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Ce blog et les écrits qu'il contient sont mis à disposition par Michel Bosseaux (l'auteur) selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
 
 

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30 août 2023 3 30 /08 /août /2023 08:30

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


Tu détestes que l’on t’offre des fleurs. Tu as toujours eu ce geste en horreur.  

Parce que cela te rappelle que tu n’es pas comme les hommes, que l’on félicite d’une tape dans le dos, d’une accolade ou d’une poignée de main bien “virile”. Non tu es une petite chose délicate, une femme. Et à leurs yeux, sans fleurs, il manque toujours quelque chose à la photo sur le podium. 

Parce qu’aussi, quand un homme offre des fleurs, c’est souvent qu’il a une idée en tête. Ou alors il en a eu une avec une autre, il est peut-être même passé de l’idée à la pratique, et là il se sent coupable. Ou simplement il a quelque chose à se faire pardonner, il ne sait pas comment revenir après une dispute, et plutôt que d’en appeler à ton intelligence, il essaye de t’enfumer avec le parfum délicat de quelques roses. 

Tu préfères nettement les fleurs qui poussent librement dans les champs. Ce n’est pas le genre que l’on couperait comme cadeau pour quelqu’un qui n’a rien demandé. Pourtant, tu trouves que ce sont les plus belles. 

Tu chéris leur liberté et tu aimerais surtout que l’on n’empiète pas sur la tienne, sous prétexte que l’on te fait cadeau d’un bouquet, ou d’une boîte de chocolat, ou d’un bijou … 

Ou d’une bague en diamant ! 

 

Ce soir il a osé, genou à terre, devant tout le monde au restaurant.  

Et tu as fondu en larmes évidemment, parce que tu ne peux pas t’empêcher de ressentir. 

Mais en même temps, tu ne t’es pas sentie libre. 

Et puis il a cru, même s’il te connait par cœur, que pour l’occasion, il pouvait aussi ajouter un bouquet de roses à la bague.  

 

Et toi tu as pêté les plombs, hurlé, jeté le bouquet à terre, enlevé la bague, et tu es partie comme une furie, sans regarder où tu allais. 

Là tu es sous la pluie, sur le trottoir de cette avenue. Tu n’as pas fait 100 mètres avant de t’arrêter, et de mêler tes larmes aux éléments. 

 

Il ne te pardonnera jamais, tu le sais. 

 

Pourquoi tu n’as pas pu, une seule fois dans ta vie, accepter ces foutues fleurs sans rien dire, afficher un sourire comblé et le laisser être heureux ? Il n’a pas assez galéré pour t’approcher, te séduire ? Il ne méritait vraiment pas mieux que ça, après avoir survécu à trois ans de ton parcours du combattant, quasi sans fautes ? 

 

Et puis soudain il est là, sous la pluie avec toi. Il t’a rattrapée.  

Tu te jettes dans ses bras, certaine que cette étreinte-là pourrait durer longtemps. Peut-être même bien toute la vie, qui sait. S’il voulait bien demander une deuxième fois. Tu accepterais même les fleurs, promis, s’il voulait bien ne plus jamais te lâcher. 

Tu trembles et tu t’étouffes avec tes larmes. Il t’attire sur le porche de l’immeuble le plus proche et, patient, attends que tu t’apaises.  

 

Il te connait par cœur, de tes colères à tes douleurs. 

 

Et puis tu l’entends murmurer, dans ton oreille, tout doucement. 

“je ne savais pas que tu n’aimais pas non plus les diamants.” 

 

Il te sourit, taquin. Tu éclates de rire. Puis exiges qu’il te rende TA bague. Mais elle était déjà dans sa main. 

Et là elle est sur la tienne. 

 

Tu penses bien à t’excuser, mais bien sûr il le devine dans ton regard, et t’embrasse.  

Mais tu ne penses pas que ce soit seulement pour te faire taire. 

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30 août 2023 3 30 /08 /août /2023 07:34

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


Tout petit déjà, on nous fait colorier entre les lignes sur le cahier,  

Bien proprement, sans déborder. 

Tracer des lignes, droites, courbes, sur du papier. 

Le plus court chemin du point A au point B. 

En rang par deux, bien alignés ! 

Bien écrire sur la ligne, s’appliquer. 

Recopier des lignes 100 fois pour ne pas oublier. 

 

On nous apprend plus tard à ne pas trop en mettre, épurer. 

Mais il y en a partout, impossible à ignorer. 

 

On apprend à conduire en suivant les lignes, ne pas dépasser. 

On apprend à aimer les belles lignes, racées. 

