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Ce blog et les écrits qu'il contient sont mis à disposition par Michel Bosseaux (l'auteur) selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
 
 

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14 octobre 2008 2 14 /10 /octobre /2008 12:13
Ce texte a été écrit sur la liste #002 du projet "Retour de flammes". Pour voir l'ensemble des listes, et m'en proposer vous-mêmes, cliquez ici.

#002 Aga

* existence,  * complications, * torrents, * orage, * accomplir,
* clown, * psychiatre, * camisole, * diable, * spectacle,
 * flamboyant, * insignifiant, * explosif, * incisif, * définitif



Thomas s'efforçait en toute chose de voir le meilleur, face à toutes difficultés de voir le défi et non l'obstacle, et il pouvait affirmer sans craintes que, autant dans son métier que dans sa vie privée avec Kayla et leurs deux enfants, il était un homme heureux.

Il vivait son existence sans complications, au milieu de tous ces gens qui se prenaient trop au sérieux et qu'il tentait, de spectacles en spectacles toujours plus flamboyants, d'extraire de leurs torrents quotidiens de morosité. On le disait doué, chacun de ses numéros attirait une foule considérable, se demandant s'il allait échouer cette fois, ou accomplir un nouveau miracle.

Et il n'échouait jamais, terminant invariablement par un triomphe, après avoir fait trembler, espérer, rire aussi. Il n'oubliait jamais en effet ses débuts en tant que clown avant de devenir l'artiste complet - acrobate, illusionniste, humoriste, comédien - qu'il était aujourd'hui.


Thomas avait vraiment une vie de rêves, il se le répêtait tous les jours.


Mais l'orage couvait derrière les apparences. Il y eu d'abord des détails insignifiants, comme des pertes de mémoire, des lapsus, des paroles qu'il ne comprenait pas. Puis vinrent des réponses un peu trop incisives à des questions anodines de journalistes, des ruptures définitives avec quelques amis de très longue date... Son entourage, pour plaisanter, disait qu'à force d'incarner le diable dans ses spectacles, il en avait pris un peu du caractère, et que même hors scène il continuait à approfondir le personnage. Mais plus le temps passait et moins il faisait rire, son caractère devenant de plus en plus explosif, son agressivité allant un jour jusqu'à se battre sur scène avec un acrobate qu'il accusait de lui avoir fait rater son numéro, alors qu'il avait encore eu un trou de mémoire.

Il avait alors commencé à s'inquiéter, et il était allé voir un psychiatre, qui avait préféré lui faire passer quelques tests médicaux au préalable. Pour être sûr que tout allait bien avant de traiter un problème psychologique qui n'existait peut-être pas.

Thomas avait peur de devenir fou, peu à peu. Il ne craignait pas tant la camisole, dont il n'aurait aucun mal à s'extraire, se disait-il pour essayer de se détendre. Non, cela lui rappelait seulement son père, comment il avait commencé à devenir violent, invivable, avant de mourir dans une enième bagarre de bar. Il se demandait si ce n'était pas de famille.


Mais il n'était pas fou, la réponse était toute autre, et les tests médicaux le lui apprirent bien vite.


On n'ébruita pas la nouvelle. En accord avec son épouse, le directeur du cirque, et les autres comédiens, un nouveau spectacle fut organisé, dans lequel il incarnerait le diable, une dernière fois, tentant d'arracher son âme à un jeune acrobate très habile qui lui échappait toujours à la fin. Cette fois, il fut prévu que le diable soit vaincu, à la fin d'un combat d'illusionnisme particulièrement relevé.

Le spectacle fut enchanteur, et se clotûra sur une explosion de flammes... quand elles disparurent, Thomas n'était plus sur la scène, il s'était escamoté en coulisses, lançant juste un "je reviendrai, un jour... quand on ne m'attendra plus, je reviendrai !"

Il avait eu sa sortie digne.

Il pouvait maintenant s'occuper de sa tumeur cérébrale.


Et toutes ses plaisanteries ou son habileté ne l'avait pas préparé à ce combat contre la maladie, âpre, impitoyable. Il jeta toutes ses forces dans la bataille, remonta un peu la pente, la redescendit, remonta encore.

On le dit finalement guéri de sa tumeur. Mais son humeur était encore pire qu'avant, il était vraiment devenu un homme mauvais, rongé par la lutte contre sa maladie, les dernières parcelles d'humanité enterrées par la chimiothérapie et les opérations.

Dans les derniers moments, il ne parlait plus dans ses délires que de revenir prendre cet acrobate, et tous ces gens qui s'étaient moqué de lui.


Peu de temps après, on annonça son décès.



Quelque temps après, lors d'un spectacle du cirque où Thomas avait travaillé toute sa vie, le directeur avait décidé de lui rendre hommage. Tous ses numéros étaient exécutés par les artistes de la troupe, sous les yeux de Kayla et ses deux enfants, inconsolables. Tous, sauf ceux impliquant le diable. C'était son personnage, et personne n'aurait voulu voir ce rôle repris par quelqu'un d'autre.

C'était une demande de Kayla, et tout fut fait selon ses volontés.

Et pourtant, à la fin du spectacle, quand le jeune acrobate incarnant la proie fuyante monta sur scène... soudain les lumières vacillèrent, des flammes surgirent incompréhensiblement sur la scène, puis s'écartèrent... et une voix résonna, qui dit "Je vous l'avais bien dit que je reviendrais..."


Les spectateurs ne surent d'abord quoi faire. Kayla était figée, à regarder son mari sur scène, impossiblement vivant... mais ce n'était plus tout à fait son mari, et tout le monde le compris aux premiers morts, tués par des éclairs s'échappant des mains de cet être, au milieu de la scène. La panique fut totale, et en moins d'une minute la salle fut vidée de ses occupants. Mais de nombreux corps jonchaient les allées.

Ne restait plus dans la salle que Kayla (qui avait fait sortir ses enfants avec le directeur), l'acrobate mort de peur... et Thomas, qui s'approchait de lui...

Kayla se précipita alors, n'écoutant que son intuition, et au moment où un éclair allait s'échapper des mains de cet homme qu'elle avait tant aimé, elle s'interposa.

L'éclair rebondit sur elle, comme sans effet.

D'autres éclairs la frappèrent, mais elle s'en moquait maintenant, elle s'approchait peu à peu de Thomas, le regardant bien en face, tandis qu'il reprenait peu à peu apparence humaine, l'apparence de vieillard mourant qu'il avait à la fin. Elle avançait sans crainte, malgré ses cris et les éclairs qu'il envoyait de plus en plus furieusement. Elle s'immobilisa finalement, à quelques centimètres de lui, et l'attira dans ses bras, tremblant de rage.

Ils s'embrasèrent alors tout deux, et tombèrent en cendres sur la scène. L'acrobate en aurait juré.


Pourtant, quand la fumée se dissipa, on retrouva Kayla, inanimée mais vivante.




Quand elle se réveilla, elle dit seulement que son mari était en paix maintenant.


Personne ne voulu croire ce qui s'était réellement passé ce jour-là. La police chercha pendant des mois à faire avouer les différents protagonistes, les autres acteurs restés en coulisses, mais bien sûr on ne trouva rien.

Le dossier fut finalement classé.




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commentaires

A
en tout cas, c'est une belle fin je trouve... c'est vraiment bien écrit:0010: chéri
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M
<br /> merci...<br /> <br /> <br />