plus que la peau sur les os, très fine, et les os eux même semblant tout proche de disparaître, comme dévoré par le mal qui le rongeait, mais qui n'était pas encore parvenu jusqu'à son regard, d'une intensité insupportable. Il savait cela, et évitait tant que possible de nous regarder, pour ne pas nous gêner. Il ne parlait que peu, sa voix était comme un frémissement de l'air, pourtant étonnamment claire, si claire qu'on l'entendait du couloir, au travers de la porte, telle un murmure mais que rien n'aurait pu arrêter.
Tout dans son état était du à l'Herbe. Elle semblait avec le temps de plus en plus nocive, une seule prise pouvant suffire à plonger en deux jours n'importe qui dans cet enfer, dont j'observais les manifestations discrètement au travers de la vitre.
Par bien des aspects, l'Herbe était une drogue, la plus dure de toutes : déchéance physique, dépendance, troubles du comportement. La différence tenait en ces visions "sous influence" d'un au-delà étrange, radicalement différent de notre monde si morne, et qui bien que difficiles à croire étaient intégralement réelles.
Pour ceux qui survivaient assez longtemps à la substance, et avaient encore la force de passer Le Seuil, c'était l'accès instantané à l'Autre Monde. Pour les autres... paix à leur âme...
Je ne pouvais détacher mon regard de l'homme, pensant au prix qu'il payait pour avoir accepté de Servir. Il fallait des gens comme lui, mais le prix n'était-il pas trop élevé par rapport à ce que nous en avions retiré jusqu'ici ?
C'était ainsi pour tout ceux qui côtoyaient un malade de l'Herbe, cette fascination, ces interrogations en boucle. C'est la raison pour laquelle on m'avait déchargé de tout mon travail, hormis pour ce patient, que je pourrais suivre jusqu'au Seuil.
Ce ne serait sûrement pas long.
L'homme grelottait, maintenant. Perdue dans mes pensées, j'étais entrée dans la chambre, et je réglai le chauffage. Il ne mit pas longtemps à s'apaiser.
Puis, il réclama un prêtre. La fin approchait, donc.
L'homme d'église le baptisa pour le salut de son âme, et recueillit son ultime confession. C'était ainsi que les choses se passaient, chaque fois, le début d'un rituel bien huilé entre deux hommes de Foi, bien que celle-ci ne fut pas la même pour chacun d'eux. Le prêtre seul pourrait comprendre ce dont l'homme de science aurait à l'instruire, ces visions d'au delà, ce qu'elles signifiaient pour nous tous d'espoir ou d'attente déçue encore, car lui seul serait capable d'entendre en ses ultimes instants terrestres la voix si particulière de l'être alité dans cette chambre d'hôpital. C'est un mystère que les précédents "voyageurs" n'avaient pas encore levé. Pas plus que la raison pour laquelle il valait mieux que le voyageur fut un scientifique. C'était ainsi, simplement.
Il ne restait plus qu'à attendre, et c'est ce que nous fîmes tous les trois, dans cette chambre, pareillement immobiles. Jusqu'à ce que la lumière vint, irradiant du corps mourant, se substituant peu à peu à chacune de ses cellules survivantes. Le Seuil était là.
Le prêtre poursuivit alors le rituel, en posant une limace sur le front de l'homme. Celle-ci ne tarda pas à se muer en un papillon, qui s'envola, puis retomba en une poussière lumineuse qui dessina un court instant un ovale parfait, touchant le sol.
Vers lequel toute la lumière sembla se ruer, aspirée, nous plongeant dans une obscurité complète. Puis, l'éclairage de la pièce revint.
Le lit était vide.
Pendant le cours instant avant l'aspiration, l'homme avait parlé, très vite. Je n'avais rien entendu. Le prêtre, si. Il en semblait tout retourné.
Le message délivré nous concernait tous, nous, médecins. Nous devrions être les pionniers d'une nouvelle science, le sort de notre monde en dépendait.
Nous devions immédiatement commencer à former certains humains à se battre contre les forces qui peu à peu nous guidaient vers les ténèbres. Pour cela, il faudrait mettre en place l'Initiation dont le Voyageur venait de lui parler.
Nous ne comprimes pas tout ce qui nous fut expliqué ce jour-là. Et aujourd'hui encore, je ne suis pas sûre de cerner complètement les enjeux de ce que le prêtre exigea de nous.
Mais l'Initiation se poursuit, et Jembar, maître instructeur et premier Initié, vient de nous annoncer qu'ils étaient cent désormais à avoir réussi l'Acclimatation, et que bientôt, le dernier Initié serait leur chef à tous.
Ainsi que notre Sauveur, d'après les dernières paroles d'autres Voyageurs.
Je continue à penser que le prix que nous payons est trop élevé, de plus en plus. Mais les Ombres ont commencé à reculer partout où les Initiés ont pris place. Bientôt, il paraît que nous pourrons même reprendre les territoires où règnent les Passeurs, ces Initiés déviants de la première "promotion", ceux à cause desquels on avait ajouté l'Acclimatation au cycle de "formation".
Je prie pour que tout cela soit vrai, et qu'une fois notre monde réunifié, on ne découvre pas que nous avons tous perdu notre humanité et plus encore en ce combat, devenant finalement pire que les Ombres...