Etudes, travail, logement, amour, famille, chemin tout tracé 

Il faut suivre la ligne, le code, les règles de la société. 

 

Puis un jour, quelqu’un nous reproche de ne pas savoir s’en écarter, tracer 

Sa propre route, imaginer 

Mais peut-être aurait-il fallu ajouter 

Une ou deux lignes au programme à étudier ? 

 

Et puis la vie va simplement continuer 

Comme une ligne lancée vers demain, jamais achevée 

Toujours quelque chose à ajouter, des problèmes à surmonter 

Tellement peu d’occasions de dévier... 

 

… Jusqu’à ce jour, où quelques lignes sur un tracé 

Ou des résultats d’analyses viendront éclairer 

Le bout de la ligne. 

 

Brisée vers l’éternité. 

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28 août 2023 1 28 /08 /août /2023 12:48

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


C’est durant mon dernier voyage que j’ai eu pour la première fois cette étrange sensation. C’était vers Bombay, je crois – même si au bout d’un moment toutes les destinations se ressemblent, tout ce que j’en vois étant des aéroports bondés puis un chauffeur empressé, et finalement un grand hôtel dont je ne sors quasi pas vu que les réunions se tiennent souvent dans un salon ou au restaurant.

300 jours par an en déplacement professionnel, pour aller écouter des gens croyant savoir ce qu’ils voulaient m’expliquer mon métier, en souriant poliment, avant de leur suggérer, que le prétexte soit économique, politique, ou plus personnel en les flattant éhontément, de changer leur approche pour quelque chose présentant moins de risques. C’est plus de la psychologie, finalement, que vraiment du consulting en gestion de projets. Mais je suis grassement payé pour cela, et mes clients sont généralement ravis d’avoir fait appel à moi.

Mais cette fois, il y avait quelque chose de différent, comme un décalage. Je savais parfaitement ce que je devais dire à mes interlocuteurs, à propos desquels j’avais étudié les dossiers fournis par mon assistant. Somme toute le projet concerné – la construction de plusieurs nouvelles centrales électriques et le déploiement d’un réseau moderne à travers tout le pays – était plutôt clair et bien pensé. Tout le monde était content, des entreprises qui signeraient là un chantier colossal, aux populations concernées qui bénéficieraient largement, en passant par les décideurs sur place (gouvernement, fonctionnaires), tous recevant des gratifications, argent,  cadeaux ou « services ». Rien d’inhabituel. Sauf que pour les habituelles raisons d’ego et d’appât du gain, les choses se passaient assez mal.

Et donc me voilà, en avion puis en voiture puis dans cet hôtel, pour venir jouer les pompiers là où rien n’aurait du pouvoir brûler, sur un dossier dont les aspects techniques n’étaient pas de mon ressort, mandaté par une société française œuvrant dans le nucléaire et approuvé par les autres parties. Et ressentant pour la première fois la sensation de ne plus du tout savoir ce que je faisais là.

La réunion allait bientôt commencer, et je n’avais qu’une envie : rentrer chez moi. Moi qui, depuis bientôt 30 ans, menait cette vie de nomade, oubliant souvent qu’il y avait une femme et des enfants qui m’attendaient quelque part, ne comprenant pas pourquoi elle avait supporté cette vie et m’accueillait toujours avec autant d’amour … Ca avait fini par me rattraper, comme tous mes collègues avant moi. Je ne savais plus qui j’étais, ça ne m’amusait plus depuis longtemps et aujourd’hui ce n’était plus qu’une routine assommante. A laquelle il me paraissait insensé que puisse se résumer ma vie.

 

Je respirai à fond, affichai mon plus beau sourire professionnel, et saluai mes interlocuteurs qui commençaient à arriver. Nous entrâmes dans la salle de réunion, et je fis plus que bonne figure : d’une situation totalement bloquée à l’entrée, je fis un contrat encore amélioré à la sortie, toutes les parties se félicitant des avancées.

Je prétextai le décalage horaire pour décliner leur invitation à diner.

Je remontai dans ma chambre, profondément insatisfait. Puis après un long moment à réfléchir, j’appelai chez moi.

« Oui, c’est moi. Je reprends l’avion demain, comme prévu.

Mais après j’arrête. C’était le dernier voyage ».

Mes larmes firent bientôt écho à celles de ma femme. Nous parlâmes vraiment, pour la première fois peut être. Du merveilleux voyage que nous allions entamer ensemble, pour le reste de nos vies.

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27 août 2023 7 27 /08 /août /2023 10:00

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


Chaque jour a sa couleur.

