23 août 2007
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Voilà ma contribution au Jeu " Début & Fin" lancé par Kildar, auquel Claire Ogie et lui ont également participé. Leurs textes sont accessibles sur leurs blogs respectifs, et via la communauté "Ecriture ludique" (voir le module "Communautés", dans la colonne de gauche).
Les phrases en gras (début et fin du texte) sont imposées par l'exercice
La pièce avait un haut plafond victorien, et il y avait une cheminée de marbre, et un avocatier qui poussait sur la fenêtre, et elle était couchée près de moi et dormait, très belle et blondement.
Je ne sais pas ce que j'avais cru, en la ramenant ici... peut-être que celle-ci serait différente. Mais il n'y avait jamais eu qu'une seule fin à ces rencontres d'un soir, une seule sortie qui me ramenait invariablement sur la même route... Elles n'étaient rien de plus que des accidents de parcours, pour moi du moins. De leur côté, ce n'était que calculs plus ou moins sournois pour arriver jusqu'à moi. Parce que j'avais Le Pouvoir, à ce qu'on leur avait raconté.
Maudit Pouvoir...
Tout espoir était mort depuis longtemps sur cette terre, plus rien d'humain n'y subsistait, seulement des apparences, des zombies se prenant pour ce qu'ils n'avaient jamais été. C'était le territoire des Ombres désormais. Ils auraient dû renoncer, tous, et depuis très longtemps, à ces légendes absurdes qui leur affirmait que ce n'était pas irrémédiable, qu'un jour viendrait où le ciel se dégagerait enfin, où les hommes pourraient reconquérir ce monde autrefois florissant. On racontait même que quelque part, une petite communauté avait déjà commencé le travail... Je ne m'étais jamais demandé ce que devenaient ces êtres, après qu'ils aient croisés mon chemin. D'autres se chargeaient de la suite de leur parcours. Alors pour moi ce n'était que légende... je préférais en tout cas qu'il en soit ainsi.
Mais certains avaient vu les miracles, ou on leur avait raconté. Alors ils n'hésitaient pas à vendre leur âme, ou ce qu'il en restait, pour approcher ne fusse qu'un instant l'un ou l'autre des Passeurs d'Ombres.
Ainsi était-elle venue jusqu'à moi.
C'était un être décharné, aux chairs grisâtres, les yeux injectés de sang, les cheveux entre vert sombre et noir. J'ignore comment elle avait pu réussir à passer les uns après les autres tous les niveaux de ma cour pour enfin pouvoir demander Audience... A vrai dire, je préfère ne même pas imaginer. Il y a des limites à mon goût naturel pour les horreurs de ces temps.
D'emblée elle avait tout tenté pour me séduire, mais j'avais des exigences très particulières, et toute sa répugnance n'aurait pu me suffire.
Moi ce que je voulais, c'était ce qui la faisait encore tenir debout, se croire humaine, cette petite lueur au fond des yeux, si bien dissimulée par les Ombres, et qui ne pouvait se révéler que sous les tortures les plus atroces.
Elle aurait ce qu'elle attendait de moi, ce qu'elle était venue chercher. Mais pour cela j'allais d'abord la briser, avant de la reconstruire.
Toute la nuit n'avait été que hurlements, supplications, pour que j'arrête, pour que je n'arrête pas, entrecoupé seulement de quelques moments d'évanouissement, où il me fallut comme toujours user de drogues diverses pour la relever.
Mais au bout de bien trop longues heures pour sa santé mentale, enfin j'avais vu la lueur, là, prise au piège des souffrances sans nom que j'infligeais à son hôte.
Alors j'appelai Le Pouvoir à moi... et dans un dernier cri, elle s'extrait de cet amas de chairs sanguinolentes, sadiquement déchirées, et passa.
Ce qu'elle était devenue ne m'intéressait plus. J'avais été humain, jadis, et je n'étais pas encore assez vieux pour avoir oublié le bonheur de contempler une si belle femme allongée, nue, offerte. Mais ce que par Le Pouvoir, j'enlevais comme poids de l'âme de ces pauvres débris d'humanité, s'ajoutait peu à peu à mon propre poids. Je ne serais jamais plus ce que j'avais été, contrairement à elle et ses semblables qui pouvaient encore l'espérer. Elle n'avait aucun intérêt pour moi.
Je me détournai d'elle, et me concentrai sur le Miroir. Il fallait que je maîtrise cette nouvelle force qui cherchait à me dominer.
Pendant ce temps, elle dormait. C'était mieux ainsi. Depuis sa naissance, elle n'avait jamais dormi. Il allait lui falloir plusieurs semaines avant de sortir de ce coma où le Passage l'avait conduite, et qu'un Réveilleur vienne la prendre pour l'amener vers son destin. Ca ne me concernait plus. Bientôt, des domestiques l'emmeneraient dormir ailleurs, et je retournerais à la solitude de ma nature, point d'équilibre entre les lois du temps présent et l'espoir de lendemains meilleurs, pivot condamné à pivoter éternellement.
Je n'aurais aucun salut. Moi et mes frères, à la fin, quand les Ombres auront été vaincues, nous resterons seuls ici, incapable de nous faire mutuellement passer, car le poids serait trop lourd...
Des heures plus tard, mon regard repassa du Miroir à son corps, paisible.
Je ne sais pas ce que j'avais cru, en la ramenant ici... peut-être que celle-là voudrait juste être avec moi pour moi, m'aimer, un peu... pas comme toutes les autres, seulement attendre quelque chose de moi.
Elle l'avait payé cher, mais ça ne m'apaisait pas. J'étais encore plus seul qu'avant. Et elle m'avait échappé, comme toutes les autres, comme le voulait Le Pouvoir, ma nature.
