20 août 2007
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C'était à Paris, ou à Pékin, je ne sais plus. Le soir, au fond d'une chambre d'hôtel sordide, toutes les villes se ressemblent. Il y avait cette femme, dont j'avais croisé le regard. Elle n'était pas dans cette chambre, mais c'était tout comme. Elle était partout, absolument partout. Dans cette chambre, il n'y avait que moi, et ma plume qui courait sur le papier, comme souvent quand je veux me libérer d'une mission particulièrement intense. Mais il n'était question que d'elle, évidemment. C'était pareil que dans les cinq villes précédentes. Quand tu voyages, tu emportes forcément tes démons avec toi. Ils mettent un peu de temps à s'adapter aux nouveaux décors, mais ils finissent toujours par se réveiller.
Ce soir-là, dans cet hôtel, ils faisaient la fête comme jamais.
C'était à Paris, ou à Pékin... qu'importe. Une ville de plus dans la liste, et c'est tout. Je ne voyageais que pour affaire, avant. Là, j'étais désoeuvré. Je restais dans la chambre, je descendais seulement pour acheter à manger au petit snack à côté... Le patron ne me remarquait plus, je faisais déjà partie du décor. Pourtant je ne devais pas être là depuis si longtemps... je ne sais plus. Le temps s'écoule différemment depuis qu'elle a croisé mon regard, ce jour lointain.
J'étais désoeuvré, pour la première fois de ma vie. C'était je ne sais plus où, je m'en fous. C'était n'importe où mais pas là où elle était, avant que nos regards... Là où elle n'était plus de toute façon.
Ce n'était pas le début de l'histoire. Au début elle a tourné la tête et m'a regardé, vraiment. J'étais loin pourtant, et je ne faisais déjà plus qu'un avec ma mission, plus qu'un avec la machine que je suis quand je travaille. Nos regards se sont croisés, là, dans mon viseur, elle n'a plus bougé et a regardé, fixement, un demi-sourire naissant sur son visage. Irrésistible et hors de propos. J'ai baissé les yeux, juste un clignement, mais le charme était rompu. Restait l'arme dans l'alignement, mon doigt sur la gâchette, mes yeux pour confirmer qu'elle n'avait pas bougé d'un millimètre. Mon doigt a donné l'ordre, l'arme l'a exécuté. Je n'y étais plus. Je ne faisais plus corps avec la mission, mais avec elle, qui m'avait donné ce regard, ces secondes immobiles qui semblaient appeler la balle. C'est moi qui l'ai prise dans le coeur.
L'arme n'avait pas bougé, ni mon doigt ni elle. Pourtant je l'ai ratée. Elle n'a pas bougé, alors que tous détalaient autour d'elle. Elle n'a pas bougé, me regardait, son sourire s'élargissant. J'ai doublé, triplé le tir. J'ai fini par toucher. Le coeur n'y était plus, mais les réflexes si.
J'ai touché, elle est tombée. Je suis parti.
Je suis parti avec elle. Berlin, Munich, Londres, Agadir. Puis Paris ou Pékin. Elle a tout vu par mes yeux, a tout vécu à ma place. Je n'ai rien vu, rien ressenti, plus rien depuis que j'ai croisé son regard. Juste le froid qui progresse, là, à l'intérieur, et son sourire qui s'élargit, s'élargit...
Mon employeur me fait rechercher. Peu importe qu'on me trouve, ce n'est pas ce que je cherchais à fuir. J'ai décidé que je ne bougerais plus, ça ne sert à rien. Paris ou Pékin sont deux bons choix pour mourir, et puis je suis déjà mort je crois.
Pas elle.
Elle je ne l'ai que blessée à l'épaule et au ventre. Elle s'en est tirée. On lui a demandé pourquoi elle n'avait pas bougé, ce qu'elle avait vu. Elle n'a rien dit. Son sourire de survivante s'affiche dans tous les journaux, a fait l'ouverture de tous les journaux télé. La sénatrice miraculée. L'héroïne moderne.
Elle n'a rien dit alors qu'elle savait tout. Elle avait su où regarder, donc elle avait tout compris. Mon employeur voudrait comprendre, mais je n'en sais pas plus que lui. J'ignore si elle voulait mourir, ou si elle a fait tout ce qu'il fallait pour avoir un bon coup de pub. Mais elle ne pouvait pas savoir que son regard ne me quitterait plus. Ou bien ... ?
Je ne sais plus.
A Paris, ou peut-être était-ce Pékin, ça ne changeait déjà plus grand chose de savoir pourquoi ou comment. La dernière question, c'était quand. Je ne me la posais pas. Ils seraient bientôt là, en bas, juste devant la fenêtre où j'avais placé mon bureau pour écrire. Ils seraient là, à attendre que je sorte.
Par une nuit claire, je sortirais pour les rejoindre, et me séparer à jamais de son regard, oublier celle qui m'a tué.
Une balle pour chacune de celles qui ont raté leur objectif, ça ne serait que justice.
Je croyais m'en sortir ainsi. A bon compte finalement.
Mais ce n'est pas arrivé.
Mon employeur a cessé de me faire chercher. J'ai fini par changer de ville, encore, pour ne plus juste attendre, mais disparaître.
Rien n'a changé. Il n'y a toujours qu'elle, partout. Et je ne ressens que la brûlure de son regard, l'absurdité de lutter. Je ne ressens qu'un vide. Je m'y plonge sans réserves.