 

J’ai démarré ce matin avec un grand café bien corsé, accompagné de deux bâtons de chocolat. Cela n’a pas suffi à chasser mes sombres pensées, mais au moins cela m’a réveillée et suffirait à me tenir debout. D’habitude je mangeais plus, mais j’avais le cœur au bord des lèvres aujourd’hui.

 

Puis, je me suis préparée, avec les vêtements prévus pour l’occasion, une veste et des chaussures assorties, du fond de teint mais quasi pas de maquillage. Après tout, je n’allais pas au bal. Même si métaphoriquement, ce serait ma dernière danse avec toi. Je ne sais plus lequel de mes frères m’avait sorti ça, hier. Mes pensées se mélangeaient. Mais peu importe, il se trompait. Ce n’était pas une danse, ou alors tu avais été maladroit pour la première fois de ta vie et tu étais tombé.

 

Tout le monde chuchotait autour de moi. Il faut dire qu’après ma crise de colère d’hier soir, ils ne devaient plus savoir comment me parler. Ils m’attendaient. Nous étions un petit peu en retard sur le planning militaire que mon père nous avait annoncé en fin de soirée, avant que je le remette à sa place. Ce n’était pas lui qui décidait, cette fois. La cérémonie n’avait aucune chance de commencer sans moi.

 

Nous partîmes finalement, directement vers le crematorium. Je n’avais pas souhaité accompagner le cercueil, à quoi bon ? Puis j’avais du mal à tenir debout moi-même, alors j’aspirais seulement à un moment de recueillement où nous serions tous assis, dans un bel endroit que tu aurais aimé. Pas debout autour de ton cercueil, rien que l’idée était un calvaire.

J’avais du mal à penser à quoi que ce soit. Même à toi, je n’y arrivais pas. Je fonctionnais, j’allais où je devais, mais je n’étais pas vraiment là. Comme dans les cauchemars que je faisais avant de te connaître, où je n’étais que spectatrice des évènements, où j’avais beau faire et dire et même crier et frapper, personne ne remarquait ma présence et ne tenait compte de mes mots.

 

Au crématorium, tout était prêt et la cérémonie pu avoir lieu. Il y eut des larmes, de ta famille principalement. On m’observait, je le sentais bien. Moi, j’avais déjà pleuré tellement au cours des deux derniers mois que j’étais un puit à sec, sans la moindre capacité à réagir, sans énergie. Qu’ils pleurent, donc, je ne leur ferais pas concurrence. J’aurais préféré qu’ils soient là, à ton chevet, dans les derniers moments. Tu les avais réclamé à de nombreuses reprises. Mais ils n’avaient pas voulu comprendre la gravité de ton état, l’urgence à être présents. Ils étaient tous très occupés, ils viendraient pendant le week-end, si c’était possible…

Tu étais mort en te sentant abandonné en partie. Je ne leur pardonnerais pas.

J’avais refusé de subir les condoléances des invités. Mes frères faisaient barrage, expliquant que j’étais « en état de choc », d’humeur « fluctuante », qu’il ne fallait pas en rajouter.

 

La cérémonie se termina par la dispersion des cendres, dans le parc adjacent, sur une portion près d’un grand arbre. J’y avais tenu. Tu aurais beaucoup aimé.

Le ciel avait adopté les mêmes tons que nos vêtements et l’humeur du jour. Bientôt, un éclair traversa l’horizon et nous eûmes juste le temps de retourner nous abriter dans le bâtiment avant que la pluie nous transperce.

Nous restâmes là à attendre, dans le hall, pendant plus d’une heure, avant de pouvoir rejoindre les voitures.

 

Puis nous partîmes.

 

Une fois rentrée, je montai sans un mot, m’allongeai sur le lit, et m’endormit ainsi, toute habillée. J’espérais rêver de toi mais ce ne fut pas le cas.

Chaque jour a sa couleur. Ma nuit eut la même que cette journée.

Noir.

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25 août 2023 5 25 /08 /août /2023 11:21

Texte écrit dans le cadre du défi créatif d'aout 2023.


Entre nous, tout avait vraiment commencé par un appel téléphonique à 2h00 du matin. Tu m’avais appelé de Taiwan, via ton PC, en te trompant d’un chiffre dans ton numéro. Il y avait quelque chose dans ta voix, derrière la fatigue et la tristesse, qui m’avait interpelé. Bien sûr tu t’étais excusée et avais raccroché. Mais après beaucoup d’hésitation, c’est moi qui t’avais recontactée une heure après, te demandant simplement si tu avais besoin de parler.

