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22 août 2023 2 22 /08 /août /2023 17:29

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


L’enfant sur le siège passager s’étira et regarda la route.

- Dis, on est encore loin tu crois ?

- Je n’en ai aucune idée.

- Mais tu avais dit qu’on y serait vite !

- « Vite », c’est relatif.

Le petit ne devait pas savoir ce que voulait dire ce mot. Il avait maximum 5 ans. Mais il ne réagit pas pourtant, comme s’il n’avait pas entendu, ou bien qu’il n’écoutait pas vraiment la réponse. Cela m’arrangeait.

Au bout d’un moment pourtant, il me regarda l’air inquiet.

Tu es sûr que c’était la bonne route ? Vraiment sûr ?

Bah oui ! Et puis ça a été tout droit depuis le début, pas de sorties, où tu aurais voulu que j’aille ?

Je ne sais pas moi ! Tu avais promis qu’on allait bien s’amuser, et là je m’ennuie. Elle est triste et longue, cette route !

- Mais non attends, tu vas voir. On va bientôt arriver à la prochaine étape, et je te jure que tu auras plein de gens avec qui parler, manger des glaces et t’amuser !

- Je veux Maman !

J’en eu le cœur brisé à nouveau, un instant.

- Maman avait besoin de se reposer, tu sais. Je t’ai expliqué.

- Mais elle revient quand ?

- …

Heureusement, le petit aperçut le panneau indiquant le prochain arrêt et n’insista pas, tout à sa joie.

Mais il fallut bien se rendre à l’évidence : ce n’était rien de plus qu’une aire de repos, avec une pompe à essence en self service, un pauvre distributeur de bonbons heureusement approvisionné aux ¾ … et personne.

J’avais eu peur d’une crise de larmes, mais l’enfant se murait dans le silence. Je me reposai quelques minutes, puis nous reprîmes la route.

Elle semblait sans fin, et les souvenirs m’assaillaient. Mais nous étions partis justement pour construire quelque chose de nouveau, pas pour ressasser. Alors je chassai mes pensées.

- Si j’avais su que ça serait comme ça, je ne t’aurais jamais suivi. On serait restés à la maison à jouer à cache-cache ou à la balançoire !

- C’était bien pour toi, mais moi je n’avais plus l’âge pour ça, je ne pouvais pas rester. Tu aurais voulu que je t’abandonne ?

Soudain, le petit sembla vieillir d’un coup. C’était maintenant un adolescent morose, au regard chargé de reproches.

- J’étais bien moi là-bas. Avec Sally on faisait plein de projets. Tu as tout gâché !

- Elle rêvait d’une vie de star. Moi j’ai bien dû travailler pour ne pas mourir de faim. Elle est partie, ce n’était pas ma faute.

- Tu gâches toujours tout, tais-toi !

Et puis je veux Maman maintenant ! Fais demi-tour !
 

C’était de nouveau le petit, et comme je tentais de lui expliquer qu’on ne pouvait pas faire demi-tour sur une route à sens unique, il se mit à me frapper violemment. Je fis une embardée et m’arrêtai sur le bas-côté. Nous étions tous les deux en larmes.

 

Je pris quelques minutes pour lui expliquer encore, et lui laisser le temps de retrouver son calme. Il commençait à s’apaiser, quand soudain, j’entendis le mugissement du vent derrière moi.

Quand je me retournai, la tornade était là, à moins d’un kilomètre, fonçant dans notre direction.

Nous redémarrâmes le plus vite possible et, le pied sur l’accélérateur, je fis mon maximum pour échapper aux vents dévastateurs. Ce n’était pas la première fois, et jusqu’ici nous nous en étions toujours sorti.

Mais là j’étais fatigué, et je me demandais vraiment quel était le sens de tout cela. Lancé dans un voyage sans but apparent, sur une route déserte, sans autre choix possible que de continuer ou de m’arrêter là et d’accepter que tout ce que j’avais voulu laisser derrière moi serait toujours plus rapide …

 

 

Je me réveillai, en pleine crise d’angoisse, ne parvenant pas à reprendre mon souffle. Je tâtonnai frénétiquement pour trouver mes médicaments, et m’étranglai presque en en prenant un.

Toujours le même foutu cauchemar.

Depuis la mort de maman et mon départ – pour trouver une belle vie ailleurs, le bonheur, mais où, quand ? -, il ne me quittait pas. Et mes émotions me rattrapaient toujours à la fin, quoi que je fasse pour les fuir.

 

Il faudrait que j’appelle mon psy ce matin.

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