Passeur d'Ombres... presque une Ombre, déjà...
Elle était étendue là, profondément endormie ; ses errances étaient terminées et les miennes ne faisaient que commencer.
Les phrases en gras (début et fin du texte) sont imposées par l'exercice
La pièce avait un haut plafond victorien, et il y avait une cheminée de marbre, et un avocatier qui poussait sur la fenêtre, et elle était couchée près de moi et dormait, très belle et blondement.
Je ne sais pas ce que j'avais cru, en la ramenant ici... peut-être que celle-ci serait différente. Mais il n'y avait jamais eu qu'une seule fin à ces rencontres d'un soir, une seule sortie qui me ramenait invariablement sur la même route... Elles n'étaient rien de plus que des accidents de parcours, pour moi du moins. De leur côté, ce n'était que calculs plus ou moins sournois pour arriver jusqu'à moi. Parce que j'avais Le Pouvoir, à ce qu'on leur avait raconté.
Maudit Pouvoir...
Tout espoir était mort depuis longtemps sur cette terre, plus rien d'humain n'y subsistait, seulement des apparences, des zombies se prenant pour ce qu'ils n'avaient jamais été. C'était le territoire des Ombres désormais. Ils auraient dû renoncer, tous, et depuis très longtemps, à ces légendes absurdes qui leur affirmait que ce n'était pas irrémédiable, qu'un jour viendrait où le ciel se dégagerait enfin, où les hommes pourraient reconquérir ce monde autrefois florissant. On racontait même que quelque part, une petite communauté avait déjà commencé le travail... Je ne m'étais jamais demandé ce que devenaient ces êtres, après qu'ils aient croisés mon chemin. D'autres se chargeaient de la suite de leur parcours. Alors pour moi ce n'était que légende... je préférais en tout cas qu'il en soit ainsi.
Mais certains avaient vu les miracles, ou on leur avait raconté. Alors ils n'hésitaient pas à vendre leur âme, ou ce qu'il en restait, pour approcher ne fusse qu'un instant l'un ou l'autre des Passeurs d'Ombres.
Ainsi était-elle venue jusqu'à moi.
C'était un être décharné, aux chairs grisâtres, les yeux injectés de sang, les cheveux entre vert sombre et noir. J'ignore comment elle avait pu réussir à passer les uns après les autres tous les niveaux de ma cour pour enfin pouvoir demander Audience... A vrai dire, je préfère ne même pas imaginer. Il y a des limites à mon goût naturel pour les horreurs de ces temps.
D'emblée elle avait tout tenté pour me séduire, mais j'avais des exigences très particulières, et toute sa répugnance n'aurait pu me suffire.
Moi ce que je voulais, c'était ce qui la faisait encore tenir debout, se croire humaine, cette petite lueur au fond des yeux, si bien dissimulée par les Ombres, et qui ne pouvait se révéler que sous les tortures les plus atroces.
Elle aurait ce qu'elle attendait de moi, ce qu'elle était venue chercher. Mais pour cela j'allais d'abord la briser, avant de la reconstruire.
Toute la nuit n'avait été que hurlements, supplications, pour que j'arrête, pour que je n'arrête pas, entrecoupé seulement de quelques moments d'évanouissement, où il me fallut comme toujours user de drogues diverses pour la relever.
Mais au bout de bien trop longues heures pour sa santé mentale, enfin j'avais vu la lueur, là, prise au piège des souffrances sans nom que j'infligeais à son hôte.
Alors j'appelai Le Pouvoir à moi... et dans un dernier cri, elle s'extrait de cet amas de chairs sanguinolentes, sadiquement déchirées, et passa.
Ce qu'elle était devenue ne m'intéressait plus. J'avais été humain, jadis, et je n'étais pas encore assez vieux pour avoir oublié le bonheur de contempler une si belle femme allongée, nue, offerte. Mais ce que par Le Pouvoir, j'enlevais comme poids de l'âme de ces pauvres débris d'humanité, s'ajoutait peu à peu à mon propre poids. Je ne serais jamais plus ce que j'avais été, contrairement à elle et ses semblables qui pouvaient encore l'espérer. Elle n'avait aucun intérêt pour moi.
Je me détournai d'elle, et me concentrai sur le Miroir. Il fallait que je maîtrise cette nouvelle force qui cherchait à me dominer.
Pendant ce temps, elle dormait. C'était mieux ainsi. Depuis sa naissance, elle n'avait jamais dormi. Il allait lui falloir plusieurs semaines avant de sortir de ce coma où le Passage l'avait conduite, et qu'un Réveilleur vienne la prendre pour l'amener vers son destin. Ca ne me concernait plus. Bientôt, des domestiques l'emmeneraient dormir ailleurs, et je retournerais à la solitude de ma nature, point d'équilibre entre les lois du temps présent et l'espoir de lendemains meilleurs, pivot condamné à pivoter éternellement.
Je n'aurais aucun salut. Moi et mes frères, à la fin, quand les Ombres auront été vaincues, nous resterons seuls ici, incapable de nous faire mutuellement passer, car le poids serait trop lourd...
Des heures plus tard, mon regard repassa du Miroir à son corps, paisible.
Je ne sais pas ce que j'avais cru, en la ramenant ici... peut-être que celle-là voudrait juste être avec moi pour moi, m'aimer, un peu... pas comme toutes les autres, seulement attendre quelque chose de moi.
Elle l'avait payé cher, mais ça ne m'apaisait pas. J'étais encore plus seul qu'avant. Et elle m'avait échappé, comme toutes les autres, comme le voulait Le Pouvoir, ma nature.
Passeur d'Ombres... presque une Ombre, déjà...
Elle était étendue là, profondément endormie ; ses errances étaient terminées et les miennes ne faisaient que commencer.