Je retravaille à mon compte, mais quel que soit l'objectif, je ne fais que passer. Plus jamais je ne fais corps, plus jamais je ne ressens. Je n'échoue plus, mais aucune victoire non plus. En cela comme dans tous les aspects de ma vie, je ne fais plus que passer.
Je n'existe que pour elle. Ce n'est que justice.
Ce soir-là, dans cet hôtel, ils faisaient la fête comme jamais.
C'était à Paris, ou à Pékin... qu'importe. Une ville de plus dans la liste, et c'est tout. Je ne voyageais que pour affaire, avant. Là, j'étais désoeuvré. Je restais dans la chambre, je descendais seulement pour acheter à manger au petit snack à côté... Le patron ne me remarquait plus, je faisais déjà partie du décor. Pourtant je ne devais pas être là depuis si longtemps... je ne sais plus. Le temps s'écoule différemment depuis qu'elle a croisé mon regard, ce jour lointain.
J'étais désoeuvré, pour la première fois de ma vie. C'était je ne sais plus où, je m'en fous. C'était n'importe où mais pas là où elle était, avant que nos regards... Là où elle n'était plus de toute façon.
Ce n'était pas le début de l'histoire. Au début elle a tourné la tête et m'a regardé, vraiment. J'étais loin pourtant, et je ne faisais déjà plus qu'un avec ma mission, plus qu'un avec la machine que je suis quand je travaille. Nos regards se sont croisés, là, dans mon viseur, elle n'a plus bougé et a regardé, fixement, un demi-sourire naissant sur son visage. Irrésistible et hors de propos. J'ai baissé les yeux, juste un clignement, mais le charme était rompu. Restait l'arme dans l'alignement, mon doigt sur la gâchette, mes yeux pour confirmer qu'elle n'avait pas bougé d'un millimètre. Mon doigt a donné l'ordre, l'arme l'a exécuté. Je n'y étais plus. Je ne faisais plus corps avec la mission, mais avec elle, qui m'avait donné ce regard, ces secondes immobiles qui semblaient appeler la balle. C'est moi qui l'ai prise dans le coeur.
L'arme n'avait pas bougé, ni mon doigt ni elle. Pourtant je l'ai ratée. Elle n'a pas bougé, alors que tous détalaient autour d'elle. Elle n'a pas bougé, me regardait, son sourire s'élargissant. J'ai doublé, triplé le tir. J'ai fini par toucher. Le coeur n'y était plus, mais les réflexes si.
J'ai touché, elle est tombée. Je suis parti.
Je suis parti avec elle. Berlin, Munich, Londres, Agadir. Puis Paris ou Pékin. Elle a tout vu par mes yeux, a tout vécu à ma place. Je n'ai rien vu, rien ressenti, plus rien depuis que j'ai croisé son regard. Juste le froid qui progresse, là, à l'intérieur, et son sourire qui s'élargit, s'élargit...
Mon employeur me fait rechercher. Peu importe qu'on me trouve, ce n'est pas ce que je cherchais à fuir. J'ai décidé que je ne bougerais plus, ça ne sert à rien. Paris ou Pékin sont deux bons choix pour mourir, et puis je suis déjà mort je crois.
Pas elle.
Elle je ne l'ai que blessée à l'épaule et au ventre. Elle s'en est tirée. On lui a demandé pourquoi elle n'avait pas bougé, ce qu'elle avait vu. Elle n'a rien dit. Son sourire de survivante s'affiche dans tous les journaux, a fait l'ouverture de tous les journaux télé. La sénatrice miraculée. L'héroïne moderne.
Elle n'a rien dit alors qu'elle savait tout. Elle avait su où regarder, donc elle avait tout compris. Mon employeur voudrait comprendre, mais je n'en sais pas plus que lui. J'ignore si elle voulait mourir, ou si elle a fait tout ce qu'il fallait pour avoir un bon coup de pub. Mais elle ne pouvait pas savoir que son regard ne me quitterait plus. Ou bien ... ?
Je ne sais plus.
A Paris, ou peut-être était-ce Pékin, ça ne changeait déjà plus grand chose de savoir pourquoi ou comment. La dernière question, c'était quand. Je ne me la posais pas. Ils seraient bientôt là, en bas, juste devant la fenêtre où j'avais placé mon bureau pour écrire. Ils seraient là, à attendre que je sorte.
Par une nuit claire, je sortirais pour les rejoindre, et me séparer à jamais de son regard, oublier celle qui m'a tué.
Une balle pour chacune de celles qui ont raté leur objectif, ça ne serait que justice.
Je croyais m'en sortir ainsi. A bon compte finalement.
Mais ce n'est pas arrivé.
Mon employeur a cessé de me faire chercher. J'ai fini par changer de ville, encore, pour ne plus juste attendre, mais disparaître.
Rien n'a changé. Il n'y a toujours qu'elle, partout. Et je ne ressens que la brûlure de son regard, l'absurdité de lutter. Je ne ressens qu'un vide. Je m'y plonge sans réserves.
Je retravaille à mon compte, mais quel que soit l'objectif, je ne fais que passer. Plus jamais je ne fais corps, plus jamais je ne ressens. Je n'échoue plus, mais aucune victoire non plus. En cela comme dans tous les aspects de ma vie, je ne fais plus que passer.
Je n'existe que pour elle. Ce n'est que justice.