Ce que nous fîmes tout le reste de ma nuit, et une bonne partie du samedi. Tu te confiais comme si nous étions amis depuis l’enfance. Comme si ta vie en dépendait, aussi, et même si tu ne l’as jamais avoué, je me demande si ce n’était pas précisément le cas.

Tu étais là-bas pour le travail, c’était extrêmement bien payé par rapport à l’Europe, ton travail était extrêmement apprécié et valorisé par tes employeurs, mais il devait toujours être présenté ou confirmé par un homme lors des réunions, tu ne pouvais pas t’exprimer seule ou parler directement aux responsables. La place de la femme dans les sociétés asiatiques restait délicate. Et si ce n’était pas la raison principale de ton mal être, cela n’aidait pas.

Tu te sentais extrêmement seule, loin de ta famille, sans aucun ami ici ou là-bas. Ton but premier en allant travailler là-bas était de rejoindre ton copain, mais sa famille n’avait pas apprécié qu’il leur présente une occidentale. Il t’avait abandonnée, du jour au lendemain.

Le seul contact qu’il te restait était ton père, travaillant en horaire de soirée, et généralement disponible vers 2h00 du matin, quand il rentrait du travail. C’était le seul horaire susceptible de vous convenir à tous les deux, et ça ne pouvait pas durer longtemps.

J’appris aussi que tu étais malade, ce que personne ne savait. Tu l’avais découvert lors d’un test de routine. C’était une maladie orpheline, c’est tout ce que tu acceptas de m’en dire. Aucun traitement, il fallait vivre avec, et accepter qu’un jour elle t’emporterait.

 

Tu avais malgré tout cela une force de vie, une rage bien perceptible, que les conditions n’avaient pas encore réussi à briser.

Tu m’impressionnais beaucoup.

Je te parlai de moi aussi, même s’il n’y avait pas grand-chose à en dire par comparaison, simple auteur auto publié tirant le diable par la queue, d’une foire du livre à une séance de lecture semi improvisée, et survivant en rédigeant des articles publicitaires pour de grandes marques sur internet.

 Au fil de nos conversations, nous dérivions du cinéma aux livres, de la musique à la politique, pour revenir à ton travail et mes écrits toujours anonymes. Nous riions beaucoup.

Je ne savais pas à quoi tu ressemblais, et inversement. Aucun de nous ne ressentait le besoin d’y changer quoi que ce soit. Nous étions les amis du bout du monde, nous dansions sur le fil de ton premier appel accidentel.

Cela dura deux ans ainsi.

 

Et puis un jour tu décidas de rentrer au pays. Ton travail était achevé, on te proposait un autre contrat ici, après une période de repos dont tu disais avoir besoin.

Ta maladie avait beaucoup progressé les derniers temps, mais tu préférais comme toujours parler de tout et de rien, sauf de cela.

 

Nous continuions à nous appeler comme si tu n’étais pas maintenant à 45 kms de distance. Nous ne voulions pas banaliser ce que nous avions, détruire la part d’inconnu qui nous permettait de rêver (c’était tes mots pour le dire).

 

Mais depuis une semaine je n’avais plus de nouvelles. Tu n’étais plus connectée sur messenger, et je n’avais pas de numéro de téléphone local pour te joindre – nous n’en avions plus eu besoin - . Je ne pus qu’attendre, et espérer.

Jusqu’à cet appel, au milieu de la nuit, d’un numéro que je ne connaissais pas, mais dont le préfixe était celui de ta région. Et qui scella la fin de notre relation si particulière.

 

Aujourd’hui je te parle, chère amie, un bouquet de fleurs à la main, hésitant encore à le poser sur la tombe de cette jeune femme si belle sur la photo que ton père a choisie, cette jeune femme que je n’ai pas connue.

Même quand il a fallu t’hospitaliser, à la toute fin, tu n’as pas voulu me contacter. Il ne pouvait pas être question de parler de ça entre nous, tu ne le souhaitais pas. Tu ne concevais pas non plus de devoir dire au revoir. Ce que tu préférais dans mes écrits, c’était tout ce que pouvait préserver de simples points de suspension. Toujours la même volonté de rêver au-delà, que tout reste possible, hors du carcan de la réalité trop crue.

Ainsi tu as choisi de partir sur des points de suspension. Moi devant ta tombe, les fleurs à la main en forme de point final, ça ne t’aurait vraiment pas plu. Mais je le dois bien aux rêves que nous avions tous les deux, que tu m’as confié au fil de ces années et que j’emporterai avec moi en repartant d’ici. Une sorte de passage de témoin, avant de continuer à les rêver pour toi.

 

A te garder bien vivante à travers eux, et t’entendre rire encore, pour tout le reste de ma vie.

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